C’est le 4 novembre dernier que Side Door, une plateforme en ligne permettant de connecter des milliers d’artistes à des lieux de concerts dits alternatifs, a annoncé qu’elle mettait officiellement fin à ses activités.
Dans une publication qui a fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux, les fondateurs Laura Simpson et Dan Mangan expliquent :
« Le 31 décembre, nous mettrons fin aux activités de Side Door.
Nous avons créé une façon active, novatrice et efficace pour les artistes de trouver des lieux où se produire, un terrain de jeu international favorisant le partage d’expériences artistiques dans des espaces uniques. Depuis près d’une décennie, nous avons appris, écouté et évolué, en plaçant toujours l’artiste au centre de tout ce que nous faisons. L’art est plus nécessaire que jamais, et il est essentiel de bâtir un écosystème solidaire dans lequel les artistes peuvent s’épanouir. »
La version complète du communiqué a été largement partagée sur les réseaux sociaux, et des artistes du monde entier ont souligné leur appréciation pour ces huit années de travail. « Nous recevons énormément d’amour de la part du public. Et pas seulement sur la page, mais en privé, au téléphone, etc. Je crois que nous avons représenté cet espoir qu’il était possible de créer des concerts dans des lieux atypiques, et les gens nous en remercient », mentionne Laura Simpson, fondatrice de Side Door, jointe au téléphone.
Plus de 3 300 spectacles
Depuis 2017, Side Door a facilité la mise sur pied de plus de 3 300 spectacles dans des lieux atypiques et a généré près de 2 millions de dollars en revenus pour les artistes. « J’organisais des spectacles chez moi depuis 2011. Dan, de son côté, jouait dans divers lieux atypiques, des maisons privées, etc. On ne se connaissait pas, mais on savait tous les deux que le fait de jouer dans des endroits comme ceux-là était une manière soutenable pour un artiste d’obtenir un revenu supplémentaire et de bien vivre », dit-elle. À cette époque, l’entrepreneure travaillait pour Music Nova Scotia et Dan Mangan, auteur-compositeur-interprète, aidait des artistes à vivre de leur art.
En 2025, Side Door a fait naître plus de spectacles, vendu plus de billets et généré plus de revenus pour les artistes que jamais auparavant. Toutefois, ces revenus ne sont pas suffisants pour soutenir la rentabilité du projet à long terme. « Ça fait longtemps que nous travaillons fort pour être rentables. Plus récemment, nous savions que si nous n’atteignions pas certains chiffres au cours des derniers trimestres, nous aurions des choix difficiles à faire », souligne-t-elle.

Laura Simpson a dû reprendre elle-même la gestion de la plateforme et du service à la clientèle au cours des dernières semaines. « Nous savions que si nous n’avions pas les revenus attendus, nous pourrions éventuellement rester dans une bonne posture pour vendre l’entreprise. Avec l’annonce que nous venons de faire, c’est certain que cela a accéléré les discussions avec certains joueurs de l’industrie », explique-t-elle, se décrivant d’abord comme une entrepreneure réaliste. Pour elle, il fallait se rendre à l’évidence : l’entreprise ne pouvait continuer.
Et si le modèle était à revoir?
Par ses spectacles, ses divers programmes et ses partenariats, l’entreprise a soutenu des milliers d’artistes et créé des centaines de nouveaux lieux de diffusion à travers l’Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. « Nos revenus proviennent de la vente de billets. Nous avions à cœur de conserver le côté “booking” gratuit, mais c’est difficile parce que les concerts ont lieu dans des endroits atypiques comme des cafés ou des librairies et, la plupart du temps, organiser des concerts n’est pas une priorité pour eux », ajoute Simpson. Au fil des ans, Side Door a bénéficié de plus de 3,5 millions de dollars en financement pour le développement de sa structure web. « Si j’avais à recommencer, j’aurais peut-être opté pour un modèle coopératif ou un organisme sans but lucratif, afin que ce soit viable à long terme. »
Laura Simpson se félicite d’avoir pu convaincre des investisseurs de la Silicon Valley d’embarquer dans ce modèle d’affaires créatif. Cela dit, les temps sont durs pour la culture, et les géants de l’industrie de la billetterie laissent peu de place aux initiatives indépendantes. « Le Québec a réussi à mettre en place des entreprises au modèle d’affaires formidable en termes de vente de billets ou de rayonnement de concerts. J’ai souvent suivi ce qui s’y faisait. Mais il existe aussi d’immenses joueurs qui monopolisent le marché », dit-elle.

Et l’avenir
Elle se souviendra toujours des milliers de concerts qui ont pris naissance sur Side Door. « Au-delà de présenter des spectacles grâce à notre plateforme, j’avais le sentiment de passer mon temps à faire découvrir des nouveautés au public : de nouvelles chansons, de nouveaux artistes, de nouveaux lieux atypiques à explorer. Chaque matin, je lisais les “reviews” du public après un spectacle. Et wow! Sentir cette connexion avec le public était un cadeau au quotidien », dit-elle. L’entrepreneure sourit en pensant à des concerts qui l’ont particulièrement marquée. « Je me souviens d’un spectacle de Vance Joy, sur Zoom, où tous les participants avaient leur caméra allumée. En plein milieu du concert, il a réalisé qu’une demande en mariage était en train d’avoir lieu. Je me souviendrai toujours de ce moment incroyable! »
Side Door peut affirmer avoir joué un rôle significatif dans la mise en lumière de l’économie des spectacles alternatifs et dans la normalisation de ce segment de l’industrie musicale. En entrevue avec Billboard, Dan Mangan décrivait la fin de l’aventure comme un soulagement, un sentiment que comprend tout à fait Laura Simpson. « Quand tu entres dans le jeu du capital de risque, tout change. Notre modèle d’organisation de petits concerts dans des lieux atypiques, mélangé avec l’univers du capital de risque, c’est difficile à concilier, et c’est une énorme pression », dit-elle.
De son côté, elle prendra les prochaines semaines pour se repositionner et penser à la suite des choses. « Je me sens comme si je perdais un enfant. J’y ai mis mon cœur et mon âme pendant dix ans, c’est difficile. Je ne vais jamais cesser de me battre pour les artistes », souligne-t-elle, tout en précisant qu’elle reste ouverte aux opportunités qui se présenteront à elle.
La plateforme restera en ligne jusqu’au 31 décembre. Tous les détails ici.
