Créer des espaces et des expériences

Dominic Ross, designer d’intérieur
Crédit photo: Maxime Brouillet

On l’a d’abord connu alors qu’il dirigeait l’entreprise Nature Express, une start-up dans le domaine des machines distributrices de produits santé installées à l’intérieur des grandes tours à bureaux, des arénas et d’une variété de lieux publics. Au fond de lui, Dominic Ross nourrissait sa soif d’apprendre, mais en étant constamment tourné vers ce qui le fascinait vraiment : le marketing, les réseaux sociaux, l’image, le positionnement de la marque, etc. Bref, s’il a la carrure d’un joueur de football, on y découvre un grand sensible, un artiste qui a toujours rêvé à ce qu’il fait aujourd’hui : le design d’intérieur.

Faire comme les autres

C’est à son compte qu’il se lance. Le studio Ross Dugas – le deuxième nom est un clin d’œil à sa mère – voit le jour à la fin de la pandémie. “Je m’amuse dans la création, ça m’épanouit”, dit-il. Son changement de carrière n’a pas surpris ses parents. “Je n’ai jamais ressenti de pression sur les résultats scolaires, l’important était l’intention”, ajoutant que son père, comptable de profession, a souvent répété qu’il voulait seulement que ses enfants soient travaillants. “Mon père vient de la génération où tu avais tout de même peu de choix : tu ferais avocat, comptable ou médecin. De mon côté, je n’avais pas beaucoup de modèles qui auraient pu guider mon sens artistique. J’ai décidé de faire comme tout le monde”, conclut l’entrepreneur de 33 ans. Il choisit d’entreprendre des études en administration avant de lancer sa première entreprise.

De son propre aveu, à ce moment, il se sent aussi éteint puisqu’il a de la difficulté à affirmer ce qui le passionne. Lorsque la pandémie frappe, il aura l’opportunité de vendre l’entreprise à Groupe Compass, un géant international dans le secteur de l’alimentation. Après des semaines d’échanges, la transaction est effectuée et Dominic Ross peut prendre le temps de réfléchir à la prochaine étape. La créativité en lui veut s’exprimer, mais les avenues lui semblent complexes. Son allure, son côté sportif, sa gêne à “avouer” son penchant pour le design, tous ces clichés contribuent à mettre son rêve de designer de côté. “Dans les dernières années, les choses ont changé. J’ai l’impression que, de plus en plus, tu peux t’établir dans la case que tu veux et t’affirmer”, ajoute Dominic Ross. “Pendant la pandémie, je suis allé travailler en maçonnerie et j’ai vraiment aimé l’expérience. Je savais que l’immobilier pouvait être intéressant, mais je voulais satisfaire mon côté créatif. J’avais besoin d’aller plus loin.” Il aime la médecine, la santé, et l’anatomie le fascine depuis toujours. Une opportunité s’est présentée à lui : pendant trois ans, il devient représentant médical dans le milieu orthopédique. “J’avais envie, pour un moment, de faire l’expérience du travail en entreprise plutôt que de travailler à mon compte. Malgré l’intérêt que je portais au domaine, il manquait encore une dimension de créativité artistique, ce qui ne me comblait pas pleinement.

Le vent tourne

En 2022, il devient célibataire. Le couple qu’il formait avec son ex-copine avait une certaine visibilité sur les réseaux sociaux. Cette relation a été très formatrice pour lui, notamment en nourrissant son amour du design. Mais c’est en y mettant fin qu’il a réellement pu créer sa propre identité. Cette période lui a permis de se recentrer sur lui-même, de prendre du recul et de se réinventer. “Je n’avais plus de restriction, j’étais plus confiant et j’étais “game” de faire des essais comme le design d’intérieur. J’ai surtout choisi de faire du contenu et de m’assumer.” C’est l’achat d’une maison en 2019 qui lui donne le feu vert pour le design d’intérieur. Tout était à refaire et le résultat est magistral. “J’ai ensuite acheté un condo à Saint-Lambert que j’ai “flippé” et loué. Le projet était entièrement ma réalisation et, là, j’ai reçu une forme de validation et des félicitations de mon entourage”, dit-il. Finalement, on ressent que c’est ce qu’il attendait : une première tape dans le dos pour l’encourager à foncer vers son rêve. “Je suis fonceur, mais je veux m’assurer d’aller chercher un maximum de conseils et d’appuis à gauche et à droite.

Le regard de l’autre

A-t-il déjà craint que l’on questionne ce nouveau choix de carrière? Pour certains, le design d’intérieur peut paraître risqué et, pour d’autres, complètement à l’opposé des milieux professionnels dans lesquels on l’a vu évoluer. “Je n’ai jamais eu peur de ça. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai été élevé entre mes deux sœurs, mais je me suis toujours assumé dans ce que je faisais, peu importe ce que je fais. Je pense que j’ai une certaine profondeur émotionnelle, je n’ai pas peur d’aborder des sujets qui peuvent déranger”, dit-il. “Tu peux faire ce que tu veux dans la vie, peu importe tes passions, ton orientation sexuelle, tes préférences, etc. Peu importe, tu peux foncer et t’affirmer!

Ce sont les réseaux sociaux qui contribueront à l’élan dont il avait besoin pour aller plus loin. “J’ai eu une grande chance : mes parents m’ont laissé refaire leur condo. J’ai commencé à faire des photos, des “stories” et à générer de l’attraction du monde professionnel du design”, mentionne celui qui raconte ses réalisations avec un large sourire. “Je crois qu’on a tous un sentiment d’imposteur quand on change de milieu professionnel. C’est par la validation des autres que tu en viens à te dire “Hey, je pense que j’ai peut-être un réel talent, et tu commences à être fier de toi.

Le design dans le monde

L’entrepreneur est catégorique : le Québec a encore un chemin à parcourir pour atteindre le niveau de design que l’on découvre ailleurs dans le monde. “Par contre, l’Europe, par exemple, existe depuis tellement longtemps que le cachet est déjà bien établi. Est-ce qu’on part sur les mêmes bases? Absolument pas”, souligne-t-il. “Au Québec, à l’époque, on utilisait déjà de la brique, de la pierre et des matériaux nobles. Aujourd’hui, le client cherche des matériaux plus abordables et une rapidité d’exécution. C’est ce que je trouve dommage.”

Dominic Ross souligne notamment que le coût de la main-d’œuvre et les commissions des fournisseurs sur chaque élément d’un projet contribuent à faire exploser un budget. Considérant cette réalité, construire du “beau” devient de plus en plus un tour de force. 

Prendre le temps de s’arrêter

Dominic Ross veut créer un design évocateur, mais surtout qui permet à tous de vivre une expérience en entrant dans une pièce. C’est l’essence de ce qu’il souhaite développer : des lieux qui donnent l’envie d’y rester, de s’y installer et d’en apprécier toutes les composantes. “On vit dans une société qui va tellement vite qu’on ne prend plus le temps de remarquer le détail des choses. Tout est dans l’optimisation des processus, mais le design vise à s’arrêter et à prendre le temps de regarder le design d’un lieu”, lance-t-il. “Je veux créer des espaces qui vont favoriser des moments pour être dans le présent. Je veux que l’espace puisse amplifier les connexions entre les humains qui sont dans une même pièce.” L’artiste vient également de lancer un projet de cœur avec des amis : les partenaires effectuent la restauration de voitures d’époque de marque Porsche. Pour lui, le vieux cuir et l’habitacle nous font sentir comme dans un film où tous les sens sont mis à contribution. “Je ressens beaucoup cet éveil en créant des projets de design.

Une première rencontre

À quoi devrait s’attendre un client qui souhaite faire appel au sens artistique d’un designer d’intérieur? “Le design est ma passion, c’est ce qui vient en premier dans ma tête. Je cherche des “statements”, des éléments phares qui doivent rester dans le décor. Je veux entrer dans une maison et sentir qu’il y a un potentiel. Ça doit me parler pour m’inspirer”, dit-il. “Ensuite, on pose des questions d’usage : est-ce qu’on y fait du télétravail, le nombre de salles de bain nécessaires, combien de chambres, quelles sont les lacunes à corriger, etc. J’ai ce petit côté obsessif axé sur la perfection du design.

Dominic Ross adore travailler le concept du “squeeze and release”, un processus architectural visant à rétrécir la première partie d’un espace (le vestibule, par exemple) pour ensuite libérer complètement le second et offrir à l’humain un sentiment de libération, de clarté et d’abondance. L’entrepreneur a-t-il des mentors? “Je ne sais pas si j’ai vraiment des mentors, mais j’ai un excellent psychologue!”, lance-t-il en riant. L’appui de ses parents a toujours été très important dans ses projets et il le restera. Il mentionne le travail d’exception de l’artiste visuel contemporain Daniel Arsham et de l’artiste multidisciplinaire Chris Labrooy dont plusieurs de ses toiles se retrouvent dans les projets de Dominic Ross.

Créer du beau

Est-ce que tout peut être beau? “Je pense que oui”, soulignant que ce sont surtout les contraintes de budget qui peuvent avoir tendance à restreindre le créatif. “Je veux que les endroits que je crée soient des expériences. Comme à l’hôtel! Je pense que c’est possible de recréer ces sentiments de bien-être dans une maison, avec une uniformité dans tout.” L’idéal pour lui est de comprendre avec précision ce que le client aime et ce qu’il veut ressentir en entrant dans une pièce. “Je parle beaucoup de beauté, mais dans un monde idéal, il faut qu’on parle de bien-être.

Et l’avenir? “Je n’ai pas de plan précis et je ne sais pas si j’en aurai un, un jour! Je suis un gars de structure et de routine, mais je vais me laisser guider par mon intuition. Je vais m’exposer au maximum de cet écosystème que j’aime et m’entourer de gens passionnés et qui veulent s’élever”, souligne Dominic Ross. Voilà un plan de match ambitieux, mais foncièrement humain. S’entourer de passionnés et multiplier les collaborations, est-ce un choix presque mathématique pour atteindre ses buts? “Non, c’est magnétique.

Pour en apprendre plus sur le studio Ross Dugas, cliquez ici.

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