“N’oublie jamais que rien n’est acquis”

Face à face avec Guillaume Gardin, agent de promotion
Crédit photo : Marion Chuniaud

Un entretien avec Michaël Grégoire

Il a toujours aimé la musique. À un jeune âge, il chantait dans une chorale et il est rapidement devenu clair pour lui que l’industrie artistique serait sa voix d’avenir. À 18 ans, il voulait même faire le Conservatoire. Guillaume Gardin est aujourd’hui à son compte en pistage radio et en relations de presse au Québec, mais pour des artistes européens souhaitant se tailler une place de l’autre côté de l’Atlantique.

“J’ai commencé ma carrière chez Warner Music France, en 2013, à la suite d’un stage où j’étais chargé des compilations. Je devais gérer les crédits et les accords pour pouvoir exploiter les chansons que l’on plaçait sur nos compilations”, explique-t-il. Cette première expérience professionnelle dure un an, avant qu’un poste s’ouvre chez Capitol Records (Universal Music). Il s’est développé avec cette équipe pendant quatre ans à titre d’attaché de presse.

J’ai toujours su que je voulais faire de la promo et que j’avais envie d’accompagner les artistes dans les médias et de travailler les artistes en développement. Chez Capitol Records, j’ai fait beaucoup plus de promotion dans les radios et, ensuite, on m’a confié des mandats de presse, notamment auprès d’émissions de télé”, dit-il. “À cette époque, nous étions vraiment au tout début de carrières qui ont explosé”. Il travaille alors avec Marina Kaye, le duo Fréro Delavega, Florent Pagny, Avicii, Aurora, Barbara Pravi, quelques artistes de One Direction qui souhaitaient faire une carrière solo et plusieurs autres.”J’aimais beaucoup ce que je faisais, mais tu travailles constamment. Je gérais notamment les médias de province, ce qui m’obligeait à me déplacer très souvent en train. J’étais peu à Paris et, après quatre ans, je me suis questionné à savoir si j’étais bien là-dedans”, mentionne Gardin. “J’ai passé les PVT pour le Québec et je suis arrivé à Montréal en me disant que j’avais probablement quelque chose à creuser. De toute façon, une carrière ça se défait et ça se refait. Je n’avais rien à perdre”.

Une première opportunité à Montréal

J’ai intégré une boîte indépendante qui faisait des relations de presse et du pistage radio pour des artistes d’ici comme Matt Laurent et Dominique Hudson”, ajoute Guillaume Gardin. À ce moment, son carnet d’adresses est encore bien actif et il propose à sa superviseure d’intégrer l’artiste français OrelSan en relations de presse et en pistage. Il a ensuite obtenu les mandats pour d’autres artistes européens tels Louis Delort et Julie Zenatti. ”La pandémie est arrivée, le projet de développer l’international n’était plus vraiment la priorité de la boîte et, donc, je me suis lancé à mon compte pour ne travailler qu’avec des artistes européens”. L’agent avoue qu’il a peu de concurrence puisque peu de professionnels au Québec se spécialisent strictement dans la musique internationale. “J’ai rapidement pu faire de beaux coups de poker en radio, notamment sur Tibz et Damien Lauretta qui se sont glissés dans les palmarès radio”.

Le pistage radio en France et au Québec

En France, c’est différent dans la mesure où il n’existe qu’une seule plateforme, MuziCenter, où sont lancés les titres dans les radios. On peut y voir quelle station joue tes titres, à combien de rotations, à quelle heure, etc. La grande différence avec le Québec est que si tu entres sur l’équivalent d’un important BDS en France, ça déclenche toutes les provinces”, dit Guillaume Gardin. Il explique que l’inverse est aussi vrai: être en rotation forte en province influencera les réseaux des grands centres et ouvrira la porte à des possibilités de rendez-vous télévisuels, à des opportunités dans la presse écrite, etc. “Tout est lié, là-bas. Au Québec, au contraire, si tu tournes en radio, cela n’a aucun lien avec les relations de presse ou d’autres opportunités”, ajoute-t-il. L’agent promo raconte sa frustration vécue à certains moments alors qu’il souhaite lancer un extrait d’OrelSan dans les radios québécoises alors qu’il explose de l’autre côté de l’océan, mais que la réception au Québec n’est pas au rendez-vous.”Ici, on va simplement me dire qu’ils n’ont pas envie de le jouer et les opportunités médias ailleurs n’influencent en rien les radios”, dit-il. 

Un métier différent, d’un côté et de l’autre de l’océan

Guillaume Gardin a fondé son entreprise, Junior Suite, au début de la pandémie et, depuis, les contrats n’ont jamais cessé de se présenter à lui. “J’ai eu un peur lorsque la pandémie est arrivée puisque les artistes internationaux ne pouvaient plus voyager. Par chance, j’ai eu un bon contact avec Julien Manaud chez Lisbon Records, un label basé à Montréal, qui m’a offert de premiers contrats auprès d’artistes québécois”, ajoute-t-il. Guillaume Gardin mentionne qu’il continue d’alimenter et de développer son réseau d’affaires en France. Son expertise en France et au Québec rassure les labels européens. “Les maisons de disques voient le Québec comme une opportunité financière, notamment en termes d’augmentation de streams, mais surtout afin de permettre à leurs artistes de monter sur scène ici”, dit-il. “Ils s’éclatent sur scène, le public est chaleureux et le mot se passe entre les artistes. Montréal a une excellente réputation au niveau des festivals et de ses salles de concerts”. Guillaume Gardin souligne qu’en France, l’industrie artistique est très hiérarchique et que la manière d’aborder les médias est diamétralement opposée à ce que l’on vit au Québec. “Récemment, j’ai accompagné l’artiste Swing à l’émission de Philippe Fehmiu, l’accueil est toujours super, son équipe est venue voir le concert en soirée, l’ambiance est agréable. J’aime bien ça! En radio, par contre, les programmateurs des radios BDS ne répondent pratiquement jamais. J’ai appris à l’accepter aujourd’hui”.

La passion du métier

Guillaume Gardin parle de ses artistes avec admiration, respect et on sent toute la passion qui l’habite pour le métier. J’ai eu beaucoup de chance depuis que je suis arrivé ici. Je rêvais de travailler avec OrelSan et ça s’est réalisé très rapidement. Il est venu à deux reprises à Montréal et j’ai adoré l’expérience. C’est un artiste humble et travailleur, dit-il. Il souligne également sa collaboration -qui est devenue une véritable amitié- avec la chanteuse Julie Zenatti sur son dernier album. Pour lui, la confiance qu’un artiste lui offre est gratifiante et énergisante. “Un succès pour un artiste français au Québec est de pouvoir faire de la scène ici”, ajoute-t-il.

Est-ce qu’on donne suffisamment d’espace aux artistes européens, au Québec? “Je pense que les médias généralistes ici vont laisser autant de chances à un artiste québécois qu’à un artiste international. Je trouve que les médias sont très honnêtes dans leur travail et ils laissent la chance à tout le monde de se faire découvrir. En radio, c’est une autre histoire. Ça me gonfle un peu de voir qu’un extrait peut rester des mois en radio. Au bout d’un moment, je me dis qu’on pourrait passer à autre chose! Il y a tellement de bonnes chansons qui sortent, ici et ailleurs!”, lance Guillaume Gardin. L’agent promo mentionne que la durée d’un extrait en France est essentiellement de quelques mois avant d’enchaîner sur un nouvel extrait. Au Québec, un extrait peut en effet rester accroché dans les radios très très longtemps.

Lancer sa musique au Québec

Lorsqu’un artiste français approche Guillaume Gardin pour se faire connaître en sol québécois, quel est son premier conseil? “Ce que je vais leur dire, d’abord, c’est qu’ils ne doivent pas être inquiets par les médias qui vont les recevoir. Si l’artiste est reçu, c’est que le journaliste aime sa musique et qu’il y a de la bienveillance dans ça. En France, un artiste peut être reçu en raison d’un effet de “buzz”, sans nécessairement qu’il soit apprécié. Ici, ils peuvent être en confiance”, dit-il. “En bref, je leur dit d’en profiter parce que tout le monde sera bienveillant. Viens au moins une fois par an pour entretenir ces liens professionnels. C’est un sacrifice, mais primordial. Finalement, n’oublie jamais que rien n’est acquis.

Guillaume Gardin est disponible sur Facebook et Instagram.

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