“Je pense avoir trouvé l’équilibre”

Face à face avec l’animateur Seb Lozon
Crédit : Steven Grondin

Une discussion avec Michaël Grégoire

On se donne rendez-vous au Pavillon de la Jeunesse, à Québec, où l’animateur se réunit chaque jeudi soir le temps d’un match de hockey amical. Un moment qu’il apprécie particulièrement parce que ces 90 minutes à patiner entre amis sont précieuses dans son équilibre de vie. “Ça me fait rire parce que c’est assez rare que ça m’est arrivé d’être invité en entrevue. Je pense que je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où j’ai vécu ça!”, lance-t-il. Seb Lozon est sur les ondes depuis maintenant plus de 25 ans, d’abord en région et à Montréal, avant d’atterrir à Québec où il a établi sa vie de famille. On le retrouve en semaine sur les ondes du 107.5 Rouge en plus des capsules culturelles de la chaîne Noovo. “Le sport a toujours fait partie de ma vie. J’ai souvent eu le syndrome de l’imposteur ou un manque de confiance en moi. Quand j’étais jeune, la dynamique familiale faisait en sorte que c’était impossible, mais j’ai finalement commencé à jouer au hockey organisé la même année que les Canadiens de Montréal ont remporté leurs dernière Coupe Stanley”, ajoute celui dont la voix est aujourd’hui bien installée dans la Capitale-Nationale. “Pour moi, c’est important de me pousser. Je suis intense!

L’équilibre

C’est un sujet que j’aime particulièrement aborder avec les personnalités que j’ai la chance de côtoyer. Je réalise aussi que c’est là que la conversation a tendance à se corser. Seb Lozon semble avoir créé sa carrière autour de cet équilibre difficile à conserver : la famille, d’abord. “J’ai bâti ma carrière autour de ma famille et de ce qui me garde en équilibre. J’aurais pu mettre tous mes œufs dans le même panier et me concentrer exclusivement sur ma carrière. Il s’est enchaîné des événements dans ma vie qui m’ont ramené à ce que j’étais vraiment : un gars qui apprécie ce que j’ai actuellement”, dit celui qui a remporté une quatrième fois cette année le prix “Animateur ou chroniqueur culturel de l’année – Station de radio, marché central” aux Rencontres de l’ADISQ.

Seb Lozon évolue dans un milieu complexe où le micro qu’on lui donne ne doit jamais être pris pour acquis. Parce qu’on ne sait jamais vraiment de quoi demain sera fait. “Perdre son emploi dans notre milieu, ça arrive plus souvent qu’on le pense.  La radio, ça peut être ingrat. C’est un domaine de performance autant que de subjectivité.  Je ne voulais pas mettre toute mon attention sur ma carrière pour éviter de perdre mes repères. J’ai toujours abordé mon métier en sachant qu’il y aura une fin. Et d’ici là, je vais faire tout ce que je peux pour que ça dure le plus longtemps possible. Mais si ça m’arrive un jour, je vais revenir à la maison et à ce qui est pour moi la vraie vie. C’est pour ça que mon équilibre est important”, souligne-t-il, mentionnant que ses amis sont tout aussi importants dans sa vie. C’est la famille qu’on choisit, comme on dit.

Récemment, j’échangeais avec la comédienne Guylaine Tremblay qui me disait qu’elle n’avait jamais eu ce qu’on appelle un “plan B”, une porte de sortie si le rêve d’être comédienne ne fonctionnait pas comme prévu. Seb Lozon savait depuis très longtemps ce qu’il voulait faire dans la vie : communiquer. Il n’a jamais toutefois réellement songé aux périodes de vache maigre qui peuvent aussi faire partie de cette industrie lorsqu’on perd son micro. “L’insouciance est importante dans notre milieu! Je me rends compte que je n’ai jamais été vraiment anxieux par rapport à l’évolution de l’univers de la radio. Il faut dire que je ne suis pas quelqu’un qui vit dans le passé, je ne me définis pas par ça”, dit-il. “Je savoure le moment présent au maximum, mais je ne prends rien pour acquis. Je travaille sur ce que je peux contrôler et, le reste, ça m’appartient peu”. Il ne regarde pas en arrière, mais il est capable d’apprécier le beau qui se présente à lui. “Quand j’ai commencé professionnellement, j’essayais d’être accrédité pour faire des entrevues pour le média que je représentais. J’étais bien sûr tout le temps le dernier de la liste! Et là, tu clignes des yeux, 20 plus tard, et tu réalises que tu es au cœur de super beaux événements”.

Il n’en demeure pas moins qu’au-delà du contrat signé entre son employeur et lui, son temps à la radio peut s’arrêter brusquement. C’est la dure réalité du marché. “Je suis extrêmement rigoureux, personne ne peut m’enlever ça. Mais j’ai été quelqu’un qui a longtemps voulu se faire aimer. Je voyais des professionnels autour de moi qui avaient une attitude de merde et qui se faisaient donner 2,3,4,6 chances. De mon côté, je disais “oui” à pas mal de choses, même si je n’étais pas toujours confortable avec le mandat ou les conditions, mais au final, je pense que ça a fait ma réputation”, ajoute-t-il. L’animateur ne croit pas que l’anxiété qui peut être vécue à la radio soit pire que dans n’importe quel milieu professionnel. “La seule différence est peut-être qu’aujourd’hui , je crois que je me suis bâti une réputation et une crédibilité qui fait que si je perds mon contrat, je pourrai faire autre chose. Modestement, j’ai confiance en ça”.

La radio de Québec

Seb Lozon ne s’en cache pas : il est arrivé à Québec par opportunisme, après ses premières années professionnelles dans la métropole. Il venait relever un grand défi, celui d’ouvrir la station WKND 91.9. “C’est un “trip” que je ne pense pas que je vais revivre dans ma vie!”, lui qui carbure à l’intensité. L’animateur souligne qu’il est un des rares dans le marché de Québec à ne pas avoir fait le tour de tous les médias et il en est fier.

Toutefois, il lui est arrivé de quitter un employeur pour en rejoindre un nouveau. “Je me suis torturé dans cette période de réflexion qui m’a fait quitter la station, parce que j’ai adoré la gang”. Il souligne avoir toujours pu compter sur l’écoute et les bons conseils de pros de la radio comme entre autres Stéphane Gasse dont il admire la sagesse et qui lui avait déjà dit “Je pense qu’il y a une seule ligne que tu ne peux permettre à quiconque de franchir dans ce métier : le respect de soi”, ajoute-t-il. Seb Lozon puise beaucoup de fierté, avec humilité, dans cette longévité à la radio, lui qui occupe la case horaire de la “mi-journée” depuis qu’il a rejoint Bell Média. “Pour moi, la loyauté, c’est super important”.

Faire le tour du jardin

Le contact humain, soit par les entrevues ou directement avec le public, c’est le moteur de ce qui passionne l’animateur qui s’approche lentement de trois décennies en radio. “Je me souviens de ma première entrevue. J’étais à CHAI 101.9, à Châteauguay, et on me propose de recevoir Marie-Chantal Toupin pour la promotion de son premier album. Je n’ai aucune idée du nombre de minutes qu’une entrevue devrait durer et je ne connais pas encore les rouages d’une campagne de promotion”, se remémore l’animateur. “Je me mets à lui jaser et on a fait 90 minutes! Elle quitte et mon patron vient me dire que c’était bon, mais qu’on avait aussi de la musique et des publicités à faire tourner! (rires)”.

Il admire les personnalités telles Sonia Benezra qui arrivent à se souvenir de tellement de détails sur chaque artiste. “Je comprends aujourd’hui que cette curiosité et cette passion pour les artistes te nourrissent et tu accumules de l’information parce qu’elle est attachée à quelque chose d’émotif”, dit-il. “Je trouve ça encore plus stimulant de poursuivre une conversation. Tu peux surprendre l’autre, tu peux référer à d’autres zones pour amener ton invité ailleurs”. Les entrevues de fond, quant à elles, demeurent sa tasse de thé. “En entrevue, mon objectif est de faire découvrir à l’auditeur qui est l’humain derrière l’œuvre et l’artiste. Si le public développe un attachement envers la personne qu’il entend, je suis convaincu qu’il sera plus ouvert à découvrir son matériel”.

Les médias émergents

La radio généraliste est-elle en perte de vitesse? À ce sujet, Seb Lozon est catégorique, elle est là pour rester. “Je n’ai pas peur pour la radio généraliste. J’ai commencé en 1997 et on disait que la radio était en péril. On avait le même discours”, lance-t-il. Pour lui, si un animateur n’est pas satisfait d’un format, c’est à lui de prendre le taureau par les cornes et de monter un projet qui lui plaît davantage. “J’ai du fun avec le balado Fréquence Québec sur iHeartRadio, on peut publier nos contenus sur plusieurs plateformes, à la radio, par nos infolettres, dans un topo à la télévision, les réseaux sociaux, etc.

C’est un défi stimulant pour lui de rejoindre le public où il se trouve. “Il y a beaucoup plus de gens qui consomment ce qui est disponible, mais il y en a moins qui le consomment dans la structure qui existait avant. Par exemple, les gens sont moins dans leurs voitures, ils sont en télétravail. Il y a encore plus de monde qui t’écoute, mais selon leurs préférences”, dit-il. À ce sujet, l’animatrice Joanne Boivin parle de l’importance capitale de la radio dans la valorisation des actualités locales. “Pour moi, les hybrides sont rarement la solution. Comme disait Michel Barrette, c’est comme un divan-lit : t’es pas bien assis et t’es pas bien couché! On est national ou on est local? Il faut choisir l’espace qu’on veut prendre. C’est pour ça que les shows qui fonctionnent le mieux parlent directement à un auditoire précis et local. De ce que je vois, les auditeurs veulent qu’on parle de leur réalité, ici, à Québec”, soulignant la capacité exceptionnelle de sa collègue Véronique Cloutier qui, même en direct de Montréal, a cette aptitude de parler avec précision de ce qui se passe sur le terrain et aux quatre coins du Québec. “Ça se ressent et je pense que ça explique aussi la longévité d’une professionnelle comme elle : elle a un pouvoir de connexion avec les gens, partout, et elle ne fait pas semblant”, conclut-il.

Le bonheur

C’est inspirant de jaser avec un gars qui aime autant sa job. La connexion avec le public, ce qu’il appelle “la communion avec le monde”, est essentielle pour lui. “L’un des moments que je préfère dans mon boulot, c’est quand je viens m’installer avec la Gang du matin et avec les auditeurs. C’est là où tu es capable de concrétiser ce que tu fais. Autrement, je passe la majeure partie de mon temps seul dans le studio, mais je me rappelle toujours que je ne suis pas réellement seul”, dit-il.

Seb Lozon n’a pas peur des défis, lui qui est toujours à la recherche de ce prochain “boost” d’adrénaline. L’humour? Pourquoi pas! “J’aimerais ça me mettre en danger une fois pour faire un numéro. Je m’essayerais seulement pour me mettre au défi… mais pas pour en faire une carrière!”, lance-t-il, alors que la zamboni commence à refaire la glace du Pavillon de la Jeunesse, en attente de la prochaine équipe.“Je peux être mon plus grand ennemi, parce que je veux tellement toujours que ce soit bon que je me freine dans mes projets. Juste faire une “story” sur Instagram, ça me prend un temps fou et de tellement l’énergie!” Il souligne être en train de travailler sur un scénario de court-métrage qu’il rêve un jour de voir se concrétiser, mais il est conscient qu’il doit se faire confiance et avancer dans celui-ci. 

J’ai affaire à un gars passionné par son métier et les gens, mais aussi très sensible. “Quand j’étais jeune, je me sentais tellement petit. Mais avec l’expérience et le temps, je me suis rapproché de là où je sens que je devrais être”, raconte Seb Lozon. “C’est difficile de lire quelqu’un par une première impression, particulièrement dans l’ère des réseaux sociaux. Le jugement vient vite! Mais je te dirais que je m’en fous beaucoup plus qu’avant. Je ne serai jamais indifférent au jugement, mais j’ai la peau plus épaisse qu’il y a quelques années”. A-t-il tendance à se confier, si les choses ne tournent pas comme elles le devraient? “Oui, aux gens desquels je suis très près. Si j’ai une mauvaise journée, je suis capable de le dire. Je ne vais pas le dire à n’importe qui, mais je ne ferai pas semblant que tout va bien”. Il comprend que son métier vient avec une forme de responsabilité, celle de transmettre le positif, qu’importe ce qui se passe dans notre vie personnelle. “Je fais confiance aux gens, mais j’ai aussi cette tendance à me méfier d’eux. L’authenticité sera toujours ce qui m’attire le plus chez les autres”. Si l’animateur a su se faire une place et y rester, depuis bientôt 30 ans, c’est peut-être qu’il a trouvé un peu de la recette gagnante. 
Seb Lozon anime “Rouge au travail” sur les ondes du 107.5 Rouge, en semaine, et est reporter culturel sur les ondes de Noovo.

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