“Mes parents ne comprennent pas encore ce que je fais! Ça arrivera peut-être un jour!”, lance en riant Maxime Rivet alors que nous venons d’allumer la caméra pour cette entrevue. Installé dans son loft de Montréal, il avoue que ce ne sont pas les projets qui manquent. Ce dernier réalise aujourd’hui des rendez-vous télévisés tels La rentrée TVA, le Gala Mammouth, Plaza Plaisir et Vie$ de rêve sur Crave, mais ce qui attire l’œil est surtout son rayonnement international qui fait beaucoup jaser dans l’industrie.
Tout jeune, Maxime Rivet savait qu’il était un enfant plutôt différent. “Ma passion part de loin! Mes parents avaient des emplois stables dans le secteur gouvernemental, mais je n’ai jamais été dans cet état d’esprit. Je voulais faire quelque chose de créatif, mais sans savoir vers où me diriger”, dit-il. À l’école, ses enseignants le surnomment “Monsieur La Lune” parce qu’il n’arrivait que très peu à rester attentif en classe. “J’étais créatif, mais on dirait que la créativité n’était pas “sexy” dans le temps. J’ai un oncle qui m’a poussé à faire des concours de musique, de réalisation de clips, etc. Je me suis mis à vraiment aimer ça, faire des vidéos”, ajoute celui qui navigue dans cette industrie depuis les 15 dernières années. Il a donc choisi de poursuivre ses études au Cégep en sciences humaines et en administration à l’université. Pour faire plaisir à ses parents? La question se pose.
La piqûre de la télé
C’est l’animateur Patrick Masbourian qui lancera un appel à tous afin de revoir l’introduction musicale du jeu télévisé La revanche des nerds sur les ondes de Radio-Canada. Le projet est devenu la nouvelle passion du jeune Maxime. “Je me suis mis à jouer de la guitare et j’ai créé une chanson. On m’a finalement écrit pour me dire que ce que j’avais fait était vraiment cool, mais on ne m’a pas pris. J’avais 14 ans”, dit-il. C’était la première fois où il recevait un commentaire positif sur son travail de la part d’un professionnel de l’industrie.
En 2008, Maxime Rivet entreprend des études en télévision à La Cité collégiale, à Ottawa. Il ressentait ce besoin de “casser” le moule et de tenter sa chance dans le milieu qui le fascinait depuis déjà plusieurs années. “J’aimais bâtir des décors, j’avais un goût pour la décoration”. Son directeur académique l’invite à songer à la réalisation. Il entre chez 3,2,1 Productions en 2010 à titre d’assistant-monteur avant de s’inscrire, un an plus tard, à l’University of Southern California, à Los Angeles. “Steven Spielberg et George Lucas ont étudié là. La meilleure école de cinéma au monde, c’est elle”, ajoute le professionnel de 36 ans. Faute de moyens financiers, il effectuera une session de master seulement. “J’ai appris à être anxieux à ce moment-là!”, lance-t-il en riant.
Un appel qui change la donne
Alors qu’il est de retour à Montréal, il s’amuse à réaliser plusieurs clips pour des amis du milieu artistique. Le téléphone sonne. “Si t’es allé à Los Angeles, aide-nous à revoir Sucré Salé avec Guy Jodoin”, lui dit-on. À 21 ans, c’est là où Maxime Rivet sent que tout commence pour lui. “À Montréal, je n’avais pas d’aide. Il y avait un directeur technique à TVA qui m’avait dit que je devrais répéter à tout le monde que je veux être réalisateur. Je ne vivais que pour ça. Je me souviens que des réalisateurs établis me disaient que je ne serais jamais réalisateur”, souligne-t-il, un sourire en coin. De son point de vue, la mentalité de Los Angeles est drastiquement différente de ce qui se vit ici. “Là-bas, on me dit que si je suis là, c’est parce que je peux réussir. Et quand tu entres dans cette famille, ils ne te lâchent pas. C’est ce que j’ai aimé”, conclut-il.
La première idée? À jeter!
Maxime Rivet a eu la chance de tirer de nombreuses leçons de son expérience aux États-Unis. “Le plus grand apprentissage de mon expérience là-bas est que la première idée n’est jamais bonne. Fais-toi confiance, mais c’est pas parce que tu as une idée qu’elle est bonne. Il n’y aucun scénario de publicité que j’ai écrit en “one shot” que j’ai gagné”, dit-il. Le professionnel souligne également à quel point l’industrie américaine se serre les coudes. “Là-bas, quand tu écris à quelqu’un, ça se peut que tu aies une réponse, peu importe sa cote de popularité. Ici, c’est différent. C’est tellement un petit milieu qu’on se bat tous pour la même part du gâteau”.
Le Montréalais réalise aujourd’hui plusieurs rendez-vous télévisés dont Bonsoir bonsoir et On va se le dire, deux émissions diffusées sur les ondes de Radio-Canada. Au quotidien, il constate toutefois que la relève n’est pas au rendez-vous. “Derrière moi, je ne vois pas beaucoup de jeunes et je trouve ça triste. J’essaie d’aider des amis en réalisation, je fais des “splits”: je ne peux pas faire tout un contrat, donc j’invite un plus jeune pour m’aider et prendre une partie du contrat de réalisation”, dit-il. “C’est un milieu qui est rough, c’est horrible. Mon année contractuelle est signée pour l’année, mais j’ai des amis qui, actuellement, se cherchent encore un contrat”. Ce dernier souligne également à quel point il apprécie toute la liberté que lui laissent les producteurs sur les émissions qu’il réalise. “Mon travail est de rendre possible ce qui est souvent impossible!”, conclut-il en riant.
L’arrivée des tournées internationales
L’histoire frappe l’imaginaire et fait rêver. “J’allais tourner un documentaire sur Jean-Pierre Ferland animé par André Robitaille. J’étais hyper heureux de faire ça, je voulais faire quelque chose de beau”. Il offre un “lift” à une caméraman avec qui il discute sans arrêt tout au long du chemin. “Elle me raconte que son conjoint est réalisateur à l’international et qu’il est sur des tournées d’artistes. Il réalise Taylor Swift, Michael Bublé, The Lumineers, mais elle me dit qu’ils n’ont jamais de vacances parce que c’est un job très exigeant”, raconte-t-il, tout sourire. Pour lui, il est évident qu’une opportunité se dessine et qu’il doit saisir l’opportunité. “Je lui ai dit que si un jour son conjoint est malade, je vais le remplacer avec plaisir!”
Deux ans plus tard, il reçoit un texto. “Es-tu libre dans 15 minutes, il faut que je t’appelle”.
Julie Laperrière, la caméraman “du lift du show de Jean-Pierre Ferland” le contacte à nouveau et lui mentionne que son conjoint doit prendre une pause… pour la famille. Elle lui mentionne également que le plus grand spectacle pour The Lumineers se tiendra à Denver dans un stade de baseball. Maxime Rivet répond tout de suite. “Bien sûr, je vais te faire ça! Donne-lui mon nom!” À ce moment, il a quelques émissions télévisées à son actif, il a réalisé tout l’aspect vidéo du Festival international de Jazz de Montréal et les Francos de Montréal. Cela dit, opérer un grand spectacle comme celui-là était de l’ordre de l’inimaginable. “Je suis allé chez lui, il m’a fait visionner le spectacle et je lui ai demandé j’avais combien de temps pour l’apprendre par coeur”, dit-il. Maxime Rivet a eu six mois pour apprendre le spectacle.
Quelques semaines plus tard, il reçoit un autre texto de David Boisvert, ce même réalisateur qui, à nouveau, doit se faire remplacer. “Peux-tu te rendre à Ottawa après ton spectacle de Winnipeg dans 7 jours?”
Des rumeurs commencent à circuler à l’effet que le chanteur Harry Styles se prépare pour sa nouvelle tournée. Cela ne s’est pas passé comme prévu en Europe et il est à la recherche d’un nouveau réalisateur pour la tournée. “Je me souviens que je me suis assis devant le Rogers Arena. Une heure plus tard, un Britannique me demande de le remplacer sur le spectacle d’Harry Styles”, souligne-t-il, encore sur l’émotion de ce moment intense dans sa carrière. “Je me sens imposteur, je n’ai fait que deux shows dans ma vie, et le “board” est énorme. Tu es avec les meilleurs au monde… et je n’ai même pas de visa”. Il entend l’équipe dans ses écouteurs qui, en direct de Londres, est là pour le guider. Sa mission: réfléchir autrement et revamper la tournée. “J’avais 3 jours d’expérience quand j’ai fait la plus grande tournée au monde”, conclut le réalisateur. “Très vite, tout le monde s’est mis à m’aider”.
Autour du globe
L’histoire va trop vite? Récapitulons. Maxime Rivet termine son dernier spectacle avec The Lumineers à minuit, il prend l’avion à 4 heures du matin, il part de Winnipeg vers Toronto et de Toronto vers Ottawa. À l’aéroport, un taxi vient le chercher, on lui donne un t-shirt à l’effigie d’Harry Styles, une gourde et on lui indique où se trouve la console derrière laquelle il pilotera le plus grand spectacle de sa vie.
“J’avais 13 caméras à gérer. À Montréal, je passais mon temps à enlever du stock pour respecter les budgets et là, si je voulais une caméra de plus, je l’avais dans les heures qui suivaient”, lance-t-il en riant. La tournée d’Harry Styles comprend un énorme écran en forme de cube. Chaque côté de l’écran comporte une image différente. Ainsi, Maxime Rivet doit aiguiller tous les côtés du cube en même temps pour faire vivre une expérience hors du commun aux spectateurs. “Les producteurs me surveillent en direct de Londres. Près de moi, j’ai aussi Molly Hawkins qui est la grande créatrice derrière tout l’aspect artistique d’Harry Styles et sa directrice de tournée. C’est avec elle et Harry que je créais le show au Canadian Tire Center”. Il souligne à quel point l’artiste est un chic type. Il semble avoir une confiance aveugle envers le réalisateur québécois. Il lui dit: “Si t’es là, c’est parce que tu es le meilleur. Fais ce que tu veux”.
De multiples possibilités
Plusieurs entreprises ou agences contactent Maxime Rivet pour créer des planches d’inspiration (communément appelées “moodboards”) ou encore pour leur faire voir les possibilités qu’ils peuvent accomplir sur une émission de télévision ou toute autre production. Lorsqu’il tourne un spectacle, ce dernier préfère opter pour un spectre large afin d’être prêt à réagir à tout moment. “En tournée, si Harry Styles décide d’aller à gauche sur scène, mais que j’avais noté qu’il allait à droite, c’est comme un jeu de domino: il n’y a plus rien qui fonctionne. Je préfère tourner avec un spectre large pour être prêt à réagir à tout ce qui peut arriver. Pour le reste, je fais confiance à mes caméramans”, dit-il.
Quelles questions faut-il poser avant d’intervenir sur une production? “Je regarde combien on a d’entrevues, qu’est-ce qu’on raconte, quels sont mes visuels, quel est mon mon éclairage, est-ce que je peux aller à l’extérieur, etc. Je surveille beaucoup mon décor, je me concentre énormément sur les détails”, ajoute Maxime Rivet. Il avoue adorer se servir de toutes les possibilités qu’offre la technologie.
Reconnaissant et plein d’idées
De retour au Québec, Maxime Rivet n’a pas levé le nez sur les projets télévisés qui lui permettent de s’exprimer tout autant que peut le faire une grande tournée. Il a un respect immense pour tous les professionnels qui lui ont, à un moment ou à un autre, donné une chance au cours de son parcours. “Guy Jodoin a été le meilleur mentor que j’ai eu de ma carrière. Il me disait qu’il adorait ma folie, tout simplement”. Il raconte des moments de proximité et de camaraderie avec les animateurs Jean-Philippe Wauthier ou Sébastien Diaz. “Diaz et moi, on se faisait des concours! Il devait dire certains mots pendant le show que j’étais le seul à comprendre”, raconte-t-il à la blague. On a également confié à Maxime Rivet la réalisation vidéo pour deux tournées de la chanteuse américaine P!nk. “Il y a un respect mutuel entre eux et moi. Et c’est ce que j’ai remarqué: plus l’artiste est immense, plus j’ai de libertés et de respect. Au Québec, probablement en raison des budgets ou de mon jeune âge, il y a une crainte”, conclut-il.
Ce qui est le plus inspirant est que le réalisateur est loin d’avoir coché toute sa liste de rêves de vie. “Ma liste est encore grande! Je pense qu’il ne faut jamais arrêter de parler au monde et nommer ce que tu veux et ce à quoi tu rêves. Je prends les opportunités qui se présentent, je n’hésite pas. Et ça me mène partout”, dit-il. “On a tellement de talents québécois sur les tournées internationales! Les Britanniques filment de manière très centrée, très “TikTok”. Les Québécois, on filme différemment et on se fait dire que nous sommes les meilleurs au monde”. Il ajoute que le talent québécois est reconnu à travers le monde entier, à nous de se le rappeler et d’en être fiers.
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Crédit photo “The lumineers on tour” : RK DEEB