Tout recommencer, pour l’amour de la danse

Entrevue avec Edith Collin-Marcoux
Crédit photo: Samuel Fournier

Elle rayonne aux quatre coins du monde en faisant ce qu’elle aime le plus au monde : danser. Nous avons eu le bonheur de nous entretenir avec la danseuse et chorégraphe originaire de Lévis, Edith Collin-Marcoux

L’écran s’allume, elle est tout sourire et lumineuse. “J’ai toujours dansé, ça a toujours été une grande passion pour moi”, soulignant le bonheur pour elle qu’on lui permette de s’exprimer sur la passion qui est vite devenue un choix d’avenir. “Même au primaire, ma passion pour la danse a toujours été claire. Au secondaire, il n’y a jamais eu d’autre chose dans ma tête pour moi. J’ai vraiment eu la piqûre et je savais que c’était ce que j’allais faire. Et je n’ai jamais arrêté”, ajoute Edith Collin-Marcoux. L’artiste a d’abord évolué au Collège de Lévis avant de poursuivre ses études au Cégep de Ste-Foy. “Après le Cégep, j’ai décidé de me lancer. En danse, tu as plus ou moins besoin de scolarité, mais surtout d’expérience. Il faut faire des auditions et se lancer. J’ai commencé à me rendre souvent à Montréal pour chorégraphier et enseigner.

On lui propose de danser au Carnaval de Québec, puis au spectacle du défilé, jusqu’à son premier contrat pour le festival Juste pour rire. De fil en aiguille, elle multiplie ses contacts professionnels et se taille une place dans ce milieu qui demeure plutôt hermétique. “Surtout au Québec, parce que le milieu est tellement petit, il n’y a pas énormément d’auditions ou de ce qu’on appelle un “open call”. De fil en aiguille, tu te fais des contacts, tout simplement”, dit-elle. “Quand j’étais jeune, ma mère me disait que peu importe ce que tu fais, fais-le de ton mieux. À chaque fois, garde en tête que c’est probablement une audition pour le prochain contrat.

Une rencontre déterminante

C’est alors qu’elle se rend à Montréal qu’elle fait la rencontre de la danseuse et chorégraphe Lydia Bouchard. Cette dernière lui propose un premier contrat pour le Cirque du Soleil qui la mènera jusqu’en Inde. “Elle a commencé à faire beaucoup de mise en scène au Cirque et elle avait besoin d’une assistante. On a fait ensemble “Vive nos divas” qui s’est rendu jusqu’en Égypte, “Andorre-la-Vieille” en Espagne, “Révolution en tournée” en 2024, etc. Ça fait quelques années qu’on travaille ensemble”, dit-elle. Edith Collin-Marcoux pense à son parcours avec bonheur, mais n’est pas trop nostalgique pour autant. En fait, avec l’horaire qu’elle a, elle n’a pas trop le temps de ressasser ses souvenirs! “Je pense que j’avais 21 ou 22 ans quand j’ai réalisé que c’était mon métier : je travaillais maintenant avec le Cirque et je voyageais autour du monde”, ajoute l’artiste.

Du Québec à l’international

Au fil de la discussion, on souligne le plaisir qu’elle a de se rendre à l’étranger pour son métier. Elle nous confie d’ailleurs qu’elle y retournera pour longtemps, bientôt. On y reviendra. “La qualité du Québec, mais c’est aussi son défaut, c’est qu’il est très petit. La communauté de la danse est extrêmement tissée. On a un beau bassin de danseurs au Québec, c’est fou! Les meilleurs danseurs sont au Québec!”, lance-t-elle avec assurance. “Je pense que c’est à cause de ce petit cercle que notre dynamique est beaucoup plus soudée et forte. Ailleurs, tu es tout seul. C’est individualiste, la compétition est forte et le marché est immense.” Si elle reçoit une demande particulière pour un contrat, elle sait précisément quel danseur contacter pour bien rendre le mandat.

Les conditions de travail

Une nouvelle entente de l’Union des Artistes vient d’être négociée et, encore une fois, les danseurs semblent avoir été oubliés. Une situation qui ne surprend plus Edith Collin-Marcoux qui, bien qu’elle demeure optimiste pour l’avenir, nous invite à constater sa réalité. “C’est vraiment difficile et c’est un dossier sur lequel on se bat. Oui, c’est une question de cachet, mais surtout sur les conditions générales. On est beaucoup considérés comme un extra et on pense peu à l’humain. On a dansé toute la journée et on n’a pas de nourriture ou même une seule chaise dans notre loge”, dit-elle. “On ne peut pas arriver dans un local de répétition réglé à 12 degrés Celsius et risquer de se blesser. Par-dessus tout, si je reçois les mêmes cachets qu’en 2010, ça n’a pas de sens.

Le nœud du problème semble être la catégorisation que fait l’UDA des danseurs. En d’autres termes, le cachet d’un danseur va varier selon le nombre de danseurs présents sur la scène. “Plus tu engages de danseurs, moins ça coûte cher”, dit-elle. “Si tu en engages 1 ou 2, nos conditions sont acceptables. Mais si tu engages 5 danseurs en même temps, ils ne sont pas considérés comme des solistes. On se retrouve essentiellement avec les mêmes conditions de travail qu’un figurant”, ajoute l’artiste. Moins cher à la douzaine? On comprend qu’il est à l’avantage du producteur de voir le plus grand nombre de danseurs possibles sur une même scène. “Je te dirais aussi que je gagne la même chose qu’il y a 10 ans. Nos cachets n’ont pas changé.

Garder la flamme?

Edith Collin-Marcoux parle de son métier avec une passion indéfectible et une résilience qui semble à toute épreuve. “Notre métier est parfois souffrant. C’est la passion qui nous mène. Sur une production, tout le monde nous dit que les danseurs sont les plus agréables, mais on est là pour la passion! Mais il faut en parler et avoir une conversation avec les producteurs”, souligne celle qui partage une colocation depuis dix ans avec Rosso Modo, un danseur dont le rayonnement est tout aussi international. 

Ce qui inspire sa création, à titre de chorégraphe? “Je m’inspire beaucoup de l’énergie de la production et de la direction artistique. C’est ce qui va donner le ton ou la couleur de la chorégraphie. Ensuite, c’est la musique qui va me dicter la suite. Je vois beaucoup la danse comme une extension de la musique”, dit-elle. C’est toute cette réflexion technique qui va alimenter sa création sur une production. “De la lumière aux accessoires, mais surtout l’espace : la scène. C’est ce qui va définir ce que je peux remplir. Est-ce que l’espace sera beau avec 20 danseurs ou l’on se lance dans quelque chose de plus intime?”, ajoute l’artiste. Elle mentionne également que, au sein de grandes productions dites “commerciales”, rien ne doit être laissé au hasard. “Pour que ça fonctionne et que ça semble tellement simple, il faut que ce soit réfléchi et rodé au quart de tour! Sinon, ça se ressent et se voit tout de suite. Jusqu’au choix de mes danseurs, tout est pensé!

Retour à l’international

Edith Collin-Marcoux se trouve à un tournant dans sa carrière. Elle a besoin de voir du pays, d’explorer toutes les possibilités qui s’offrent à elle et de recommencer ailleurs… là où elle pourra être une danseuse à part entière et ne pas se faire étiqueter en tant que chorégraphe. “En ce moment, je suis en train de me demander ce que je veux vraiment faire, à mon âge. Je ne veux pas repartir à zéro, mais plutôt me réaligner vers ce que j’ai envie de faire pour les prochaines années”, ajoute l’artiste de 34 ans. “Je suis tombée dans la chorégraphie très tôt, de l’autre côté de la production et j’ai moins dansé. L’année dernière, j’ai réalisé que mon rêve de petite fille qui était de danser à travers le monde, je venais peut-être de passer à côté.” Ce ne sera pas son premier saut à l’étranger, mais ce n’est qu’une question de jours avant qu’elle s’installe à Paris… et pour longtemps. “Je me sens complètement cinglée, mais je pars à l’aventure et j’ai le goût de danser! J’y vais pour mon entraînement personnel et développer plus de contacts en Europe. Le marché est tellement grand! Dans le pire des cas, je me serai plantée!”, conclut-elle en riant. Elle le souligne : sa folie est définitivement plus forte que son anxiété. “Allons être une “nobody” dans une nouvelle ville!

En inspirer d’autres

La question que les jeunes lui posent le plus souvent en abordant son métier : comment faire? “Je ne pense pas qu’il y a d’autres réponses que de se lancer, d’être présent et donner son meilleur à chaque contrat. Ce sont dans les petites choses qu’un jeune va se faire remarquer”, dit-elle. Edith Collin-Marcoux est une passionnée, une amoureuse du mouvement, de l’art et de la musique comme il s’en fait peu. Que cette nouvelle aventure à l’étranger soit pour elle, à la fois, un point de départ et un moment pivot de sa carrière florissante.

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