Une célébration entre poésie et musique

La Nuit du Folk de Simon Kearney
Photo: Gabryel Arcand

Vendredi dernier, La Nuit du Folk, une initiative de Simon Kearney, prenait vie au Grizzly Fuzz. Une veillée musicale, poétique et artistique mise en scène par Patrice Michaud, inspirée par La Nuit de la Poésie et par les soirées bohèmes du Greenwich Village new-yorkais des années 60.

C’était aussi l’occasion pour Kearney de présenter son plus récent album, L’Île, une œuvre intime et introspective où il retrace les dernières années de sa vie — ruptures, voyages (Cuba, Îles de la Madeleine), déménagement sur l’Île d’Orléans — et où il amorce une transition marquée de la pop’n’roll vers un folk dansant, largement inspiré par son séjour cubain.

Accompagné de Gabriel Arsenault (percussions), Mélisandre Archambault (violon), Luke Dawson (contrebasse) et Andy King (trompette), Kearney a su créer un univers riche en textures et en couleur.

Une première partie envoûtante : Héron

La soirée s’ouvre avec Héron, le projet solo de Henri Kinkead. Avec beaucoup d’audace, il entame sa partie A cappella, brisant instantanément l’ambiance 5 à 7 bien installée dans la salle. D’un seul coup, le silence s’impose et l’attention du public est captée.

Confortable sur scène et devant lui un public attentif, Héron nous définit sa vision du folklore où se mêlent racines québécoises ethéritage queer. Son folk est lumineux, poétique et évoque tant la fragilité que la force.

Parmi les moments forts de son passage, Héron nous quitte sur la turlute, « contredanse » du violoneux Louis Pitou Boudrault ; il a bien pris la peine de définir ce qu’était une turlute au Québec, au cas où il y aurait des Français dans la salle… Ce petit moment folk traditionnel est une invitation à célébrer nos racines, à faire vibrer la mémoire collective, mais surtout à devenir des passeurs de traditions.

  • « Verger »
  • « Je veux être une rivière »
  • « Fontaine »
  • « Bonaventure »
  • « Contredanse »
  • « L’hiver »

Quand le folk rencontre la poésie – Michel Blouin.

Impossible d’imaginer La Nuit du Folk sans une dose de poésie. Entre les performances musicales, Michel Blouin, poète et peintre (à qui l’on doit d’ailleurs l’immense fresque derrière les musiciens), nous offre une lecture de quatre de ses textes. Sa voix résonne dans la salle, enveloppante et touchante, nous transportant entre l’Île d’Orléans et les rues de Saint-Roch entre souvenirs, espoirs, douleurs et conforts.

L’invitant et l’authentique Simon Kearney.

Le spectacle s’ouvre avec « Île d’Orléans », un clin d’œil à son nouvel ancrage, suivi de « Le grand défi », qui pose les bases d’une soirée riche en intensité.

Dès «Cha Cha», l’ambiance change. Kearney essaie de danser, « sans avoir l’air d’un cône orange, un peu coincé » et entraîne la foule dans son univers familier où le partage est de mise.

Avec « La maison tremble »et « Les larmes et le sang », la tension s’installe, portée par la trompette d’Andy King qui crée une ambiance exotique et festive. Les inspirations cubaines sont bien présentes et les envolées mélodiques aussi.

Puis vient un premier moment suspendu : « Quand on est en amour », une reprise de Patrick Norman, interprétée en duo avec Isabeau Valois. Spontanément, la foule se met à chanter, à se balancer au rythme de la chanson. Quelques couples osent même des slows, créant une atmosphère de communion unique.

Pour faire suite « Câline » est revisitée dans une version plus tendre et langoureuse qu’à l’habitude.

C’est cependant la réinterprétion de « Y va-tu toujours y avoir » de Richard Desjardins par Kearney et Kindkead qui m’a le plus touché. L’attention de tous est braquée sur les deux interprètes et un silence aussi respectueux qu’intense s’installe.

Avant de replonger dans la musique, Héron prend le temps de livrer une lecture touchante : une lettre d’amour et d’appréciation, une réflexion sur l’humain et l’acceptation des différences dans nos pratiques et notre partage du folklore.

Cap sur Cuba avec « El Cuarto de Tula », où l’énergie explose à nouveau. Chaque musicien se lance dans un solo plus épatant que le précédent. Quoi de mieux que de la musique cubaine pour remettre de l’avant un sentiment de fête et de légèreté.

Bien placé sur le programme de la soirée, « Hôtel Ste-Anne », une reprise d’« Hotel California » des Eagles, est présenté avec humour comme le succès majeur du groupe.

Nous avons eu le droit à une petite nouvelle de Kearney!« Orviens donc » une pièce, rappelant « Pis si au moins » des Colocs par son air accrocheur et sa mélodie nostalgique.

Guidé une dernière fois par le dieu de la pop’n’roll, l’artiste s’élance ensuite sur « Ménage du Printemps », avant de délaisser l’électrique pour l’acoustique. De tout façon, comme il le chante : « Nowadays c’est lame le rock’n’roll »

Le set principal se conclut sur « Maison Ouverte », une invitation explicite à trouver une maison vert fluo sur l’Ile d’Orléans.

Rappel

Le public en redemande et Simon Kearney, accompagné de tous, revient avec « Les Sorciers », une chanson à répondre teintée de références à l’Île d’Orléans et à l’actualité. On y fait allusion à l’absurde idée d’un 3ième lien qui passerait par l’Île et au climat politique actuel.

Je paraphrase :

Pas de troisième lien,
Pis si vous faites la guerre,
Arrangez-vous pour que ce soit loin de l’Île.

Puis, le spectacle s’achève en douceur avec « Simple comme bonjour », une pièce 100 % instrumentale, où la musique seule fait le travail. – Je recommande comme réveil matin.

Avec La Nuit du Folk, Simon Kearney a créé un pont entre tradition et modernité, entre poésie et musique, entre récits personnels et mémoire collective.

À quand la prochaine édition ?

(Une critique de Gabryel Arcand)

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