« Je suis indépendante »

Véda, artiste hip-hop
VEDA

Elle a toujours baigné dans la musique, du plus loin qu’elle se souvienne. Sa mère écoutait de la musique disco pratiquement chaque jour dans la maison et son père écoutait du soul. Sa mère est Québécoise et son père trouve ses origines en Italie et en France. Voilà un intéressant mélange de cultures pour cette artiste qui commence à faire jaser dans le milieu du hip-hop québécois, Véda. « J’avais cinq ans, nous sommes à un mariage et les seules photos que nous avons de l’événement, on me voit sur la table en train de faire un show. J’ai toujours eu ça en moi, c’est un langage qui me parle énormément », lance-t-elle. En vieillissant, à l’école, on la décrit comme la fille qui écoute de la musique de gars. Son grand frère Sacha De Santis, aujourd’hui reconnu comme agent immobilier, écoutait du Eminem, du 50 Cent et tout ce qui ne cadrait pas dans les standards de jeune fille de son âge. Les costumes, la mise en scène et l’effervescent l’ont toujours fascinée.

« J’ai commencé vers 11 ans lorsque mon père m’a proposé de traduire des chansons de l’anglais au français pour quelques artistes montréalais, ce que j’ai tout de suite accepté », dit-elle. À l’époque, son père l’encourage déjà à explorer ce milieu et constate que sa fille possède un talent certain. « Je ne me suis jamais dit que c’est clairement ce que je ferais dans la vie, de la musique, mais je savais que j’aurais un emploi plutôt atypique. Je suis TDAH et je suis incapable de rester en place à faire du 9 à 5, oublie ça! », mentionne celle qui a eu 27 ans cette année. Elle a donc fait ses bagages en direction des États-Unis où elle a complété l’équivalent d’un baccalauréat en communication en Iowa. « Je ne savais pas trop où je m’en allais avec ça jusqu’à ce que je choisisse un cours de production de musique numérique. Là, je savais que c’était ce que je devais faire de ma vie! », dit-elle. Son professeur de musique, Cody Olivas, qui deviendra son mentor, lui donne la clé du studio et l’invite à y revenir aussi souvent qu’elle le souhaite. Ce dernier fut le responsable de cette illumination : elle sera une artiste.

L’élan créatif

« Lorsque j’ai gradué je me suis rendue à Los Angeles faire un programme en chant à la Musicians Institute pour travailler sur ma voix et y faire des rencontres. J’ai adoré ça! C’était mon rêve d’aller là. Tu es en train de bruncher et tu croises les Black Eyed Peas au resto! », dit-elle en riant. Elle prend ce moment pour continuer d’écrire et réfléchir à la sortie d’un premier EP. À son retour au Québec, elle travaille au Cabaret du Casino de Montréal, juste avant que la pandémie de la COVID-19 frappe et force le théâtre à fermer pendant des mois. Elle se dit qu’elle doit se concentrer sur la musique, que le moment est idéal et qu’elle n’a que ça à faire. « J’ai finalisé mes chansons en studio et j’ai approché le réalisateur vidéo Henri Taillon (Monokrom) pour la conception de mon tout premier clip en carrière », dit-elle. Entre-temps, elle continue de multiplier les collaborations avec des clients à Los Angeles en tant que parolière et réalisatrice. Son premier EP voit le jour à la fin de l’année 2021.

Un premier label

Quelques mois plus tard, Véda est contactée par la maison de disques Musicor afin de participer à un projet musical ayant comme thématique le hip-hop québécois. « Un super projet! Nous sommes 8 artistes rap avec des styles complètement différents et ce fut une magnifique expérience », dit-elle. L’auteure-compositrice en profite pour contacter Elle Québec afin de raconter son parcours et de parler de la situation des artistes féminines dans le hip-hop québécois. Le magazine veut couvrir plus large : le parcours de chaque artiste, oui, mais également soulever des interrogations sur le fait que les deux plus grandes maisons de disques dans le hip-hop au Québec ne représentent aucune femme. « Comment veux-tu que l’on arrive à avoir les mêmes opportunités et à se développer si nous ne sommes pas représentées par les grands de l’industrie? Quand tu les contactes, on te dit qu’elles ne sont pas encore suffisamment développées pour être signées! », mentionne-t-elle. La sortie de l’article « Quand les femmes se lèvent » a eu un grand impact au Québec.

Une artiste indépendante

Véda n’a pas de gérant, pas d’éditeur, pas de producteur. Elle fait tout elle-même. Il y a quelques mois, elle a pris la décision d’envoyer la démo de son nouvel EP chez Musicor avec qui elle avait déjà de bons liens. Le premier extrait, « Mon boy », connaît d’ailleurs un très bel accueil sur les plateformes d’écoute en ligne. « C’est important pour moi de conserver mon titre de productrice », dit-elle. Après plusieurs semaines de négociations, l’artiste est signée en licence dans cette division musicale de Québecor qui est reconnue pour ses nombreux succès avec les plus grandes voix du Québec. Quant au pistage radio, l’agence de Nat Corbeil a pris la relève. « Ça faisait des années que je voulais travailler avec Nat », mentionne celle qui est une véritable passionnée de l’industrie et qui se décrit sans équivoque comme une entrepreneure.

Comment perçoit-elle le parcours des jeunes artistes de la relève qui, comme elle, se cherchent une place dans le milieu? « J’ai une amie qui a terminé son cours en architecture. Son destin est tracé, elle sort de l’école, elle entre dans un cabinet, etc. C’est plutôt droit et clair comme cheminement. Le parcours d’un artiste, c’est l’inverse! Il n’y a aucune ligne directrice, de recette ou de façons de faire. Je ne me connaissais même pas en tant qu’artiste! », dit-elle. Elle aborde également la notion des droits des artistes, une véritable jungle pour elle. « Tu n’as jamais vu quelque chose d’aussi flou! Un producteur va te dire quelque chose, l’autre va te dire l’inverse, finalement tu réalises que les deux t’ont menti… c’est infernal de s’y retrouver pour un jeune artiste qui tente d’éviter de commettre des erreurs », lance-t-elle. À ce sujet, elle mentionne l’aide que la Fondation des Artistes lui a offerte afin de clarifier certains points légaux auprès d’un avocat ou d’échanger sur les bourses qui sont disponibles pour un artiste en plein développement. « J’ai aussi appris que tu ne signes aucun document avant d’avoir parlé à un avocat. Tes chansons sont le meilleur de ce qu’est un artiste. Il est tellement important d’en comprendre la valeur », dit Véda. Restera-t-elle une artiste indépendante dans le futur? « En fait, je n’apprécierais pas autant d’être rendue où je suis aujourd’hui si une grande équipe ou quelqu’un d’autre avait tout fait pour moi. C’est vital pour moi de mener ma barque, de faire des erreurs, d’apprendre, mais surtout de rester entièrement moi-même », ajoute l’artiste. Une artiste indépendante, mais qui n’aura jamais peur de s’entourer et de faire confiance, qui en a long à raconter et dont on n’a pas fini d’entendre parler.

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