Une discussion avec Michaël Grégoire
Il y a de ces artistes qui ne semblent vivre que pour la création et la beauté artistique qui émane des mélanges, des rencontres, des hasards. L’auteur-compositeur-interprète Miro fait partie de ceux-là. Celui qui s’est d’abord fait connaître avec le duo folk nommé Blé, ce sont les réseaux sociaux qui l’ont propulsé jusqu’au lancement de son tout premier album en carrière, “En retard sur ma vie”, en 2019. J’avais mille questions pour celui que l’on a vu collaborer avec de nombreux artistes, mais qui, somme toute, semble maintenant préserver sa vie… privée.
En exploration, depuis toujours
Dès l’âge de 3 ans, Miro s’installe au violoncelle et explore la guitare au sein d’une famille musicale. En vieillissant, il continue à explorer tous les styles. Encore aujourd’hui, d’un projet à l’autre, j’ai l’impression que Miro reste cet artiste éclaté qui fuit les étiquettes. “Il y a une partie de moi qui aurait aimé connaître mon identité artistique, très jeune. J’aurais voulu arriver dans une lignée excessivement claire et ne pas en déroger”, dit-il. “J’ai pris en maturité, j’ai réalisé que des choses me touchaient ou me convenaient mieux que d’autres. Je touche à plusieurs styles, mais ce n’est pas par volonté de ne pas être mis dans une case. J’essaie juste de m’écouter et de voir de quelle manière j’ai envie de faire les choses”. L’auteur-compositeur-interprète de 31 ans souligne qu’il travaille actuellement sur un nouveau projet qui, lui aussi, va explorer une nouvelle dimension de son art. “J’apprécie quand un artiste fait des “moves” qui peuvent paraître risqués : un chanteur hip hop qui propose un virage country. Ça crée une sorte de vertige, j’apprends à aimer ça et je trouve super qu’un artiste se permette d’aller ailleurs”, conclut Miro. Il mentionne que l’important pour lui est de s’écouter et de comprendre ce qu’il a envie de faire et à quel moment il a envie de le faire.
Collaborer
Miro me semble être l’un des artistes québécois qui collabore le plus et dans tous les styles. Ce qui est le plus impressionnant, c’est qu’il semble avoir cette aisance alors qu’il plonge dans des univers toujours nouveaux pour lui. Des rencontres sont arrivées naturellement, pour la plupart lors de camps d’écriture, des expériences qu’il apprécie tout particulièrement. C’est ainsi qu’il a notamment fait la rencontre d’Eli Rose, Mike Clay, Simon Kearney, Vendou et d’Ariane Moffatt. Cette dernière est un coup de coeur personnel de l’artiste. “En faisant mon premier album en 2018, j’avais écrit à Ariane Moffatt pour avoir du feedback sur ce que j’étais en train de faire. À l’époque, elle ne m’a pas répondu. Et quand je travaillais sur “Quitter la ville”, je lui ai envoyé la maquette. À ce moment-là, elle était à son chalet avec ses enfants et je l’ai prise au bon moment. Ça fonctionnait à 100 % avec sa “vibe” du moment et elle a embarqué!”, lance-t-il. Comme quoi, de telles rencontres sont très souvent une question d’être à la bonne place au bon moment. Cet extrait aux accents électro-pop raconte le besoin des grands espaces, de quitter son nid et le quotidien metro-boulot-dodo de la “grand’ ville”. “J’ai reçu des commentaires de gens qui me disent, un peu fâchés, qu’ils sont très bien en ville!”, souligne Miro en riant.
Comment aborde-t-il une collaboration? “Ça me fait toujours plaisir de constater qu’un artiste veut travailler avec moi. J’ai pas mal toujours eu tendance à vouloir dire “oui” à tout et je trouve ça difficile de faire des choix! Je veux que tout le monde se sente bien, je veux faire plaisir à tout le monde. Plus j’évolue, moins j’ai de temps”, dit-il. Le chanteur ajoute qu’il doit surtout apprendre à dire non, une tâche difficile quand tous les projets entretiennent ce feu de la création.
Son récent album
“Géant” est un album qu’il avait envie de faire différemment. Ce projet de 10 chansons lancé sous l’étiquette Rosemarie Records l’a amené à proposer un son qui lui ressemblait davantage. “J’avais passé les deux derniers albums avec des “beatmakers” en co-réalisation qui m’aidaient à aller dans une esthétique très urbaine. J’ai beaucoup aimé, mais pour mon récent album, j’avais besoin d’aller ailleurs”, souligne-t-il, alors que c’est en apportant des maquettes à ses musiciens qu’il a fait le choix d’enregistrer un projet dont le son serait plus “live” avec son “band”, plus organique et près de ce qu’il avait le goût de voir naître. “Je sens qu’il y a plus un sentiment d’appartenance entre les musiciens et ça change beaucoup la donne”.
Faire les choses à sa manière est maintenant son mantra. Il ne cessera jamais de s’introduire à de nouvelles collaborations, mais il souhaite rester près de la personne qu’il est vraiment. “J’ai envie de me faire plus confiance et de réaliser par moi-même. Je ne sais pas si c’est l’âge qui fait ça, je suis comme en recherche d’une vérité. Je veux que mes proches l’écoutent en me disant que cet album me représente vraiment”, raconte Miro. “J’ai besoin que chaque chanson touche à une vérité profonde! Je n’ai pas le goût de faire des chansons simplement pour faire des chansons”.
Il puise son inspiration dans ce qu’il voit, ce qu’il vit. Créer est une manière d’affronter ses peurs et de surmonter les insécurités qui peuvent parler à toute une génération. La thématique du temps qui passe reste son navire amiral. “J’ai l’impression que je suis totalement en paix avec le passé. Je repense à moi, il n’y a pas si longtemps. Je sortais d’une rupture, j’étais dans une phase peut-être plus sombre, ça va beaucoup mieux maintenant. Mais je reste assez obsédé par le temps qui passe. Je me surprends à dire des “dans mon temps”, quand je parle à des plus jeunes!”, lance-t-il. “Je ne sais pas si c’est de l’anxiété, mais certainement une forme de conscience qui ressort dans mes chansons. Je pense que j’ai de plus en plus confiance en la personne que je suis et de ce que je veux réellement”.
Sur le toit du Stade
Il est difficile de manoeuvrer une entrevue avec Miro sans faire référence à cet exploit qui a fait tant jaser dans les médias : son spectacle offert en pleine pandémie sur le toit du Stade olympique de Montréal. À ce moment, les artistes multiplient les spectacles virtuels, la seule manière de connecter un temps soit peu avec leur métier. “Mon agent, Alexan Artun, m’est arrivé avec l’idée de faire un spectacle sur le toit du Stade olympique. Je lui ai dit qu’il rêvait complètement en couleurs! (rires) Finalement, ça m’aura appris à rêver en couleurs!”, lance l’artiste. Miro souligne à quel point l’équipe du Stade olympique et l’équipe technique ont été formidables. “Mon batteur était attaché par un harnais pour ne pas tomber en bas! C’était fou!” Il avoue que certains le reconnaissent maintenant comme “le gars du Stade”, ce qui le fait sourire.
C’est en 2020 que Miro est nommé “Révélation de l’année” à l’ADISQ, une reconnaissance qu’il reçoit avec beaucoup d’humilité. On aborde bien sûr la question de l’autoproduction. Miro est bien placé pour en parler, il s’est d’abord fait connaître sur les réseaux sociaux et a fait sensation avant même d’être entouré d’une équipe professionnelle. “C’est incroyable de voir un artiste qui arrive à remplir un Club Soda parce qu’il a un “following” monstre sur TikTok! Et pas parce qu’il a une grosse équipe ou un label!”, ajoute-t-il. Miro ajoute que les professionnels de l’industrie sont encore particulièrement importants, mais il salue ces artistes qui font le choix de se lancer de manière indépendante, sans -bien souvent- avoir accès aux subventions. “Et ils arrivent quand même à des trucs super nouveaux et créatifs!”
Miro aurait pu s’autoproduire et tenter de jouer à l’artiste-à-tout-faire. Ce n’est pas la voie qu’il a empruntée, lui qui collabore avec un gérant, une maison de disques et une boîte en édition. “Ça fait douze ans que je suis avec la même équipe et je constate à quel point ils travaillent fort! Ils font du travail administratif qui me permet d’être presque entièrement concentré sur ma création et ça me va super bien! Mais justement, j’essaie de ne pas m’asseoir sur le fait que j’ai une équipe”, souligne-t-il. “Même si j’ai cette équipe, j’essaie de rester dans le “mindset” où je me pose la question à savoir comment j’y arriverais si j’étais seul”. Il ajoute que ce n’est pas le label qui va faire l’artiste. Le label accompagnera souvent un artiste qui fonctionne déjà pour l’amener à un autre niveau. L’auteur-compositeur est tout aussi fidèle avec ses collaborateurs, lui qui a choisi de travailler avec le réalisateur Pierre-Luc Rioux pour ses deux premiers albums. “Je fais confiance aux personnes avec qui je travaille. Pierre-Luc est un bel exemple, c’est un multi-instrumentiste exceptionnel. J’admire les artistes avec qui je travaille et ça me donne le goût de contribuer comme ça”.
S’éloigner de la lumière
Miro ne s’en cache pas, c’est son objectif : quitter le “spotlight” pour se consacrer à des projets qu’il n’aura pas à aller défendre devant le public. “C’est certain que je vais prendre du recul avec le temps. Je suis en train de réaliser l’album d’un ami, en ce moment, et j’adore ce processus. J’aime me sentir dans l’ombre et c’est l’artiste qui va présenter cet album sur scène”, dit-il. “J’aime faire des shows, probablement parce que mon ego aime ça, mais je sais que je ne suis pas fait pour ça. À 40 ans, je ne m’imagine pas dire à mes enfants que je quitte longtemps en tournée. Je ne veux pas que ma priorité soit d’être le “front man” et de performer”.
L’auteur-compositeur-interprète en a-t-il un peu assez d’être dans l’œil du public? La réponse n’est pas aussi simple, lui qui aime monter sur scène, mais qui prend le plus de plaisir à créer, tout simplement, sans tout ce qui vient avec. “Les réseaux sociaux, c’est quelque chose qui reste quand même très ardu pour moi. Je ressens une obligation d’être présent, ça me crée de l’anxiété, mais en même temps, je trouve parfois quelques filons créatifs qui m’inspirent”, dit-il. Et avec tout ce qui peut se dire sur le web… “Il faudrait qu’on fasse un podcast sur le sujet, toi et moi! (rires) À la fin de la journée, je suis tout seul chez nous, je me sens en sécurité, j’écris mes chansons. Que les gens me critiquent ne m’influence que très peu”, soulignant son ancienne relation de couple qui, pendant sept ans, a été dans le regard du public. “Je voulais faire la paix avec cette relation et j’avais l’impression que tout le monde m’en parlait. Je me souviens que j’avais l’impression de remonter la pente et j’étais en train de faire l’épicerie. À la caisse, je vois le “front page” où il est écrit “Rosalie Bonenfant est maintenant célibataire”. Ça m’était constamment remis dans la figure”. Néanmoins, l’artiste avoue s’être libéré de la pression de vouloir plaire à tout prix. Il réalise en ce moment l’album d’un ami, il co-réalise les projets de plusieurs artistes, il interprète des reprises sur les réseaux sociaux et se prépare à vivre une première vitrine au Maroc. “J’essaie juste de me faire le plus confiance possible”, conclut Miro. Parce que la création sera toujours son plus beau terrain de jeu.
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