Jimmi Francoeur : Photographe intemporel

Face à face avec Jimmi Francoeur

Un entretien avec Michaël Grégoire

Quand je suis entré dans l’univers de la gérance d’artistes, j’ai rapidement contacté le photographe Jimmi Francoeur dont j’entendais beaucoup parler à Montréal. J’aimais beaucoup son travail que je suivais depuis un moment sur les réseaux sociaux. À le côtoyer, il devient rapidement l’ami que tu veux garder dans ton entourage, simplement parce qu’il est inspirant et qu’il n’hésite jamais à t’encourager à aller plus haut. Jimmi Francoeur est arrivé dans le monde de la photographie en 2010, alors qu’il n’était pas du tout destiné à ce milieu. Je vous invite dans un “face à face” avec un professionnel bienveillant qui souhaite continuer à se dépasser, mais surtout, à garder ses valeurs à la bonne place.

Jimmi Francoeur est dans une très belle période de sa vie, à tous les niveaux. “Je vais super bien, pas juste au niveau professionnel, tout va bien. Ma famille va bien, mon garçon est en pleine forme. Professionnellement, je crois que j’ai vécu les trois meilleures années de ma carrière. Je pense que j’ai trouvé une bonne niche qui n’existait pas avant.” Jimmi Francoeur n’était pas destiné au métier de photographe. “Il faut savoir qu’à la base, ce n’est pas ce que je voulais faire dans la vie. J’ai travaillé dix ans comme manœuvre, j’étais plus précisément opérateur de presse. Je viens de la “working class”, mon père était boucher, électricien et j’étais convaincu que ce serait mon métier. J’adorais ce que je faisais, j’étais dans le domaine du carton. La crise économique est arrivée et je me retrouvais au chômage six mois par an. J’ai commencé à faire de la photo pour le plaisir au moment où les caméras numériques arrivaient sur le marché.”

Entourage

À ce moment-là, Jimmi est bien entouré pour apprivoiser l’univers artistique. “Ma copine de l’époque et mon coloc Sacha étaient à l’UQAM en design graphique et espéraient entrer dans des agences de publicité. Ces deux-là m’ont vite fait confiance. J’ai l’impression que lorsque tu arrives “par la gauche”, par défaut ou par magie, les gens nous voient différemment.” Et pour lui, les choses se sont emballées très vite et il a tôt fait de quitter son premier boulot. “Un peu comme la forte majorité des musiciens populaires n’ont jamais fait le Conservatoire. Je n’étais pas un gars de studio, mais plutôt de lumière naturelle et de cadrage. Cinq ans plus tard, on m’a fait confiance pour me permettre de faire de la réalisation, de la vidéo.”

Jimmi Francoeur est, depuis toujours, un passionné de musique. Il a même été musicien dans un groupe qui voulait percer dans le milieu du show-business. “J’ai rêvé de faire de la musique. On avait un groupe, mais on n’a jamais connu le succès. Je suis tout de même resté près de cet univers-là et j’adore encore aujourd’hui prendre des photos de groupes en tournée. Je me suis rendu compte que ma caméra me permettrait de m’approcher de la scène. Mes premiers contrats sont arrivés comme ça.” Il a notamment accompagné à plusieurs reprises le chanteur Dumas en tournée. “Je savais déjà que je ne voulais pas faire strictement de la photographie pour l’univers de la publicité. Je voulais le faire par plaisir et pour rester proche du monde de la musique. À ce jour, ça m’a bien servi.” Rapidement, l’artiste commence à photographier des personnalités en tous genres pour des couvertures de magazines. “À l’époque, il y avait le Nightlife, le Voir, Urbania et je photographiais les artistes qui passaient en ville.”

Quand le téléphone sonne

Jimmi Francoeur accorde une grande place à ses valeurs dans le choix d’un mandat artistique. Il faut que ça lui plaise et qu’il sente qu’il peut vraiment amener le modèle ailleurs… plus loin de ce qu’il a déjà connu. Cet effort lui demande de la recherche et la nécessité de rester connecté à ce qui se fait autour du globe. “Je connais plusieurs artistes qui sont de véritables bombes sur scène, mais que tu te retrouves seul en studio avec eux, ils sont plutôt timides. Ça peut être imposant pour des gens, mais en même temps, ça peut faire une vraie rencontre.”

J’ai rencontré quelques photographes qui ont pu photographier des personnalités pour lesquelles ils entretenaient beaucoup de respect ou une certaine admiration et qui ont été plutôt surpris de la manière dont s’est déroulée la séance. Parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. “Quand c’est ta gueule qui se retrouve sur la couverture du ELLE Québec, je comprends que ça peut générer une forme d’anxiété. La séance photo a tendance à rendre les clients plus vulnérables, ça te fait découvrir des côtés d’eux que tu n’avais parfois jamais imaginés.” Le scénariste, journaliste et musicien américain James McBride a dit “Don’t meet your heroes. If you meet your heroes, you’re always going to be disappointed”.

La signature du photographe

Pour Jimmi Francoeur, ce qui fait la signature personnelle d’un photographe, au-delà de son style, c’est le lien qu’il arrivera à créer avec ses clients. “À un certain niveau, tout le monde est bon, mais les clients restent auprès d’un photographe en raison du contact humain qu’ils ont avec lui. C’est rare que le client va écrire à ma boîte de production en disant “les photos sont belles”. Oui, ils vont être satisfaits, mais ils diront plutôt “on a passé une belle journée avec Jimmi, on s’est sentis rassurés”, mentionne-t-il. “J’ai connu de nombreux photographes qui passent la journée avec leur petite équipe et qui ne vont pas jaser. Il faut que tu donnes l’impression à ton client qu’il fait partie de la “game”, je pense que j’ai compris ça en vieillissant. Faut jamais oublier que tu es un fournisseur avant tout.” C’est ce lien qui reste très précieux aux yeux du client et qui crée cette ambiance unique dans le studio du photographe. “Je veux que les gens entrent dans mon studio en se disant que c’est un “safe space”, parce que mon but est de les amener ailleurs de ce qu’ils ont déjà fait. Plus tu m’en donnes, plus que je t’en donne. C’est une danse”, ajoute celui qui célèbre cette année ses 43 ans.

Est-ce qu’on peut demander Jimmi Francoeur?

Dans l’univers rapide et changeant dans lequel évolue l’industrie publicitaire, est-ce qu’une marque ou son agence peut imposer la présence d’un photographe en particulier? “Ça se fait encore, mais c’est sûr qu’il y a beaucoup plus d’offres qu’avant. À l’époque, je me souviens quand le Voir (un mensuel québécois gratuit qui a fermé ses portes en 2020) sortait, on regardait la couverture et on se disait “Ah oui, c’est tel ou telle photographe qui fait cette couverture”, on se connaissait tous. Aujourd’hui, la quantité de talents disponibles a complètement explosé”, avance Francoeur. Il m’explique que le monde tourne vite en agences et que l’équipe avec qui tu avais de bons liens et qui t’engage souvent peut disparaître du jour au lendemain, parce qu’on ne reste jamais longtemps dans une même agence. Ainsi, tout est à recommencer pour le photographe qui souhaite retrouver des contrats à la pige. “Quand j’ai commencé, il y a 14 ans, les gens se rendaient sur mon site web pour voir mon travail. Aujourd’hui, on fonctionne presque toujours par Instagram, je reçois des messages privés et on m’écrit de partout. C’est la même chose pour le photographe qui vient de commencer. Il en reçoit peut-être autant! Cela dit, dans ce milieu-là, tu ne peux pas te permettre de faire 2 ou 3 mandats qui ne sont pas à la hauteur… ton nom va en prendre un coup”, dit-il.

Trouver la bonne photo

À quel moment sait-on que l’on tient la bonne photo? Dans un récent “face à face”, la photographe de renommée internationale Heidi Hollinger me parlait du “moment de vérité”, cet instant où le sujet se dévoile sans les masques ou les regards qu’on lui connaît. J’ai l’impression qu’avec les outils technologiques disponibles aujourd’hui, les possibilités sont infinies. “Depuis 5 ou 6 ans, j’essaie de prendre le moins de photos possibles. J’aime passer beaucoup de temps en studio pour m’assurer d’avoir une bonne photo sur les lieux pour que 90 % du travail soit fait. Je préfère prendre le temps de déplacer les trucs qui pourraient encombrer une photo avant de la prendre que de m’imposer beaucoup de retouches ensuite. Ça fonctionne aussi avec mon approche qui est très intemporelle”, mentionne Jimmi Francoeur. Pour lui, c’est un processus qui peut ne jamais se terminer et ça peut facilement devenir un cercle vicieux. “On a tendance à trop vouloir en faire. Je vois des photographes prendre 400 photos pour en prendre une seule bonne! Ça n’a aucun sens”, lance-t-il. “J’ai des amis musiciens qui sont actuellement dans un “trip” de trouver les bonnes guitares, le bon son et les bons “tones” pour leurs chansons. Mais sincèrement, si la chanson est bonne, le “tone” ne changera rien à ça : la chanson est bonne! Quand tu sens qu’il se passe quelque chose dans une photo, peu importe ce que tu vas retoucher ensuite, ça ne la rendra pas meilleure.”

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