“Ça me prenait un pas de recul”

Face à face avec Marie-Mai
Crédit photo : Nicolas Blanchet

Le temps de quelques minutes, Marie-Mai se dépose dans un café du Boulevard Lebourgneuf. Celle qui vient de lancer son 7e album en carrière profite de cette campagne de promotion pour faire le tour de la province et faire le point sur sa carrière. “J’ai le goût d’aller revoir les gens, faire des entrevues et faire de la route! Ça fait du bien de retrouver le monde”, lance-t-elle, un café à la main.

Il s’est écoulé près de six ans avant que l’on puisse entendre du nouveau matériel de l’artiste qui s’est d’abord fait connaître à Star Académie, au tournant des années 2000. “Après l’album Elle et moi, j’ai commencé à faire des projets télé. Quand j’ai commencé à animer Big Brothers Célébrités, ça m’a donné un regain d’énergie. Je me rends compte que j’étais rendue là, je voulais essayer des trucs différents”, mentionne Marie-Mai. Pour elle, le besoin de se mettre au défi est un phénomène normal au fil d’une carrière et qui l’a amenée à expérimenter. “Je pense que tout le monde a besoin, professionnellement, de vivre autre chose après 20 ans dans le métier. Je voulais continuer d’apprendre des choses et de me mettre en danger”, dit-elle. En même temps, son rôle de maman a occupé une place primordiale de son quotidien. “Je suis plus présente pour les années importantes du développement de ma famille. M’éloigner un peu de la musique pour laisser l’inspiration frapper à ma porte était nécessaire”.

La valeur de son temps

Des choix, Marie-Mai a dû en faire plusieurs et à tous les niveaux au cours de ses 20 ans de carrière. Sa vie personnelle est aujourd’hui ce qui dicte ses engagements professionnels. Le temps est précieux et elle prend soin de choisir à qui elle l’accorde. “Ma vie ne ressemble en rien à ce qu’elle était avant que je sois maman. Même quand je faisais des spectacles au Centre Bell et que ma vie était folle, je disais tout le temps que j’espérais trouver l’équilibre. Quand ma fille est arrivée, j’ai l’impression que tout s’est déposé. Depuis que je suis mère, si je dis oui à quelque chose, c’est parce que j’ai vraiment envie d’être là. Je sais ce que je sacrifie si je perds cet équilibre”, ajoute l’artiste. Elle avoue que ses choix de vie se sont souvent faits en mettant de côté ses envies et ce qui la rend vraiment heureuse. “Il était temps que je trouve ma place dans cette carrière et que ma vie ne se résume pas à ma carrière”, dit-elle.

Crédit photo : Nicolas Blanchet

Une rencontre qui change tout

C’est sa rencontre, par hasard, avec le réalisateur à succès Lucas Liberatore qui viendra lui donner goût à l’écriture. Alors qu’elle enregistre un duo avec Imposs, elle croise le croise dans les couloirs du Studio Planet à Montréal. “Quand j’ai rencontré Lucas, ce fut l’étincelle! Ça faisait déjà quelques mois que j’étais à la recherche d’un réalisateur. J’ai fait une chanson avec Imposs et j’ai croisé Lucas par exemple au Studio Planet. On s’est dit que ce serait super de collaborer. On l’a fait”, souligne Marie-Mai. Il lui fallait se sentir entièrement en confiance pour reprendre les rênes d’un projet musical. “Quand tu écris un album introspectif comme celui-là, ce n’est pas avec n’importe quel réalisateur que tu peux te sentir assez en confiance. On peut facilement se sentir jugé ou incompris dans ses émotions. Avec Lucas, il m’a tellement respecté! Ce n’est pas à tous les jours que l’on trouve cette chimie”, conclut-elle. “On a tenté une première chanson ensemble, “Sans effet”, et c’était magique. Je me suis dit que si on était capables de faire une chanson comme celle-là, on pouvait faire tout un album!

Une rétrospective

C’était d’abord le mandat qu’elle a confié à son réalisateur : revisiter de manière créative ses 20 ans de carrière. Finalement, au fil des sessions, Marie-Mai a vu se dessiner un album qui prenait une dimension plus mature, achevée, bien que définitivement rock. “Il y a quelque chose d’extrêmement libérateur dans cet album. De revisiter de vieilles émotions, c’est un suivi émotif de toutes les expériences que j’ai vécues. Tu mets une petite boucle sur le dessus et ça donne cet album”, mentionne-t-elle. 

Ce septième album est un voyage au fond de soi où l’on aborde des textes humains, sans artifice, dans leur simple vérité. Ce qui est intéressant, d’un point de vue artistique, est que Marie-Mai aurait pu livrer ces textes dans une mélodie dénudée, assise au piano, telle une berceuse. Au contraire, elle aborde ces thèmes avec une force musicale, une intensité qui nous rappelle l’artiste de ses débuts. “C’est vrai que dans le passé, dans mon écriture, je commençais une certaine introspection, mais j’avais encore le réflexe de pointer du doigt. Je vivais ce combat intérieur. Presque six ans plus tard, je suis dans une phase où je veux me regarder en face, voir mes parts d’ombre et me trouver dans le milieu de tout ça. Il y a une acceptation de toutes les facettes de ma vie”, dit l’artiste. En effet, bien qu’intense dans le propos ou dans la manière d’aborder certaines mélodies, ce nouvel opus reste très lumineux. Cela s’entend dès les premières secondes de l’album. “En écrivant la première chanson, je savais qu’elle serait aussi la première chanson de l’album. Ça commence fort”.

J’me demande parfois
Que serait ma vie
Sans que mon nom rime
Avec jalousie

Cet album est loin de s’être écrit en solo. Marie-Mai, épaulée par son réalisateur complice, a réuni des auteurs-compositeurs de grand talent : Claire Ridgely, Adel Kazi-Aoual, Clément Langlois-Légaré, Betta Lemme, Hubert Tremblay, Nate Ferraro, Rêve et Jean-Pascal Langlois constituent son armée créative. La chanteuse a adoré le processus. “C’est tellement contagieux, une session d’écriture! Lucas Liberatore et moi, on aime s’entourer de gens qui ont une couleur nouvelle à nous apporter. Par exemple, Claire est trilingue et ses idées nous amènent ailleurs. Tout le meilleur devient une meilleure version de soi-même parce que c’est un vrai travail d’équipe”, dit-elle. “Lucas a tellement été bon pour trouver le bon match! Il savait que j’allais bien m’entendre avec Claire, Adel et les autres. Il a fait de très beaux liens avec les artistes”. Et ce processus de création s’est produit à partir de mélodies qu’elle sélectionne soigneusement. “C’est la musique qui me dit quoi écrire. Je n’écrirai jamais un texte sans musique, c’est mon point d’ancrage. J’ai besoin de canaliser mes idées et, pour moi, ça passe par la musique”, conclut-elle.

Crédit photo : Nicolas Blanchet

Guérir du passé

Les thèmes du pardon et de la guérison sont récurrents dans cet album. On sent une véritable introspection de l’artiste qui célèbre cette année ses 40 ans. “La vie c’est une danse. Je pense qu’on n’arrive jamais au bout de ce qu’on est. Humblement, je sens la différence dans ma vie depuis que j’ai pardonné à d’autres, que j’ai guéri des blessures. Je n’ai plus l’énergie de retenir ma voix, de vouloir plaire ou de me laisser ronger par des trucs”, ajoute-t-elle. “J’avais 18 ans quand tout a commencé! Le désir de vouloir plaire était peut-être inconscient, mais je pense que ça fait partie de la vie d’apprendre ce que je veux et ce que je ne veux plus. Je me suis pardonnée”, souligne celle qui cherche d’abord et avant tout le plaisir dans ses projets avant toute chose. On n’a plus de temps pour le reste!

Est-ce que ces 20 années se sont écoulées trop vite? “J’ai toujours pris le temps d’apprécier chaque moment. Je me souviens de chaque soir au Centre Bell. J’ai toujours chanté comme si c’était la dernière fois, j’ai voulu apprécier chaque moment”, souligne Marie-Mai. “Là où c’est allé trop vite, c’est pour la jeune fille qui est devenue une femme. C’est là qu’il y a eu un déséquilibre à un moment donné”, dit-elle. L’artiste ne cache pas qu’à une période de sa vie, son bonheur était strictement lié à sa carrière. Ça fait en sorte que les années passent et il ne suffit qu’une seule chose me glisse entre les doigts pour que je me demande qui je suis vraiment. Je n’ai jamais pris le temps de grandir en tant que femme”, dit-elle. C’est cette perte de sens qui accompagnait son précédent album. “Je n’avais plus de fondation solide. J’avais le visage collé à mes émotions. Je me suis demandé si j’avais encore quelque chose à dire. Si je revenais, ce serait avec une base solide et aucune attente envers cet album. Ça me prenait un pas de recul”. Pour la première fois de sa vie, elle sent que la pression qu’elle s’impose reste saine. “Je veux donner le meilleur de ce que j’ai à donner. Pas pour impressionner les autres, mais pour être à l’aise dans ma carrière. Pour me mettre en danger”, dit-elle.

Marie-Mai, que l’on retrouve dans le rendez-vous télévisuel “Quel talent!”, adore côtoyer ces jeunes artistes cherchant leur moment de gloire. Et si tout était à recommencer, est-ce qu’elle ferait différemment les choses? “Absolument pas! Je ne changerais rien du tout, c’est certain. Je regarde en arrière et même les périodes difficiles, ce sont celles qui m’ont solidifiées. Je suis fière d’avoir tiré mon épingle du jeu”, dit-elle. Marie-Mai assume ses choix et, plus que jamais, en est fière. “J’ai pris des décisions importantes et je suis convaincue que plein de gens de l’industrie se sont demandés ce que j’étais en train de faire là! Mais des années plus tard, je réalise que chaque décision prise était la bonne à ce moment de ma vie. Je suis fière d’avoir pris une direction quand j’en avais envie”, dit-elle. L’artiste rayonne et son bonheur se ressent. “Même dans une industrie qui change, je ne changerais rien”.


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Michaël Grégoire et Marie-Mai | Bombardier Communications

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