Alan Cloiseau, vous connaissez? Peut-être pas. Mais sur les réseaux sociaux, l’artiste visuel fait jaser. Son compte Instagram “Attention à la marche” (@attention_a_la_marche) contient une foule de dessins, croquis et oeuvres de son quotidien, des moments attrapés à la volée dans le métro, au restaurant, à l’extérieur… partout! Il a accepté de répondre à nos questions, le temps d’une entrevue virtuelle.
“Je suis venu une fois au Québec, on a fait un voyage à Montréal! J’ai de bons souvenirs là-bas”, lance-t-il. Derrière lui se dressent tous les calepins de dessins qu’il a entassés dans une armoire, au fil des ans. Rapidement, on aborde le graffiti, sa passion première. Alan Cloiseau me parle de son admiration pour SIKE, un graffeur toulousain dont le nom a fait le tour du monde. Pour la petite histoire, après avoir parcouru l’Europe, SIKE part à Montréal en 1991 où le graffiti en est à ses balbutiements. Il contribue alors activement à la naissance du graff à Montréal et est considéré comme un des pionniers.
Rester fidèle à ses passions
Alan Cloiseau arrive à Paris à 15 ans et, quelques années plus tard, il entreprend son cursus académique à l’École Boulle, une institution supérieure des arts appliqués et un lycée des métiers d’art, de l’architecture et du design. “C’était une grande chance pour moi, qui arrivait de Normandie, de pouvoir entrer dans cette école. Il y avait là-bas ce mix de savoir-faire et de mélanges de cultures”, souligne-t-il.

Faisant alors ses premiers pas dans l’univers créatif, il continue de traîner un cahier dans lequel il y fait quelques croquis. “Je le faisais pour le plaisir, et j’allais aussi faire du graffiti les week-ends”, soulignant qu’il admire la scène montréalaise pour ses fresques en pleine ville et la beauté de ses oeuvres extérieures. Dans un coin de sa tête, le graffiti est toujours là. “Je pense que ce type d’art est en train de devenir de plus en plus normalisé et respecté”. Pour lui, le graffiti est l’art de la rue qui bascule dans la communication, le design, la gravure laser, l’impression 3D. Depuis les dernières années, on a vu des artistes tels Nasty et Jon One être exposés dans les musées autour du globe. De quoi ravir ces créatifs en quête de développer cet art méconnu.
Un blog qui fait son chemin
C’est au tournant des années 2000 qu’Alan Cloiseau ouvre un petit blogue dans lequel il dépose quotidiennement une petite bande dessinée de six cases sur son quotidien. “Un jour, six cases” est le récit illustré de son quotidien pendant trois ans. “Récemment, j’ai ouvert le carnet et ça m’a rappelé beaucoup de souvenirs de mes années d’étudiants”, se rappelle-t-il. “Je n’avais pas internet, j’allais en bas de chez moi dans un cybercafé pour publier. C’était le début des réseaux sociaux!”
Ce projet personnel, pour une première fois, lui ouvrira les portes d’une première agence de communication où il en apprend davantage sur l’imprimé et plusieurs autres techniques. “J’allais de la prise de brief avec les croquis jusqu’au calage de couleurs”, un calepin à la main. En agence, il vogue d’un mandat à l’autre, dans la même journée. Il découvre un univers qu’il adore: le branding. Quelques mois plus tard, on lui propose une nouvelle opportunité. Une jeune start-up dans l’industrie de la musique embauche des créatifs: Deezer.
“J’y suis resté pendant deux ans, on vivait avec l’esprit start-up de l’entreprise. Quand je suis arrivé, en 2013, la boîte venait de dépasser les 100 employés. Il y avait encore la guerre avec Spotify. Rapidement, mes collègues m’ont laissé voir les sessions d’enregistrement des artistes qui venaient faire des petites performances pour promouvoir leur album”, se souvient Alan Cloiseau. Le jeune professionnel assiste aux sessions où il dessine des stars telles que Angus & Julia Stone, Stromae et Ed Sheeran. Il me montre d’ailleurs une page d’un cahier où Sheeran lui a laissé un autographe. “This is amazing”, a-t-il lancé en voyant son portrait.

En 2015, il lance le compte Instagram “Attention à la marche” en référence à l’expression “Mind the gap”, une inscription que l’on remarque un peu partout dans le métro parisien. Son concept: dessiner quotidiennement des passagers du métro. “Je devais faire une heure de trajet, j’avais donc le temps de dessiner et de me pratiquer. Je dessinais environ quatre portraits par jour dans le but d’améliorer les portraits que je faisais dans les sessions d’écoute chez Deezer”, ajoute-t-il. Au total, il aura dessiné plus de 2 000 portraits pendant cette période.
La vie d’agence
Alan Cloiseau fait un saut chez BETC, une grande agence parisienne, avant de recevoir une grande nouvelle: il sera papa pour la première fois. “Pour l’anecdote, je suis entré chez BETC grâce à mes dessins sur Instagram”, dit-il. L’univers de cette boîte de publicité est immense. “La moindre publication sur Sephora devait être validée par des dizaines de personnes! Ça devenait lourd dans les processus”, ayant à cette époque envie de retrouver un peu plus d’espace et une qualité de vie qui convienne mieux aux jeunes familles.

Alors qu’il préparait ses vacances en ski, c’est Verywell, une agence de publicité basée à Toulouse, qui le convoque en entrevue. Il fait la rencontre de Steve Gallais, président de l’agence, dont les clients sont de petites, moyennes et grandes marques sur le territoire français. “Steve est graffeur aussi! On a fait quelques projets de graffiti ensemble, là où c’est possible de le faire à Toulouse”, dit-il.
Sur l’heure du lunch, il n’hésite pas à donner rendez-vous à ses amis, se réunir dans un resto et se mettre collectivement à dessiner. “J’aime bien me garder cette décharge créative où je peux sortir du bureau, m’arrêter devant une maison ou un paysage et me mettre à dessiner”, soulignant tout l’amour qu’il porte à des regroupement tels les Urban Sketchers, une communauté mondiale de dessinateurs ayant qu’un but en tête: se rencontrer et partager leur passion du dessin. “Récemment, mon ami Rémi m’a donné rendez-vous dans un resto pour dessiner. On se retrouve, on dessine! Je le fais en direct avec une petite palette d’aquarelle. En 10 minutes, je mets de la couleur”, conclut-il. Et le résultat, aussi simpliste soit-il, est à tomber par terre. “Les restaurateurs sont contents puisque c’est spontané, je peux m’accorder un peu de temps dans ces restos”.

D’une opportunité à l’autre
Le parcours d’Alan Cloiseau semble presque artistique, au gré des opportunités. Il s’est laissé emporté d’un projet à un autre, chaque fois avec la même énergie, la même passion. À force de cumuler les heures du lunch dans les restaurants, il commence à accumuler un bon nombre de bonnes adresses. Sa prochaine idée? Il travaille actuellement à en faire un guide de ces petites découvertes culinaires où seront mélangées du récit et ses dessins. Une cinquantaine de croquis sont déjà sélectionnés pour ce livre qui devrait voir le jour en 2025.
“D’autres projets? Je ne sais pas! Je laisse les opportunités arriver à moi, j’ai cette idée de livre, quelques mandats de logos, j’ai mon boulot, la famille… je n’ai plus le temps de faire des projets comme j’en faisais à Paris, mais je reste très ouvert pour la suite”, dit-il, tout sourire.
Dès qu’on lui donne un peu d’espace, Alan Cloiseau dessine ce qu’il voit, ce qu’il vit ou ce qu’il voudrait voir. Voilà une rencontre à l’international qui nous rappelle ceci: dans la création, malgré tous les projets, ne perdons jamais de vue l’essentiel: la passion.
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