La vie te pousse à faire les bonnes rencontres (Partie 2)

Face à face avec Frédérick Baron

Un face à face avec Michaël Grégoire

Pour lire la première partie de l’entrevue, cliquez ici!

Les étiquettes

Nous parlions plus haut d’un style qui colle parfaitement à ce que certains appelleront de la “grande chanson”. Est-ce que le parolier a peur qu’on puisse lui opposer une sorte d’étiquette de laquelle il devient difficile de se défaire? “Plus maintenant, pas à ce moment de ma vie. J’ai écrit sur plus de 90 albums. Je sais que j’ai une forme d’étiquette dans le métier. Ça fait partie du métier de braver les étiquettes. Dans le passé, j’ai parfois hésité avant d’annoncer sur les réseaux sociaux que j’écrivais pour tel ou tel artiste. Aujourd’hui, ça ne me dérange plus du tout”, dit-il. “Je suis conscient qu’un artiste hip hop ne viendra pas me chercher, mais ça tombe bien parce que je n’ai pas envie d’écrire du hip hop. J’ai écrit du RnB pour l’artiste Nadja, mais je choisis tout de même mes projets. Mais je sais que je n’ai pas le langage urbain! (rires) Pendant longtemps j’ai voulu plaire à la gauche et à la droite, mais aujourd’hui j’assume.

Être ou ne pas être… en édition

En début d’entrevue, Frédérick Baron mentionne qu’il a commencé sa carrière en sol québécois au sein d’une boîte d’édition. Avec les années, son réseau se développe et les artistes se permettent de lui téléphoner directement au lieu de passer par l’agence à laquelle il est attaché. S’entourer des services d’un éditeur est-il une nécessité dans le milieu, pour un auteur? “Quand tu démarres dans cette industrie, pour un auteur-compositeur qui veut travailler pour d’autres, avoir un éditeur est l’idéal. Il est, en quelque sorte, le “manager” de tes œuvres. Son rôle sera donc de te mettre en contact avec d’autres auteurs-compositeurs. Il reçoit aussi les demandes de maisons de disques ou organise des camps d’écriture et te représente. L’éditeur peut financer tes maquettes, avoir accès à des subventions auxquelles tu n’as pas droit, par exemple”, dit-il.

Cela dit, nous sommes à une époque où l’auto-production est devenue une voie privilégiée par de nombreux artistes. “Je suis d’accord avec cela, je le vois, mais à un moment donné, tu n’as plus le temps de remplir tout ce qui doit être rempli et de valider que tout a bien été payé au niveau de tes droits. C’est beaucoup de travail”, ajoute celui qui dirige aujourd’hui sa propre boîte, les Éditions du Singe Rouge. “Qu’est-ce que tu préfères? Avoir un éditeur qui fera fructifier ton catalogue, ou avoir 100 % de quelques dollars? De mon côté, j’ai mes propres éditions, mais ça m’a pris douze ans et j’ai un administrateur pour gérer tout mon catalogue. Il faut quelqu’un pour vérifier”, ajoute le parolier. “Pour te donner un exemple, Roch Voisine avait fait une tournée en France avec deux de mes chansons. Plus que ça, le nom de sa tournée,Devant nous”, était ma chanson! On a dû se battre pour aller chercher à la SOCAN les redevances qu’on me devait. Ils ont mis deux ans et demi à me payer. On me disait, “Est-ce que vous êtes certain qu’il a chanté vos chansons?” C’était tout un travail d’aller chercher tout ça. À un moment donné, tu ne travailles plus sur ton art, mais tu ne fais que de l’administratif”, conclut-il.

La SOCAN

Un parolier vit de ses droits d’auteur, ces derniers découlant directement de l’efficacité de la SOCAN a faire parvenir les redevances dues jusqu’à lui. Quel regard pose-t-il sur cet organisme, à ce jour? “Les retards sur les paiements de redevances sont très importants et ça m’inquiète. Nous savons que la SOCAN a pris certaines ententes qui ont favorisé les anglophones aux dépens des francophones et que, essentiellement, je n’ai pas touché la totalité de l’argent que j’aurais dû recevoir. Au niveau des radios, c’est pareil”, dit-il. Frédérick Baron souligne tout de même que cela n’est pas seulement noir ou blanc, mais qu’il y a plusieurs nuances et une volonté de s’améliorer du côté du géant canadien. “Je sais qu’ils ont créé une équipe entièrement dédiée pour le Québec. On verra ce que ça donne. Personnellement, j’ai plusieurs fois menacé la SOCAN de quitter pour rejoindre la SACEM en France et on n’a pas cherché à me retenir. La SOCAN a laissé s’échapper plusieurs artistes, ce qui est assez fou aussi. C’est frustrant de ne pas savoir où est ton argent et que des choses se perdent.” Le parolier est prêt à laisser une chance au coureur et à suivre les avancements de cette équipe dédiée au Québec. Autrement, il plongera vers la SACEM pour une représentation à la hauteur de ses attentes.

La tête pleine de projets

Lorsqu’on parle d’avenir, Frédérick Baron s’illumine. Il a définitivement l’impression de vivre de très belles années de sa vie. “Je développe beaucoup les comédies musicales. Un projet qui arrivera bientôt au Québec, mais deux autres projets sur lesquels je travaille à l’international. Pour l’instant, mon écriture est plus en ce sens-là. J’avais envie de développer des histoires, le caractère de personnages. C’est une écriture qui me comble davantage en ce moment”, dit-il. À ce sujet, collaborer avec plusieurs autres artistes, alors que le métier de parolier est essentiellement solitaire, est-ce difficile? “Ta vision doit rejoindre celle des autres afin d’en arriver à une direction commune. Mais au final, ça se passe bien parce qu’on choisit aussi les collaborateurs avec lesquels on a envie de travailler. Pour l’instant, ça se passe super bien!” Le cœur créatif du projet qu’il est en train de bâtir est un trio complété par Caroline Cloutier et Steve Marin. Plus de détails sont à venir sur ce qu’ils préparent. “La première personne à qui j’ai présenté ce projet est Mario Pelchat, par loyauté et par amitié. Il a dit, “Il faut voir grand”, et j’ai toujours senti que c’était nécessaire. Caroline et moi, nous nous sommes dit que Musicor étaient les seuls qui pouvaient réaliser un si grand projet. Qui plus est, Anne Vivien, présidente de Musicor, est une amie de longue date. Nous avons une relation de plus de 20 ans, amicale et artistique. Quand je suis allé voir Anne avec Mario, elle s’est rapidement sentie en confiance, je crois. Avec une seule chanson et avec l’appui de Steve Marin, on les a convaincus”, souligne-t-il, heureux. Cette production verra le jour en 2025. Ce sera une histoire à suivre!

Un auteur qui démarre

Quels conseils offre-t-il à un auteur qui démarre dans le métier? “Ce qui n’a pas changé c’est qu’il y aura toujours des artistes. Est-ce qu’on peut en vivre? C’est plus difficile. J’ai eu la chance de démarrer dans une époque où l’on vendait encore des albums, mais aujourd’hui, la clé est de se diversifier”, lance Frédérick Baron dont les textes se retrouvent sur maintenant plus de 90 albums. “Avant, vendre 300 000 copies était un succès, aujourd’hui, vendre 40 000 copies est un grand succès. Mais comme parolier, ça rapporte environ 2 000 $. Mais tu vois, quand Ginette Reno a chanté ma chanson à La Voix, la part “auteur” a fait 1 200 $. Même chose si tu as un éditeur : ne te repose pas sur le travail de l’éditeur, mais fais aussi tes propres démarches”, ajoute-t-il. Ce dernier invite les jeunes paroliers à oser. “C’est beaucoup plus simple d’avoir accès aux artistes, il faut donc oser. Ça, ça ne coûte rien!

Son prochain rêve? “Je n’ai encore jamais écrit pour Isabelle Boulay. Ce serait un honneur pour moi”, dit-il. L’invitation est officiellement lancée!

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