Nous avons eu le bonheur de recevoir le livre de l’entrepreneur, investisseur et “dragon” Georges Karam, tout récemment publié aux Éditions La Presse. Né au Liban, l’entrepreneur a passé son enfance et son adolescence dans un pays en guerre. Déterminé à déjouer le destin et à surmonter les obstacles qui se dressaient sur son chemin, il s’est établi au Québec à l’âge de 19 ans. Ce livre raconte le parcours exceptionnel d’un homme résilient pour qui le succès n’est pas seulement un signe d’accomplissement personnel, mais aussi un moyen de redonner à sa communauté.
Sa vision en tant qu’homme d’affaires ne s’est jamais éloignée de ses valeurs. Les enseignements de cet ouvrage sont-ils adaptables à un parcours professionnel dans l’industrie culturelle? Le Carnet a choisi d’analyser ce livre avec le regard d’un artiste. Voici 10 éléments qui ont attiré notre attention.
- La résilience
Georges Karam est littéralement parti de rien. S’il dirigeait la petite papeterie de ses parents au Liban, il s’est construit tout seul, avec ses associés qu’il a rencontrés au fil de sa route. Il écrit: “Au bout du compte, cette drôle d’enfance marquée par les épreuves (…) les soirées à étudier tout en veillant sur le commerce familial jusqu’à très tard dans la nuit avait forgé ma résilience”. C’est effectivement une longue succession de difficultés et de sacrifices qui mènent à l’aboutissement d’un rêve comme celle de la sortie d’un premier extrait ou d’un album. Ce sont toutes ces difficultés qui forgent l’artiste, qui l’amènent à voir plus loin et à apprécier les jours plus lumineux.
- L’acharnement
Georges Karam mentionne: “Mon acharnement à trouver un emploi, et même deux, trois et quatre, a fini par payer. Toutes ces expériences m’ont enseigné l’importance de la persévérance, des efforts et de l’adaptabilité dans la vie”. Ce passage nous a particulièrement touchés, parce qu’il est gratifiant de regarder en arrière, un instant, et de voir tout ce qui a été accompli grâce à la force du travail sans relâche que l’on investit dans un projet. Quand on patauge dans l’enregistrement d’un disque ou que l’écriture d’un nouveau projet n’avance pas comme on le souhaite, il est judicieux de jeter un œil derrière et de réaliser que l’on a souvent progressé à une très grande vitesse.

- Les petites choses qui font la différence
L’entrepreneur souligne qu’il a obtenu un poste au sein d’une entreprise, alors qu’il venait de débarquer au Québec, mais que son cousin – qui avait pourtant la même énergie et un talent comparable – n’avait pas été retenu à ce poste. Il a demandé pourquoi et on lui a répondu: “Toi tu t’es déplacé!”. Georges Karam raconte: “Ça montrait mon sérieux et ma détermination. C’était la première leçon importante: en affaires, ça ne prend pas beaucoup de choses pour faire toute la différence”. Repensez à toutes ces personnes qui vous ont aidé au fil de votre parcours dans l’industrie culturelle. Vous constaterez que ce sont souvent ces petits efforts qui ont changé la donne sur le rayonnement d’une chanson, sur une entrevue de promotion obtenue en région ou encore sur l’effet que vous avez obtenu lorsque vous vous êtes déplacés dans une école secondaire pour soutenir une cause caritative. Ces petites choses créent un effet boule de neige.
- La collaboration
L’industrie du show-business, bien que certains veulent laisser croire que le métier est de plus en plus “do it yourself”, est le résultat de collaborations fructueuses, de relations de confiance, d’essais et d’erreurs. Toutes les récentes histoires de succès d’un artiste sont également l’histoire du succès de toute une équipe, d’un label en collaboration avec l’agent de promotion, l’agent de spectacle, le gérant, tout le monde! Georges Karam ajoute: “Ces premières années en tant que salarié m’ont appris l’importance de la collaboration. Le succès vient du talent et de l’expertise, mais aussi de la capacité à travailler avec les autres”. Plus que jamais, l’industrie artistique doit apprendre de cela et créer des fusions entre les professionnels du milieu, au profit des artistes, pour générer de la croissance de nos talents dans un marché ultra concurrentiel aux quatre coins du monde.
- Saisir les opportunités
“Nous y avons mis tout notre coeur et consacré toute notre expertise. Cette expérience nous a appris une leçon: l’importance de valoriser chaque opportunité qui s’offre à nous, quelle que soit sa nature ou son intérêt”, souligne l’entrepreneur. L’artiste peut parfois refuser de saisir une opportunité par peur de se dénaturer. Par exemple, si une offre se présente à lui afin de s’investir dans une comédie musicale, mais que cela peut retarder la sortie de son album d’un an, il faut réfléchir à l’offre, mais surtout à toutes les autres opportunités qui découlent de cette aventure. C’est à réfléchir!
- “Timing is everything”
Georges Karam ne cache pas qu’à plusieurs occasions, être à la bonne place au bon moment a joué en sa faveur. S’il y a une seule chose que l’on retient de ce livre, c’est sans doute qu’il faut apprendre à observer les signes et les coups du destin qui peuvent placer l’artiste et son projet exactement à la bonne place et au bon moment. Un plan de match trop rigide peut empêcher l’auteur-compositeur-interprète et son équipe de se pencher sur de réelles opportunités qui se présentent à soi alors qu’elles n’étaient prévues que dans deux ans. Si ça arrive maintenant, il est peut-être judicieux de sauter dans le train!
- Placer la barre encore plus haut
À l’écriture de ces lignes, ce sous-titre devait s’appeler “tout remettre en question”, mais cela n’est pas tout à fait exact. L’idée est de connaître sa zone de confort et d’avoir envie de la dépasser pour atteindre de nouveaux objectifs. Georges Karam explique: “Chaque fois que je me sens parfaitement à l’aise dans un projet, c’est pour moi un son de cloche: j’ai besoin d’un changement. (…) Je suis toujours plongé dans une quête insatiable de réussite”. Le parallèle est intéressant avec un artiste qui doit réfléchir à son prochain projet. Peut-être un nouvel album? Un EP? Une mini-tournée acoustique, intime? L’objectif est surtout d’apprendre à se connaître pour se fixer des objectifs, se donner du plaisir à les dépasser et… s’en fixer encore de nouveaux. Un éternel recommencement, dans le plaisir.
- Ne pas compromettre sa vision
Ils sont nombreux autour de l’artiste à lui dicter une voie ou une autre à suivre. À titre de chef de son projet, l’artiste doit prendre le temps de s’entourer des meilleurs professionnels pour lui afin de prendre la meilleure décision pour l’avenir de sa carrière. Cela dit, lorsque le plan de match est déterminé, l’artiste ne doit pas laisser des forces extérieures compromettre la vision qu’il s’était initialement fixée. Georges Karam raconte: “Nos désaccords concernaient des choses fondamentales. Tandis que je privilégiais une croissance durable et des investissements à long terme, ils se focalisaient sur des gains à court terme et des résultats financiers rapides”. De la même manière, dans l’industrie culturelle, si les conflits concernent un choc fondamental de vision, l’artiste ne doit pas prendre le risque d’édulcorer son projet pour faire plaisir à son entourage. Il devra toujours rester le maître créatif de son projet.
- La santé mentale
“Les émotions ne respectent pas toujours les frontières que l’on tente de tracer. Elles finissent par influencer nos réactions, où que l’on soit”, écrit l’homme d’affaires dont le projet immobilier et philanthropique s’étend maintenant au Costa Rica. La santé mentale est un sujet de moins en moins tabou. Le parcours créatif d’un artiste peut s’avérer tumultueux et les remises en question peuvent être nombreuses. Après tout, un artiste est de plus en plus un entrepreneur. Il est le capitaine de son bateau et doit veiller à mener son équipe à bon port. Mais à quel prix? La capacité à prendre des pauses, des moments de recul, un temps pour soi et pour se concentrer sur la famille ou aux amis devraient être aussi prioritaires que la planification de la prochaine tournée. Sans une santé mentale solide, en affaires ou dans le show-business, les fondations fragiles ne vous permettront de bâtir… et tout s’écroule. Prendre soin de soi, c’est un travail au quotidien qui s’apprend.
- Rester vulnérable
Georges Karam a connu le succès à plusieurs reprises, lui qui a bâti puis revendu des entreprises dans divers secteurs, en plus d’être un investisseur actif de dizaines d’autres projets. Il écrit: “À mes yeux, une des caractéristiques les plus importantes pour un chef de direction est la vulnérabilité”. L’entrepreneur parle de cette capacité à faire tomber les masques que l’on porte pour gagner la confiance d’autrui et, ainsi, aller plus loin. La vulnérabilité, pour lui, c’est aussi de prendre des décisions et de les assumer pleinement, en toute transparence. Un conseil qui s’adapte parfaitement à l’industrie culturelle qui connaît des soubresauts, mais qui se solidifie par la collaboration, les échanges sincères, la fusion des idées et de véritables mains tendues entre les professionnels du milieu.
Ce livre de Georges Karam est définitivement à ajouter à votre liste de lecture. Nous avons fait l’exercice de lui offrir une analyse pour le milieu culturel, mais il regorge de trucs et astuces pour le milieu entrepreneurial dont il serait fou de se passer! On vous présente un homme d’affaires qui s’ouvre sur son passé, ses défis et ses valeurs. “Déjouer le destin” est pertinent, touchant et particulièrement inspirant.
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Déjouer le destin, par Georges Karam
Avec la collaboration d’Isabelle Naessens
Les Éditions La Presse
254 pages