C’est magnifique de voir une artiste présenter un tout premier album avec autant d’assurance, de clarté et de cohérence artistique et personnelle. L’auteure-compositrice-interprète Erika Hagen présente “Pouvoirs magiques”, un premier album qu’elle décrit comme étant aux frontières de l’irrévérence et de l’intime. Nous avons eu le plaisir de la rencontrer au restaurant Il Teatro, à Québec.
“C’est autobiographique dans le sens où je ne n’essaie pas de me mettre dans la peau de quelqu’un d’autre quand j’écris. Même si je crée des personnages, ils ne sont jamais loin de moi. Il y a cette lecture assez kaléidoscopique qui reste très proche de mes enjeux ou de mes propres réflexions”, dit-elle. L’artiste souligne également ses chansons sur sa grand-tante ou encore sa grand-mère, Anita, qui veut se faire aimer de tout le monde. Son premier album rock-folk-grunge contient, en somme, beaucoup d’amour et de bienveillance pour ses proches. “Beaucoup de femmes m’ont inspirée en général et ça trouve son chemin dans cet album. Il y a un désir dans mon écriture de tracer des portraits féminins qui nous permettent une pluralité d’expression et plus de complexité.”
Entre réalité et fiction
Un élément nous interpelle : l’auteure-compositrice-interprète de Québec explore la fiction et crée des personnages, mais tout en conservant sa propre identité : Erika Hagen. Un choix qu’elle assume totalement, après mûre réflexion. “Le projet au départ s’appelait “L’oeil croche”. J’avais besoin d’un nom -qui n’était pas le mien- pour définir la périphérie de l’esthétique d’un projet comme celui-là. J’avais le goût de faire la distinction entre ce que je suis et cette fiction”, souligne-t-elle, un café à la main. “Plus le processus s’est développé, plus j’étais confortable à l’idée de donner mon nom à ce projet.” L’artiste part d’un sentiment qui est vrai, mais qui devient rapidement fiction dans la plupart de ses chansons. “Il y a un désir de dépasser le réel, il y a un regard qui flirte avec le quotidien, mais à l’extérieur de ce qui est concret. J’aime écrire des histoires, mais je ne veux pas être trop décalée de ce que je ressens et de ce que j’observe dans mon quotidien”, conclut-elle.
La chanson qui lui colle le plus à la peau? Voilà un choix difficile. Son regard s’arrête sur la pièce “Karaté Kid” qu’elle a écrite et composée. “C’est la chanson d’une lutte intérieure, mais dans laquelle il y a beaucoup de tendresse. J’ai la chance de côtoyer plusieurs personnes dans ma vie qui sont des lieux de refuge”, dit-elle. C’est un fait, l’album contient un univers unique pour chaque chanson. Des mondes complexes, tout comme l’artiste qu’elle est. “Quand je compose, c’est la chanson qui me prend par la main. Je me laisse aller. C’est important pour moi de laisser les chansons parler et de ne pas trop contrôler ce que je crée. Et ça a fait ça : un album contenant plein d’univers.”
S’affirmer dans sa pluralité
Des styles dans tous les sens, des univers qui surprennent, sans cadre ou restriction. Est-ce que “Pouvoirs magiques” propose un refus de répondre aux exigences plus formatées de l’industrie? “Ce n’est pas un refus, c’est davantage dans l’affirmation. Ce projet émerge et il a le droit d’être évolutif”, réplique-t-elle. “Même quand je compose du folk, du rock, du punk, je pense que je garde le même ton d’écriture qui reste naïf, existentiel, sensible, même intime. Je pense qu’il y a un désir d’être en relation dans mon écriture”, soulignant toute la bienveillance qu’elle a voulu injecter dans ce projet.

C’est l’arrivée de l’artiste Dany Placard, à qui elle confie la réalisation, qui viendra structurer sa créativité. “Il m’a dit que je n’avais pas une chanson pareille! Mais, en même temps, ce n’était pas un défaut. On a fait une sélection de chansons qui montraient cette pluralité”, mentionne l’artiste de 30 ans qui revient tout juste des Francouvertes. Une expérience qu’elle décrit comme formatrice et pleine de belles rencontres. “Dany est une personne généreuse, qui a un regard sincère et franc. Il va dire ce qu’il pense. On a vite cliqué. Je lui ai tout simplement envoyé un courriel : veux-tu réaliser mon album?”, ajoute Erika Hagen en riant. Elle aime son écriture, sa facture sonore, le genre de musicien qu’il est et ce qu’il dégage sur scène. Travailler avec lui la rassure. Elle mentionne d’ailleurs que toute l’équipe rêve déjà à un deuxième album. Sur ce disque, Dany Placard assure la réalisation, les arrangements, la basse et la guitare, Charles Guay est à la batterie, Benoît Bouchard au mixage et Benoît Fecteau au matriçage.
Née dans les rues du Vieux-Québec
Erika Hagen semble ancrée, assumée. Elle est pétillante, à l’écoute, mais s’affirme sans hésitation sur ses choix artistiques. Des bases solides acquises à l’École de cirque de Québec, d’où elle est diplômée depuis 2017. “Le cirque est un milieu humble dans lequel il n’y a pas beaucoup de hiérarchie entre les artistes. La communauté est là et il y a un tissu spécial : tout le monde aide et reste dans la solidarité”, dit-elle. En ce sens, le milieu de la musique a été réconfortant pour elle, dès le départ. “J’ai envie de mettre en valeur tous mes collaborateurs. Mon “band” est tellement hot! Je veux que ce soit un projet qui soit enrichissant pour tout le monde. C’est grâce à eux que je suis là!”
Le Vieux-Québec revêt également une importance toute spéciale pour l’artiste, puisque ce sont ces rues qui l’ont vue faire ses classes en tant qu’artiste. “J’ai été musicienne de rue, je suis d’ailleurs en train de réfléchir si je reprends mon permis cette année. Je dis que le projet est né dans les rues du Vieux-Québec parce qu’à l’époque, je n’avais pas d’équipe, pas de “band”, je n’avais pas approché Dany”, souligne-t-elle, se rappelant d’excellents souvenirs de ses prestations extérieures. “C’est apprendre à se péter la gueule en public! Il n’y a pas énormément de femmes musiciennes de rue. On a aussi le droit de rocker!”
Capitaine de son bateau
“Pouvoirs magiques” est maintenant lancé. Erika Hagen convie le public au Pantoum (Québec) le 15 mai prochain, au Quai des Brumes (Montréal) le 11 juin et à La Grande du Presbytère (Stoneham) pour présenter son matériel. Elle se lance, étape par étape, avec la volonté sincère de faire les choses à sa manière. “J’avais le désir de rester autonome et de bâtir une équipe à mon rythme. Je ne sais pas exactement ce dont le projet a besoin. Je suis habituée à gérer mes affaires, j’ai un regard précis sur ce que je veux et j’ai moins tendance à déléguer”, ajoute-t-elle. L’artiste ne ferme pas la porte à l’idée de collaborer avec un label, mais considère qu’elle se trouve encore au tout début de son processus. Elle souligne avec beaucoup d’appréciation l’arrivée de sa gérante, Joanie Moreau, une professionnelle œuvrant notamment pour les organismes Centrale alternative et le Phoque OFF. “Je veux surtout que les dynamiques de travail entre tout le monde fonctionnent et que l’écosystème soit agréable. C’est l’fun de voir les gens embarquer dans le projet parce qu’ils le veulent! C’est beau que les sentiments viennent de la bonne place”, conclut-elle. Ce tout premier album est fascinant et l’artiste n’a qu’une envie : se retrouver sur scène. Elle est sans aucun doute l’un de nos grands coups de cœur de l’année!
Pour suivre les actualités et les prochaines dates d’Erika Hagen, cliquez ici.