« Je ne veux plus rien savoir d’être parfaite »

Annie Villeneuve revient sur les 20 ans de Star Académie

C’était un véritable mouvement et le Québec n’avait rien vécu d’une telle ampleur auparavant. Nous sommes en 2003 et l’on découvre pour la toute première fois la cohorte du rendez-vous télévisuel Star Académie. Un succès monstre qui, au fil des semaines, a littéralement transformé la vie des candidats. Ces 14 artistes étaient déterminés à se tailler une place dans l’industrie artistique. En seulement 14 semaines, ils ont été propulsés au rang de « vedettes » par le public. Annie Villeneuve a évolué dans l’œil des Québécois jusqu’à la 13e semaine.

En janvier 2024, on retrouvera cette nostalgie alors que des spectacles seront présentés au Centre Bell ainsi qu’au Centre Vidéotron. Ces concerts souligneront les 20 ans de l’aventure Star Académie. Quel regard Annie Villeneuve porte-t-elle sur ce grand rassemblement? « C’est difficile de prédire ce qu’on va vivre sur scène. Sur scène et devant nous. Quand on en a fait l’annonce sur nos plateformes Facebook respectives, en dessous de la mienne, les gens s’identifiaient les uns et les autres et écrivaient « On réunit le même groupe d’amis que celui que nous avions formé pour aller voir les spectacles, il y a 20 ans ». Je t’en parle et j’ai des frissons dans le dos! »

Star Académie de retour, 20 ans plus tard

C’est sa sœur Suzie Villeneuve qui a lancé l’idée du projet et qui a approché le Groupe Entourage, producteur de ces spectacles anniversaires. « Ça s’est passé assez vite, vraiment, pour décider si on le faisait et si tout le monde était disponible. Il y avait deux dates libres au Centre Bell et deux dates au Centre Vidéotron et une magie s’est opérée! On s’est dit : « OK, on y va ». Au fil de notre échange, je réalise que l’artiste qui réside aujourd’hui à Québec est heureuse, mais qu’en même temps, la présentation de ces spectacles est un immense retour dans le passé pour elle. « Je ne sais pas comment le vivre, c’est ça la réponse que j’ai à te donner. C’est un univers inconnu pour moi, parce que quand on me parle de Star Académie, je pense à un changement de vie total. Je ne sais pas comment je vais réagir lorsque je vais être sur scène. C’est comme si on me donnait la chance de revisiter une expérience qui a été déterminante pour moi. »

Il n’en demeure pas moins que la feuille de route d’Annie Villeneuve, au cours des 20 dernières années, est impressionnante. On la retrouve aujourd’hui au micro de « Rythme FM », où l’accompagnent les auditeurs en semaine, de 9 h à midi. Cette dernière compte cinq albums à son actif et de nombreuses collaborations dont « J’imagine » pour les Jeux olympiques de Vancouver, « Elles chantent Cabrel », « Noël une tradition en chanson » ou encore le dernier album du pianiste Roby Talbot, sur lequel elle interprète le classique « Soir d’hiver ».  « Avant c’était la petite moi, maintenant c’est la grande moi. Stéphane Laporte ne pourra pas me dire de prendre le temps de savourer mes applaudissements parce que je quitte trop vite la scène… Là je vais en profiter! »

Réaliser ce qu’on vit, à la sortie

À quel moment ressent-on qu’une expérience comme celle-là est vraiment plus grande que nous-mêmes? « L’année 1 est unique, tout le monde était totalement naïf. C’était de l’inconnu total et nous étions complètement coupés du monde. Nous n’avions aucun moyen de mesurer l’ampleur de ce qui nous attendait, sauf quand on revenait en autobus après le spectacle télévisé du dimanche. De soir en soir, on voyait de plus en plus de gens autour de l’autobus. La Star Ac en France, on en avait entendu parler, mais on ne regardait pas ça! Lentement, on réalisait qu’il se passait quelque chose de grand, on sentait qu’on appartenait au public », dit-elle avec un sourire dans la voix.

Pendant 14 semaines, les candidats ne consultent pas les actualités et sont tenus à l’écart de sources d’informations qui pourraient leur permettre de mesurer l’ampleur de ce qu’ils vivent. « Quand j’ai réalisé ce qu’on vivait, c’est quand je suis sortie de l’académie ». Elle a d’ailleurs quitté l’aventure à 13e semaine, ce qui est pratiquement la totalité du parcours d’un candidat. « Quand je suis sortie, je passais mon temps entre l’hôtel et les répétitions. Tu ne sais pas ce que tu vis avant d’être sorti de l’expérience. Les gens me disaient « Bonjour Annie! » et je passais mon temps à me demander, « Est-ce que je la connais, cette personne-là? », mentionne-t-elle en riant.

À quel moment a-t-elle réalisé qu’elle avait perdu le contrôle sur ce qui était en train de se passer, le « phénomène » Star Académie? « Nous étions aux répétitions du samedi, juste avant le dernier dimanche de l’aventure. Nous faisons nos numéros, je sais qu’un gagnant sera couronné le lendemain. La production nous annonce qu’on part au Club Med, en République Dominicaine, la semaine suivante avec des gagnants. Les gens vont pouvoir réserver leur vol et partir en vacances avec nous. Et moi, j’étais loin d’être contente. Je suis partie me cacher pour pleurer dans les décors. Je pleurais ma vie parce que je voulais retourner à la maison. Et pendant le voyage, j’ai compris à quel point ma vie ne serait plus jamais comme avant. Je suis une fille super gênée et, à l’époque, je ne savais pas quoi faire avec ça », dit-elle. Star Académie est sans équivoque l’un des plus grands « buzz » qu’a connu la télévision québécoise. « Je me suis déjà fait taper sur les doigts de nous comparer aux Beatles, mais je le fais quand même, parce qu’on l’a tellement vécu comme ça. Les gens avaient voté pour nous et il y avait une bulle qui n’existait plus pour les gens qui t’aimaient fort et qui avaient contribué à t’amener en finale. Les gens nous aimaient tellement fort que c’était démesuré », lance celle qui prépare actuellement un nouvel album de chansons originales.

Impossible de se préparer à un tel succès

« On ne m’a pas préparée, on n’a eu aucune discussion autour de ça. Tu ne peux pas penser que tu vas soudainement être aussi – sinon plus – populaire que n’importe quelle vedette québécoise! On écoutait l’expérience que venaient nous partager les artistes qui étaient de passage à l’académie, mais il n’y avait personne pour nous préparer à la sortie. Ce n’est pas un commentaire négatif, c’est un constat. Au fur et à la mesure que les candidats sortaient, la production réalisait qu’on ne réagissait vraiment pas tous de la même manière », mentionne-t-elle. Aurait-elle aimé être mieux outillée pour faire face à ce qui se préparait pour elle?

Comment était-il possible pour la production de prévoir un tel succès qui a été, à la lumière de tout ce qui s‘est dit à ce sujet dans les médias, un véritable tremblement de terre médiatique? Il est vrai que la France connaissait déjà un succès immense avec son rendez-vous « Star Ac », le penchant européen de ce que les Québécois ont connu sur les ondes de TVA, mais chose certaine, un tel succès télévisuel sera pratiquement impossible à recréer à nouveau. « On avait notre relationniste de presse qui nous trimbalait partout et qui nous expliquait brièvement ce qui était en train de se passer au Québec. Tu t’en vas en entrevue, tu te fais dire qu’il n’y a plus personne dans les rues les dimanches soir parce qu’ils sont devant la télé pendant les galas. Mais en même temps, t’es en train de te dire que tu ne comprends absolument pas ce qui arrive. »

Aujourd’hui, les concours de talents continuent d’attirer le regard de millions de Québécois et de nombreux talents qui souhaitent être entendus. Que dit-on à un jeune artiste qui souhaite faire ce métier et qui choisit de plonger vers des rendez-vous télévisés tels que La Voix? Y a-t-il une recette ou des éléments primordiaux à prendre en considération? « Aujourd’hui, si tu veux faire ça dans la vie, tu dois être chanteur, entrepreneur, gestionnaire des médias sociaux, etc. Tu peux payer pour avoir tout ce monde-là autour de toi, mais il ne suffit plus de sortir un extrait radio pour lancer ta carrière, ça ne fonctionne plus comme ça. Il y autant de façons de faire que de gens qui veulent faire ce métier-là ». Et l’équipe dans tout ça? On parle souvent de l’importance de s’entourer, mais qu’est-ce que cela signifie exactement? Pour Annie Villeneuve, il est clair que l’artiste doit prendre une certaine distance avec son « produit » et que c’est grâce à de bons collaborateurs qu’il ou elle pourra prendre les meilleures décisions. « C’est l’entourage qui est primordial. Tu peux t’acharner sur un chemin alors que ton entourage aurait pu te guider vers un autre. Une équipe c’est important puisque tu ne peux pas tout faire correctement. C’est ce qui m’a fait rire lorsque je suis allée faire un certificat au HEC Montréal : je disais à mes enseignants « c’est beau la théorie, mais je fais quoi lorsque je suis mon propre produit? » Ça change totalement l’angle d’un entrepreneur d’être son propre produit, ce ne sont pas les applaudissements qui vont te faire gagner ta vie. »

Prendre un pas de recul

Concrètement, comment peut-on prendre un pas de recul sur le produit qu’on est en tant qu’artiste? Selon elle, l’entourage est la clé du succès de chacune des étapes d’une carrière, de la sélection de la meilleure chanson en radios jusqu’à la stratégie de commercialisation d’un album. « J’ai mon entourage. Actuellement, j’ai trois chansons réalisées. Ce n’est pas glamour, ce que je vais te raconter, mais en attendant la réponse pour mes demandes de subventions en décembre, on veut sortir une chanson. On fait quoi? Laquelle on veut? Je veux l’avis de mon attaché de presse et des autres membres de mon équipe. Mais pas moi, parce que puisque je suis mon propre produit, ils n’oseront pas me blesser. Ils vont toutefois le dire au gérant qui, lui, va prendre ses gants blancs pour revenir voir l’artiste. Les gens qui sont autour de toi ne diront pas nécessairement les choses de la même façon aux autres qu’ils te le disent à toi ». On comprend que c’est tout de même un travail de prendre un pas de recul pour analyser ce que l’on souhaite offrir au public, cartographier les possibilités qui s’offrent à soi et, finalement, faire la part des choses avec l’opinion de notre entourage afin de sélectionner le meilleur choix. « Demande l’avis de ton entourage, fais confiance à la personne qui te représente, et calcule ton choix selon leurs commentaires et réactions », dit-elle.

Faire les choses pour soi et éviter la perfection

Qu’est-ce qu’elle aurait aimé dire à la « Annie Villeneuve » qui s’apprêtait à entrer à Star Académie? « Je le sais très bien ce que j’aurais voulu me dire. J’aurais envie de me dire que le bonheur, le succès ou le fait de réussir ta vie ne passe pas par le fait d’essayer d’être parfaite. Tu ne seras pas plus heureux en étant parfait, mais plutôt en connectant des fils ensemble au fond de toi. Je suis une gauchère, je n’essaierai pas de changer pour être droitière parce que Céline Dion l’est. J’étais convaincue que ce qu’il me fallait pour réussir était d’être parfaite. Ce que je visais était la perfection. Aujourd’hui, la perfection m’énerve, je ne veux plus rien savoir de la perfection. Je suis totalement à mon affaire, mais si parfois c’est plus croche, je l’assume et je le laisse là. La radio m’aide beaucoup en ce sens. Je dis des choses sur le moment, parfois je vais trop loin, je reviens… ce n’est pas grave, on efface et on recommence! Personne n’est parfait. »

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