Josélito Michaud est sans contredit l’un des plus grands animateurs et intervieweurs de sa génération. C’est dans le décor chaleureux du Il Teatro, au Théâtre Capitole, que nous nous sommes donnés rendez-vous pour parler de “Madame, est-ce que je vais être choisi?”, son cinquième livre en carrière. Avec une immense générosité et beaucoup d’écoute, il s’est livré sur son enfance, sa carrière et sur ses projets d’avenir.
Pourquoi Josélito Michaud a-t-il senti que le temps était venu de dévoiler un pan de son enfance dont il n’avait jamais parlé auparavant? “Quand mes troubles neurologiques fonctionnels (TNF) sont arrivés dans ma vie, je me suis dit qu’il fallait quand même que je dise la vérité avant de partir! (rires) Je voulais que la voix de ma mère adoptive soit entendue. Quand j’ai écrit mes livres précédents, il y avait bien sûr mes histoires, mais aussi celles des autres enfants qui étaient avec moi (dans les maisons d’accueil, en attente d’être adoptés)”, dit-il. C’est au décès de son père adoptif, qu’il décrit comme un homme violent, qu’il décide de prendre la plume et de livrer cette part de lui. “C’est là que j’ai ressenti le besoin de raconter à quel point l’enfance peut marquer une vie”.
Un processus lourd de sens
L’écriture de ce livre s’est réfléchie et déroulée sur plusieurs années avant d’en arriver à un manuscrit. “C’était très douloureux. En même temps, ça m’a permis de faire la paix avec quelque chose, mon passé. J’ai réalisé que j’étais loin d’être tout seul à avoir vécu ces parts d’ombre”, ajoute l’animateur. Il se dit choyé d’être aussi bien entouré par sa maison d’édition, Libre Expression, depuis les 20 dernières années. Cette fois, se raconter autant s’est fait dans un mélange d’émotions puisqu’il s’obligeait à revisiter des souvenirs qu’on préfère parfois oublier… le plus longtemps. « Quelques personnes connaissaient la violence conjugale qui se déroulait à la maison, mais personne ne parlait. Ce n’était pas dans les mœurs. On ne se mêlait pas des affaires des autres”, dit-il. « Ce livre est aussi une invitation au public: si vous êtes témoins d’un épisode de violence, parlez. Il faut parler. Il y a trop de féminicides », ajoute t-il avec une certaine insistance.
Josélito Michaud avoue que d’une fois à l’autre, son processus d’écriture varie. “On dirait que le livre doit se faire un chemin dans ma tête et en moi avant de le mettre sur papier. J’ai besoin qu’on me laisse tout le temps nécessaire pour écrire”, souligne-t-il. Parce que de la pression, l’homme d’affaires de 60 ans n’en veut plus. “J’attends surtout que le sujet m’habite. Je connaissais le titre, il était clair pour moi, et j’avais la photo – la seule que j’ai d’ailleurs – de mon enfance. Il m’a fallu deux ans pour trouver les bons mots”. Le résultat est à la fois magnifique, touchant, sensible et poignant.

L’importance de la tonalité
Le secret de Josélito Michaud, que ce soit dans l’écriture, à la télévision, à la radio, dans les conférences, à travers la conception d’une série télé ou d’un nouveau projet, est de trouver la tonalité adéquate afin de transmettre le bon message. “Quand tu as la bonne tonalité, tu es en adéquation avec toi-même et c’est un point de départ pour s’assurer de garder le cap. On peut changer la trajectoire en cours de route, mais je veux savoir où l’on s’en va: ça me prend un point de chute”, ajoutant que ce livre veut aussi lancer le message que nous sommes responsables de nos choix, quoi qu’il arrive. “Et si on pense qu’on n’a pas le choix, on a bien plus de choix qu’on le croit!”
Sur son terrain, derrière la maison familiale, se trouve une petite maisonnette où l’auteur aime s’isoler pour écrire. Au fil des semaines précédant l’écriture, il a pris une foule de notes, des bouts de phrases, des mots ou des accroches qui peuvent l’inspirer lorsqu’il se lance dans la rédaction. “Quand j’y vais, je m’oblige à faire sortir quelque chose de ce moment. C’est un espace pour me faire réfléchir. Je pars surtout avec une idée précise de ce que je veux dire. C’est mon point de départ”, dit-il. Son grand bonheur est d’arriver à créer des liens avec les rencontres qui l’ont marquées au cours de sa carrière, notamment avec de grandes femmes telles Janette Bertrand ou Pauline Marois.
Le show-business
Lors d’une récente entrevue, Josélito Michaud mentionnait que n’importe quel humain, au fond de lui-même, voulait “être choisi” dans toutes les sphères de sa vie. Pourtant, il a aussi choisi la voie difficile, parfois hostile et souvent cruelle de l’industrie artistique pour ouvrir ses ailes. “C’est vrai que cela peut sembler difficile à saisir. Jusqu’en 2013, l’année où ma mère est décédée, j’ai voulu vivre dans son regard. Je voulais qu’elle se dise qu’elle avait bien fait de m’avoir choisi”, mentionne celui qui orchestre aujourd’hui la carrière de l’illusionniste Luc Langevin. “Quand j’ai atterri dans cette maison, un an plus tard, mon père adoptif a commencé à être violent et j’ai compris que c’était peut-être dû à mon arrivée avec eux. Je me suis toujours dit que j’allais faire quelque chose, sans nécessairement briller, mais pour montrer à ma mère que je valais quelque chose et qu’elle avait bien fait de me choisir.” Josélito Michaud deviendra, au cours des années 90, impresario de la chanteuse Isabelle Boulay avec qui il connaîtra un succès monstre.
Considérant l’état du milieu culturel aujourd’hui, ce dernier ne croit pas que les carrières de 30 ans sont encore possibles. “C’est vrai que j’ai embrassé plusieurs professions, mais si tu me demandais de me définir, je te dirais tout simplement que je suis un humaniste. Dans tout ce que j’ai fait, j’ai tenté de rester le plus humain possible. Mon rôle a toujours été de faire éclore des autres le meilleur d’eux-mêmes”, dit-il avec une voix que l’on sent serrée par l’émotion. «J’ai fait plein de choses parce que si on me rejette dans un projet, j’en ai plusieurs autres. » dit-il.
C’est également l’heure des choix pour celui qui a fait pleurer le Québec avec le rendez-vous télévisé “On prend toujours un train pour la vie” dont plusieurs entrevues ont marqué une génération. “Il y a des métiers que je vais arrêter, comme écrire des séries pour la télévision. C’est difficile et je n’ai plus l’énergie pour ça. Mais je m’ennuie de l’intervieweur et je vais revenir avec un nouveau projet: JE NE VOUDRAIS PAS ÊTRE INDISCRET »”, dit-il, révélant que son rêve serait d’animer un morning show à la radio.

Son regard sur le passé
Et si c’était à refaire? “Je réalise que j’aurais dû prendre soin de moi davantage. À une époque, j’animais un talk-show de fin de soirée, j’étais à la radio en semaine à Rock Détente, en plus de tous mes projets. Je n’ai pas pris le temps pour moi et jamais le temps de savourer », dit-il. Josélito Michaud souligne également qu’il n’a pas pris le temps de célébrer les petites victoires que ce métier lui a apportées au fil du temps. “On ne m’a pas éduqué comme ça, c’est comme s’il fallait que ce soit dur. Et comme j’avais toujours envie de plaire, j’avais un barème d’exigences assez élevé.”
Est-ce que le regard des autres, cela dit, a pu l’influencer dans ses choix professionnels ou personnels? “Personne n’aime être critiqué, évidemment. Mais à l’époque, on me disait que j’étais complaisant alors que j’avais de la bienveillance pour les gens. Ça m’a blessé. Des faux gentils, il y en a plein dans le show-business. Mais ça fait mal qu’on doute de ma sincérité”, soulignant que son absence de quelques années lui a fait du bien.
Un jour, Louise Lantagne, à la direction de Radio-Canada, en plein succès de “On prend toujours un train”, lui a demandé pourquoi il aimait tant faire des entrevues.”Parce que ça m’aide à guérir, peu à peu”, lui a-t-il répondu. On découvre un homme sensible et pour qui l’envie de plaire ne fait plus partie de ses priorités. Même si l’expérience de ce succès télé lui a appris énormément sur lui-même, Josélito Michaud avait besoin d’un pas de recul pour souffler un peu et se remettre de toutes ces émotions qui le frappent en accéléré. Dans un futur proche, il ne cache pas que de revenir à la télévision, dans le train de Charlevoix, fait partie de ses objectifs. Il en parle en affichant un grand sourire et une passion évidente pour le métier.

S’oublier soi-même
Josélito Michaud est catégorique. Son envie de plaire et de se dépasser ont généré les problématiques de santé avec lesquelles il doit aujourd’hui composer. “J’ai oublié d’avoir la même bienveillance envers moi que je l’ai envers les autres”, dit-il. Et puisque nous parlons de choix, quels ont été les bons choix des dernières années? “Certainement de réduire le nombre de projets que je porte, déménager pour aller vivre quelque chose de nouveau et rester avec ma femme, malgré les tempêtes. D’être allé chercher des enfants au bout du monde et qu’ils soient devenus grands et tellement formidables. Je suis aussi fier d’être resté loyal envers mes proches, mes partenaires, mes collaborateurs.”, conclut-il.
“Est-ce que ça en valait le coup?”
Puisqu’il ouvre la discussion sur ce métier qu’il chérit, on se lance: quelle est LA question qu’il aimerait poser et à qui, ces derniers temps? “Je ne me mêle pas de politique, mais je serais curieux de demander à M. Legault si tout cela en valait le coup. J’ai eu la chance de poser la même question à Mme Marois et ça l’a fait réfléchir. Je pense que la bonne question oblige une réflexion”, souligne Michaud. Madame Marois, nous dit-il, avait la motivation de prouver qu’une femme peut arriver à la plus haute fonction du Québec. Et pour M. Legault, la question est lancée…
L’animateur français Frédéric Lopez a dit en entrevue que “dans chaque tant pis, il y a un tant mieux”. Et, pour notre invité, est-ce que tous ces projets et cette carrière en valaient la peine? “J’ai l’impression que ce métier m’aura trop coûté à plusieurs niveaux, même si je suis fier du chemin parcouru”, répond-t-il avec une forme de sérénité. Alors que l’on se quitte, on se permet une dernière question: Comment Josélito Michaud arrive-t-il à faire parler ses invités? Quel est le secret? Il sourit. “C’est facile, tu n’as qu’à les écouter”.
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