Le phénomène Francis Degrandpré

Entrevue “face à face” dans le Vieux-Québec
Crédit photo : Steven Grondin

Un entretien avec Michaël Grégoire

C’est l’année de Francis Degrandpré, on s’entend là-dessus. En moins de trois ans, l’auteur-compositeur-interprète est passé de l’ami qui chante au bord du feu à un artiste accompli qui fait lever les foules aux quatre coins du Québec. Avec un son new country francophone bien à lui et une voix qui se démarque de ce qu’on entend dans l’univers country québécois, il se démarque sur la scène musicale depuis son passage remarqué à La Voix en 2020.

Je lui ai donné rendez-vous au bar du restaurant Il Teatro du Théâtre Capitole, à Québec, alors qu’il est de passage avec sa gérante, Véronique Labbé, pour une journée de promotion. Il arrive avec sa gérante, pile à l’heure. Le temps de commander une bière, l’auteur-compositeur aborde son entrée et son succès rapides dans l’univers artistique québécois. Tout aussi rapidement, il s’est senti bien entouré avec l’arrivée de collaborateurs qu’il considère aujourd’hui comme des membres de sa famille. “À la suite de ma sortie de La Voix, j’étais déjà ami avec l’artiste Laurence St-Martin qui, elle, était sous gérance et en coproduction avec Véronique. Personnellement, à ce moment, j’avais plein de questions pour Laurence. Avant La Voix, je n’avais jamais envisagé faire de la musique ma carrière. Je n’avais même jamais joué dans les bars, tout était nouveau. Je me suis mis à m’informer plus sur tout ce qui existait dans l’industrie : la SOCAN, les contrats, etc. J’ai commencé à naviguer dans ça, j’ai rencontré Véronique et ça m’a donné confiance”, mentionne-t-il. Devant son potentiel, celle qui évolue dans le métier depuis maintenant 25 ans a choisi de signer son protégé en gérance et en coproduction. Bref, voilà une histoire qui commence bien pour celui qui avoue prendre beaucoup de temps avant de faire un choix éclairé. Il a besoin de ce pas de recul afin de peser tous les pour et les contre d’une décision.

Francis Degrandpré a choisi l’avenue de la coproduction avec son agente, Véronique Labbé. Était-ce clair pour lui depuis le départ qu’il souhaiterait rester capitaine de son propre bateau? “Non, c’est moi qui y tenais”, réplique Véronique Labbé, accoudée au bar à côté de lui. “Au début, c’est sûr que je me demandais si je mettais des sous dans ma carrière et, avec le recul, j’ai bien fait. On ne sait jamais ce qui va se passer dans le monde de la musique, c’est tellement instable”, répond l’artiste. En effet, le choix fut judicieux puisque le succès ne s’est pas fait attendre. L’artiste originaire de Berthierville lance son premier extrait Colorado en octobre 2021 et charme les radios de la province trois fois plutôt qu’une avec ses hits consécutifs Bang Bang et Ta toune préférée, se retrouvant respectivement aux 8e et 12e positions du Top 100 Mediabase. “Je n’avais aucune attente et tout s’est enchaîné rapidement. Juste le fait de jouer à la radio, je me pinçais! Elle est ensuite entrée à CKOI, elle est devenue numéro 1, on en sort une deuxième et une troisième… même résultat, dans le haut des palmarès! C’était l’fun de voir qu’à chaque fois qu’on sortait une nouvelle chanson dans les radios, ça marchait encore”, lance Degrandpré, qui ne cache pas sa fierté d’imposer un style qui correspond entièrement au gars qu’il est dans la vie. Mais justement, de quelle manière ce style s’est-il défini pour lui? “En 2017, j’ai découvert Luke Combs, simplement autour d’un feu avec des chums. J’entends la chanson “Beautiful Crazy” et je me retrouvais dans sa voix. C’est aussi un gars de bois, de chasse et de pêche comme moi. Bref, quand je suis entré à La Voix en 2020, je me considérais comme un “country boy” parce que c’était le “vibe” que j’aimais faire et c’est ce que j’ai voulu reproduire dans mon album “new country”, dit-il.

La suite est impressionnante : deux nominations à l’ADISQ, il devient récipiendaire dans la catégorie “album country de l’année”, il se voit décerner six nominations au Gala country et termine l’automne en beauté avec une performance de sa chanson Colorado en direct au Gala de l’ADISQ. Le rendez-vous télévisuel a d’ailleurs attiré 1,3 million de téléspectateurs.J’étais présent à ce Gala en 2022 et je ressentais le syndrome de l’imposteur. Même chose à l’ADISQ, je ne sentais pas que j’avais vraiment une place à prendre dans cette industrie. Je ne connaissais personne! Mais qu’est-ce que je fais là? Ma gérante était là pour me présenter à tout le monde, c’était cool. Cette année, c’étaient les gens qui venaient me voir pour me féliciter et je trouvais ça vraiment touchant et flatteur. Le fait de remporter 3 prix au Gala Country, ça me donne une bonne tape dans le dos pour le reste de ma carrière”, mentionne Francis Degrandpré. L’année est donc loin d’être terminée pour ce “country boy” qui peut désormais se vanter de cumuler près de 100 dates à son calendrier de spectacles pour 2023 et 2024. Un succès comme celui-là peut faire peur, on s’en doute. On a vu tant d’artistes monter si haut et redescendre tout aussi vite pour diverses raisons. L’artiste semble toutefois prendre cette “grande dose d’amour” avec beaucoup de recul et de lucidité. “Au début, oui, j’avais peur. Il y a un an et demi, c’était mon premier spectacle à vie. Ça me faisait peur parce que je n’avais jamais fait ça. Faire lever la foule, je me demandais si je serais assez bon pour faire ça. À force d’en faire, j’ai eu la piqûre de la scène. Et je n’en reviens pas, les gens sont là autant en festivals que dans les salles. Ça chante mes chansons et, pour moi, c’est le plus beau cadeau du monde”, dit-il. 

Son secret? Son équipe

C’est en discutant avec lui que je confirme ce qu’on disait de lui : Francis Degrandpré est loin d’être un solitaire, bien qu’il soit nécessaire pour lui de s’évader à la pêche ou dans le bois. Il est un gars de gang et il a besoin de cette énergie collective pour avancer. Parler de son équipe est un exercice naturel qu’il prend plaisir à énumérer. “Véronique Labbé, ma gérante et coproductrice, est là depuis le début. Joëlle de l’Agence Ranch est là aussi depuis le début, Taxi Promo, Vince Lemire et Richard Turcotte avec qui j’ai écrit mon album, mon réalisateur Michel Francoeur, Luc Tellier au mastering, Eric Pelletier au booking qui prouve aux salles et aux festivals que mon spectacle vaut le détour, etc. Il y a tellement de monde autour de moi et c’est ça qui fait qu’on a de beaux résultats. Tous ceux et celles que je viens de te nommer, si ces gens-là n’étaient pas présents, ça ne serait pas pareil”, ajoute l’auteur-compositeur qui a d’ailleurs dévoilé qu’un nouvel album était en préparation et que la sortie était fixée pour le mois de mai 2024. “On dirait que tout le monde veut aller à la même place et c’est ça qui est beau”, mentionne Véronique Labbé, sirotant son bloody ceasar.

Francis Degrandpré a récemment mentionné en entrevue au Journal Métro que Québec était la “ville du vice”. Je ne pouvais m’asseoir avec lui sans lui demander de préciser sa pensée. “J’aime ça prend un p’tit coup! (rires) Maintenant, ça devient difficile de me coucher trop tard parce que, avec ma fille, je me réveille très tôt le lendemain, mais j’aime aller dans les bars avec mes chums. Je le fais moins en raison de mon horaire et du fait que ma vie est devenue plus structurée! Disons que l’horaire le permet moins!” C’est confirmé, Francis Degrandpré semble être le gars que tu veux absolument inviter à ton prochain party! Parlant du lien qu’il entretient avec son équipe, abordons celui qui le lie à son public. À l’entendre, Francis Degrandpré semble avoir une relation plus difficile avec les médias sociaux. “Non, j’adore ça, mais je déteste me vendre! Dire aux gens “venez me voir, faut que ce soit plein”, ça me met une certaine pression et ce n’est pas moi. De faire plusieurs publications sur un spectacle qui se vend moins, je sais que c’est important, mais je suis de plus en plus actif. J’essaie, en tout cas!”, dit-il. Je note le sourire en coin de sa gérante qui semble lui rappeler régulièrement l’importance d’alimenter ses plateformes. En effet, d’aucuns diront que c’est le nerf de la guerre.

Écrire, à coups de “flashs”

Comment la démarche d’écriture se passe-t-elle pour celui pour qui les temps libres semblent être aussi vides que le verre qu’il vient de terminer. “J’enregistre dans l’application “notes” de mon cellulaire plein de phrases, des bouts de textes qui me parlent et je range tout ça là. C’est très rare que j’écrive “sur commande”, juste parce que je le décide. Ça arrive sur des coups de tête, des “flashs” que j’ai. J’écris sur des choses que je vis et que je trouve belles. Ça se fait sur le long terme. J’ai beaucoup de difficulté à écrire sous pression, simplement parce que je dois composer quelque chose”, ajoute-t-il. Degrandpré fait paraître son premier album Soir de quai en mai 2022 et remplit les 900 places du Théâtre Corona à Montréal, quelques mois plus tard seulement. On le retrouve en première partie de The Reklaws à la première édition du Festival Saloon à Trois-Rivières, de Russell Dickerson au Festival Country de Lotbinière et il devient le premier artiste francophone à jouer sur la scène principale de Lasso Montréal en août dernier. Avec son vécu sur scène depuis les deux dernières années, entrera-t-il en studio avec une vision renouvelée de ce qu’il souhaite proposer au public? “Ce que je veux moins, ce sont des ballades parce que j’ai vu l’efficacité d’une chanson country rock sur scène. C’est davantage là où je vais pour cet album. Je vais bientôt revoir Richard Turcotte et Vince Lemire pour ça”, mentionne celui qui semble carburer à l’énergie de la foule.

Une grande famille

Fred Dionne mentionnait, en entrevue dans l’un de nos “face à face”, que les artistes country sont véritablement comme une grande famille. Une affirmation que Francis Degrandpré approuve entièrement.  “Dans la pop, les gens sont snobs! On va se le dire! (rires) C’est un univers plus “chacun pour soi”, mais un bon exemple de cette énergie entre nous, c’est “Grande Ourse”. Des artistes qui s’unissent pour un projet commun où il n’y a aucune forme de compétition. C’est beau à voir!” Le projet Grande Ourse est un projet d’album et une série de spectacles réunissant bon nombre d’artistes country francophones proposé par le label Disques Far West. “J’ai l’impression que dans l’industrie pop, il y a moins de moments propices à se rencontrer. D’un autre côté, le country, ce sont des moments de gang autour d’une bière. Je pense que c’est aussi ça, la différence”, mentionne Véronique Labbé.

Un nouvel album en préparation

Puisqu’il est coproducteur de son album et de l’ensemble de ses projets, comment Francis Degrandpré arrive-t-il à prendre du recul sur ses choix professionnels? “Dans les moments de doute, j’en parle avec mon équipe, mais pas le soir-même. Je ne veux jamais prendre de décision trop rapidement, alors je dors là-dessus. Je ne suis vraiment pas un gars précipité dans la vie, ça ne me dérange pas de prendre mon temps pour faire les bons choix”, avance celui qui ne cache pas son excitation de retourner en studio. L’artiste mentionne également son ouverture à collaborer avec des artistes issus d’autres milieux pour explorer de nouvelles directions. “Surtout des artistes provenant du monde de la pop, j’aimerais voir où le mélange peut m’amener”, ajoute-t-il. En mai 2024, il souhaite présenter un nouvel opus qui surpasse l’impact de ce qu’on a connu avec Soir de quai. “Je veux tout casser et je vais mettre toute mon énergie là-dessus! Je ne veux pas voir plus loin que ça, pour le moment”. En se levant, on échange quelques mots sur un article qui l’a particulièrement impressionné au cours de la dernière année par sa versatilité: Jay Scott. “Ce gars est une machine de guerre! J’étais sur un spectacle avec lui à la rentrée CKOI en septembre, avec Vince Lemire et Sara Dufour. En show, le gars est seul au monde et j’ai su qu’il ne sait pas lire la musique! Sur scène, j’ai adoré ça! C’est un phénomène”, dit-il. L’invitation est lancée! Jay, la révélation country Francis Degrandpré attend ton appel!

Francis Degrandpré, c’est aussi l’histoire d’un agent correctionnel en congé sans solde depuis mai 2023 et jusqu’en décembre 2024. Il en parle avec beaucoup de fierté et d’humilité, cette année est la plus belle de sa vie professionnelle. Nos excuses à ses collègues qui attendent son retour, mais j’ai l’impression que l’artiste restera sur scène encore longtemps!
Découvrez ici toutes les dates de la tournée 2023-2024 de Francis Degrandpré.

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