En entrevue avec Michaël Grégoire
C’est l’histoire d’un gars qui, même à un tout jeune âge, savait exactement ce qu’il voulait faire de sa vie : créer. À force d’échanger avec lui, on y découvre un artiste authentique, qui n’aime pas les artifices et ferait absolument tout pour rendre les autres heureux. Parce que j’ai un lien privilégié avec lui, je vous propose une entrevue touchante et qui inspire, en tout simplicité.
“Je savais que je voulais être un créateur. J’ai commencé dans les arts visuels au départ, dès le début de mon secondaire. J’étais le gars qui dessinait tout le temps. La musique est arrivée super tard dans mon parcours. Ça a commencé par une chanson pour Secondaire en spectacle et j’ai eu la piqûre de la scène”, mentionne celui qui, encore aujourd’hui, mélange beaucoup l’art visuel et la musique dans les projets qu’il entreprend. Chaque nouvelle chanson ou publication sur les réseaux sociaux doit être soigneusement réfléchie. Est-ce un peu à contre-courant de ce que les “gourous” des médias sociaux nous incitent à produire, à l’ère où tout doit être instantané? On y reviendra. “J’étais chansonnier dans les bars depuis 2 ans, lorsque je suis entré à l’université. J’avais accumulé quelques textes ici et là et j’avais un hommage aux Red Hot Chili Peppers. J’avais un bon ami à moi, l’auteur-compositeur Vincent Dupont, qui lançait ses chansons et tournait à la radio. J’avais le feeling que je pouvais faire ça, moi aussi, des chansons qui pourraient plaire. J’ai demandé à mon ami Steeven Fortin d’embarquer avec moi”, raconte Steven Grondin, actuellement en pleine période de studio pour son nouveau projet, 120e rue.
“C’est la chanson Millionnaire qui m’a fait réaliser que je pourrais faire ça de ma vie, la musique”, dit-il. L’artiste a fait parvenir son extrait à l’auteur-compositeur-interprète et réalisateur Dominic Pelletier qui le convainc d’entrer en studio et de lancer sa chanson dans les radios. “C’est Daniel Bibeau qui nous a fait confiance au pistage radio. On est devenus rapidement la Future Star iHeart Radio, on a fait le tour des stations qu’on pouvait. On a trippé!”, ajoute Grondin. Il n’en fallait pas plus pour que le plan se dessine dans sa tête : faire de la musique pourrait être un choix de vie. “ Steeven [Fortin] et moi, on avait cette fibre entrepreneuriale et on a eu la poussée dans le dos qu’il fallait”.
Poursuivre, malgré tout
Steven Grondin et Steeven Fortin, deux acolytes de toujours, ont vite partagé les mêmes rêves artistiques. C’est plutôt rare que, malgré les chemins parfois différents et les années, les buts personnels de chacun restent intactes et contribuent à garder la “flamme” bien vivante, même dans les moments plus sombres. “Depuis qu’on a 20 ans, Steeven et moi on se disait qu’on voulait faire quelque chose de spécial en musique dans notre vie. Ça fait des années qu’on rêve de faire le FEQ!”, dit-il, poursuivant être convaincu qu’ils sont la meilleure équipe du monde. “Ensemble, on peut tout faire!”
Et la triste réalité du marché, dans tout ça : l’argent. “On ne s’est pas nécessairement dit que ça pouvait être payant. Je ne pense pas que ce soit le moteur pour un artiste dans cette industrie, au départ. Mais on s’est dit que ça pouvait être concret, de faire de la musique”, rappelle Steven Grondin. Et c’est là que le portrait est intéressant. Pour lui, un artiste croit en son rêve dans la mesure où il est en mesure d’y voir du concret, une forme de progression d’année en année, pour rester motivé et fier de ce qu’il fait. “On s’est juste lancé! On a cessé de dire qu’on voulait le faire et on l’a fait”, dit-il, soulignant l’arrivée du réalisateur et auteur-compositeur Martin Aubin. Une rencontre, encore une fois, qui a lieu grâce à Vincent Dupont.
L’histoire semble se répéter lorsque l’on parle de ce qui fait le succès d’un artiste, d’une chanson ou d’une carrière : un enchaînement de rencontres qui finissent par converger vers le même but, qui est d’emmener l’artiste plus haut et plus loin. “Je ne suis pas une personne qui fait confiance facilement, dans la vie. Quand tu entres dans ma vie, tu n’en sors pas! Je suis très fidèle”, mentionne Steven Grondin. Voilà ce que certains artistes devraient prendre en note, à l’ère où tout se jette en claquant des doigts. “On veut garder nos collaborateurs le plus longtemps possible, tant que l’énergie y est et l’ambiance est cool! Autrement, je pense que d’une façon ou d’une autre, nos chemins vont se séparer. Daniel a pris sa retraite, mais nous sommes toujours avec Martin Aubin pour ce nouveau projet”. Ce dernier ajoute l’importance de son réalisateur dans la bonne direction de ce processus créatif qui, il l’avoue, peut s’avérer chaotique. “Martin est aussi un gars de la Beauce et la vibe est là. Martin est un gars simple, qui nous ressemble et qui a vraiment un don de soi. Je pense que c’est pour ça que notre équipe est aussi forte”, dit-il.
Là où tout a commencé
La Beauce, pour Steven Grondin, représente tout un éventail d’émotions et de souvenirs. “C’est mon enfance, ma vingtaine, mais aussi mes souvenirs les plus sombres qui sont rattachés à cet endroit. Je suis originaire de Ste-Clotilde-de-Beauce. Dans ma vingtaine, je me posais beaucoup de questions, entre autres sur mon identité, mais je me rattachais à la musique”, dit-il. C’est d’ailleurs lors de son passage à La Voix, alors qu’il est recruté dans l’équipe de Marjo, qu’il fait publiquement son “coming out”. Pour un gars discret et introverti, c’est tout de même un “statement” puissant. “Mon plus beau trip est quand je retournais à Saint-Georges, la fin de semaine, pour aller faire de la musique. Le père de Steeven (Fortin) nous avait aménagé un local où jouer de la musique. On avait des posters sur les murs, c’était notre place”, confie-t-il, nostalgique. “Après l’université, je me cherchais beaucoup. J’ai eu le réflexe de retourner habiter dans l’appartement de la 120e rue”, comme si tous ces moments de doute ou de vide le ramenaient à se recentrer au même endroit : la 120e rue.
Un “coming out” à la télévision
“J’aurais bien aimé trouver la force de faire mon coming out avant ça. À 28 ans, j’ai rencontré la bonne personne et ça allait tellement de soi que c’était le bon moment pour le faire. J’avais juste envie de le crier! L’année 2022 a été intense. Je me suis relevé d’une forme de dépression et, finalement, c’est la plus belle année de ma vie”, raconte celui qui est le septième d’une famille de huit enfants. Voilà tout un défi de se dévoiler à tout ce beau monde en même temps. “Pour moi c’était trop compliqué de faire mon coming out à 32 personnes! J’ai commencé par mes parents, tôt le matin, sur Messenger. Ça s’est super bien passé. Ça m’a donné l’énergie d’envoyer un autre message à tous mes frères et sœurs. Encore une fois, je n’ai reçu que de l’amour!”, dit-il. “Quelques semaines plus tard, je me présente aux auditions de La Voix. Je leur parle de mon identité, je sentais que je faisais un “bold move” juste pour moi. J’ai fait mon coming out à la télévision dans une entrevue avec Charles Lafortune qui me ressemblait à 100 %”.
Une rencontre déterminante
Steven Grondin souligne l’importance dans son parcours qu’a eu l’auteur-compositeur-interprète Steve Marin. Ce dernier est notamment connu pour avoir écrit pour des artistes tels 2Frères, Isabelle Boulay, Marc Dupré et Mario Pelchat. “Steve a d’abord entendu parler de nous grâce au Grand Concours du Festival international de la chanson de Granby. Plusieurs professionnels et juges, là-bas, nous disent que notre “vibe” ressemble à celle de Steve Marin. Dans les coulisses, le mot se passe. L’animateur de Rouge FM Seb Lozon a parlé à la radio de la chanson “Parle-moi” qu’on venait de sortir et ça s’est rendu aux oreilles de Steve. Mon gérant lui a téléphoné et une première rencontre s’est organisée”, dit-il. “C’est une chance unique de travailler avec un artiste de cette trempe”, mentionnant qu’il tient tout de même à son indépendance créative et à s’assurer de rester capitaine de son bateau, entouré de ses amis de toujours. “Je ne me vois pas faire un projet tout seul. Pour moi, faire de la musique va toujours être un projet de gang. Je voulais avoir un nom qui reflétait ça”. Pour Steven Grondin, c’est clair, la 120e rue va rester un projet de gang.
Le processus créatif
Créer n’est pas nécessairement un cheminement simple pour l’auteur-compositeur-interprète. On le verra peu dans les sessions d’écriture en groupe puisque c’est en solo qu’il préfère réfléchir à ce qu’il va mettre sur papier. “J’aime créer seul. J’ai beaucoup de difficulté à écrire en gang, ce n’est pas mon genre. Mais si j’ai un noyau sur lequel bâtir, là c’est différent! Si quelqu’un m’arrive avec un texte, là je vais avoir du fun à composer autour de ça”, dit-il. La 120e rue, bien qu’elle soit un projet de groupe, reste près de ce que l’artiste souhaite communiquer. “Ce projet, c’est l’envie de crier que je veux faire de la musique. Parce que ça ne me ressemble pas de crier haut et fort ce que je vis et ce qui me touche”, ajoute celui qui terminera l’album en studio juste avant les Fêtes. “Je veux parler de l’incertitude, de toutes les craintes qu’a notre génération, qui vit à fond tous les défis auxquels elle fait face. C’est de ça dont j’ai le goût de parler, en ce moment, avec la 120e”.
Un premier clip pour la 120e rue
Un décor de bureau terne où l’ambiance n’est pas à la fête, voilà les premières images du clip de 120e rue. Steven Grondin, en chemise et en cravate, se rend dans la salle mécanique pour bousiller le système d’éclairage et provoquer une hystérie collective. Bref, un gros party! “Cette chanson pose des questions avec un accent ironique. On revit toujours la même journée, comme travailleur de 9 à 5, mais en même temps, il faut qu’on y trouve du sens”, en parlant de Jeu d’enfant, le premier extrait qui grimpe actuellement dans les palmarès radiophoniques. “Je veux parler de ce que ma génération vit, mais je ne veux tellement pas être moralisateur ou engagé. Au contraire! Et je pense que le sarcasme ou l’ironie fonctionnent super bien pour aborder ces sujets. Pour moi, “Jeu d’enfant”, c’est une belle joke!”
Ce premier extrait est ce qui semble donner le ton à l’album qui suivra, avec des sonorités visiblement différentes de ce qu’on a connu lors des années folk de Steven & Steeven. “On nous dit qu’on doit être à telle ou telle place dans sa vie, à un âge précis, mais on ne sait pas où aller. Cette chanson, c’est un point d’interrogation”, ajoute l’artiste. “Je ne suis pas obligé de respecter les codes, d’avoir quatre enfants et un CELI bien rempli à 30 ans. Si c’est ce que tu veux, GO, mais est-ce qu’on peut se questionner sur ces standards?”. Le groupe a déjà eu l’occasion de fouler les planches, une première fois, en première partie de Sara Dufour lors du Festival Promutuel de la relève. “C’était la première fois que le band 120e rue était formé sur scène, mais c’était la dernière fois que les chansons de Steven & Steeven allaient être chantées. Ma famille et mes amis étaient là, ça m’a fait du bien. J’ai pris le temps de savourer ce moment-là”, conclut Steven Grondin.
L’avenir s’annonce donc chargé pour l’auteur-compositeur-interprète qui a encore mille sujets à aborder. “On passe l’automne en studio pour terminer l’album. Il reste encore plein de surprises qui s’en viennent, c’est vraiment motivant! Ensuite, on sera sur scène… on le souhaite!” Rêve-t-il secrètement à des collaborations qui pourraient, éventuellement, voir le jour? “Je voudrais vraiment écrire une chanson avec Vincent Vallières. J’aime ce qu’il dégage, son authenticité sur scène et le fait qu’il a pris son temps pour bien faire les choses. Ce gars-là m’inspire!”, pointant le bouquin que Vallières a rédigé sur ses souvenirs de voyage en tournée, Du bitume et du vent. “J’aime énormément le matériel de Marie-Pierre Arthur! J’adore sa voix, j’adore tout d’elle, point. J’ai un “crush” sur son style. C’est une artiste qui semble avoir une très grande sensibilité et ça se sent dans ses textes. En même temps, elle va toujours créer des mélodies de feu”, ajoute-t-il. Voilà un duo qui serait particulièrement intéressant… L’appel est lancé!
Pour en savoir plus sur 120e rue, visitez leur page web.