Les idées et les pensées

Un billet de William Gaboury

2025…
Assis dans le métro vers Manhattan.
Tout le monde dans le wagon a la tête penchée sur son téléphone.

Ces derniers temps, je dois admettre que ma consommation des réseaux sociaux a un peu trop augmenté. J’ai aucune idée pourquoi… J’ai juste, tranquillement, arrêté d’être intéressé par ce qui m’entoure, je pense. Et ça me dérange assez pour me demander : qu’est-ce que je pourrais faire avec ça ? Genre, je trouve que c’est un problème.

Parce qu’on dirait que c’est jamais assez, non ?


Le téléphone…
Le divertissement, c’est bien. Mais est-ce qu’on a autant besoin d’être divertis ?
À chaque fucking minute de nos vies ? On a-tu vraiment besoin de voir quelque chose de nouveau tout le temps ?

On dirait qu’on n’a plus rien à faire.
La vie semble soudainement moins excitante.
Tout est plate.
On sert à rien.

J’ai eu quelques discussions avec d’autres personnes — surtout des artistes — et ça semble être le même genre de discours interne qui revient.

Je comprends absolument les artistes qui se révoltent. Mais maintenant, on dirait que, petit à petit, les gens s’accordent sur une sorte de vision de la réalité… qui n’est pas la réalité. Et du point de vue d’un artiste, c’est franchement frustrant. On sent qu’on a échoué à créer quelque chose qui suscite l’intérêt dans le vrai monde. On a le feeling qu’on travaille plus que tout le monde et puis, le soir, rendu sur YouTube… Whistlin Diesel fait exploser sa 4e Ferrari en riant, juste pour le fun, pour la plèbe.

Et un peu hypocritement, ça nous dérange juste assez pour qu’on ait besoin de se dire intérieurement que ça nous dérange pas

Ou bien, voir les “performances” de Dr. Kiyasu qui gémit dans son snare drum, acclamé par des centaines de personnes sur Instagram, parce qu’eux seuls ont “l’intellect” de comprendre et d’apprécier que L’ART, c’est ça : un barbeau de confusion sonore qui a plus l’air de quelqu’un en détresse mentale, égaré dans ses propres idées sur l’originalité.

C’est quoi, le but d’être un créateur qui cherche à atteindre un esthétisme élevé quand ce qui prend de la valeur autour de nous est choquant, destructeur ou juste fucking weird ?

C’est bizarre, parce que c’est un problème qui semble être partout et nulle part en même temps. Genre… invisible, mais on le sent.


Alors comment combattre ce sentiment d’être ennuyé par la vie, et de penser qu’on sert à rien ?

Je pense que s’il y a un secret à découvrir à travers ça, c’est celui-ci : agrandir notre espace. Et je parle pas de déménager dans un plus grand 3 ½.

Quand notre attention est fixée sur un trop petit espace, je pense que ce qui se passe — en tout cas, pour moi — c’est une intériorisation. Et c’est là que le fun commence à disparaître. C’est là qu’on commence à penser. C’est là qu’on s’envoie soi-même au bûcher. On se traite nous-mêmes d’imposteurs.

Être seul avec mes pensées, ça m’a jamais vraiment aidé.
Ce sont mes propres pensées qui me font croire que mes idées sont pas bonnes.
C’est elles qui me font douter de moi, qui me font croire que je suis peut-être pas « assez hot » pour écrire à un band avec qui j’aimerais vraiment collaborer.
C’est dans ces moments-là que je me dis que si je suis à la révision 12 du cue 32, c’est peut-être parce que, dans le fond, j’ai pas ce qu’il faut…

Mais en même temps, au milieu de toute cette turbulence, y’a une partie de moi qui sait que c’est pas vrai.

Et ça, je pense que c’est le résultat d’un trop petit espace.
Les idées deviennent silencieuses, mais les pensées crient à la trahison… et on finit par croire que le traître, c’est nous-mêmes.

Il y a une énorme différence entre les pensées et les idées.


Les idées nous poussent à jouer dehors, à construire. Ce sont elles qui font avancer les choses, qui nous font embarquer dans l’avion.
Les idées vont vers l’extérieur.
Les pensées vont vers l’intérieur.

Les idées agrandissent l’espace.
Les pensées le rétrécissent.

Et tout ça me mène à comprendre que ce foutu téléphone est devenu une des plus grosses machines à fabriquer des pensées. Et ça, c’est pas bon pour personne.

C’est bien correct, après un shift de 12 heures, de vouloir s’asseoir et décrocher un peu en regardant des vidéos de chats qui tombent dans des poubelles. Je vois pas vraiment de mal à ça, pour vrai… Mais à long terme, ça peut devenir sournois, tranquillement, si on se laisse emporter par l’ennui.

Parce que je pense que l’ennui est un symptôme d’un manque d’espace et d’action.

C’est pour ça que j’essaie d’être en dehors de ma tête. Et jouer de la musique rend ça incroyablement plus facile.

Mais y’a pas juste la musique qui fait ça.
Se ramener soi-même dans le temps présent et juste faire quelque chose, ça aide aussi.
Jardiner.
Peindre.
Faire du jogging.
Cuisiner.
Lire un vrai livre. Etc.

Pensez juste à la quantité d’idées merveilleuses qui, probablement, ne verront jamais le jour… parce que l’attention est détournée vers un écran de 5 pouces.

Je suis pas en train de dire que les réseaux sociaux devraient être bannis pour toujours ou qu’ils représentent le diable. Je dis juste…

Si vous vous sentez ennuyé à mort, c’est peut-être parce que votre attention est fixée sur vos pensées.


Et la meilleure solution, c’est peut-être juste d’avoir une idée — et de la faire.

Bon. Mon arrêt s’en vient.
Je descends.

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« La fugue » d’Aurélie Valognes

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