“Pour faire de la musique, il faut vraiment que tu tripes, que ce soit vrai et sincère”

Face à face avec France D’Amour
Crédit photo : Bertrand Exertier

En entretien avec Ariane Beauchemin

France D’Amour dévoilait le 14 mars dernier son 14ème album en carrière : Quatorze. En un quart d’heure seulement, la sagesse de l’artiste, qui ne trompe pas ses nombreuses années d’expériences, et sa joie de vivre, sa manière de croquer intensément dans ses expériences et ses projets, m’ont sauté aux yeux. France D’Amour est une haut placée dans le domaine musical du Québec, et une chose dont je suis convaincue est qu’elle est loin d’avoir volée sa place. C’est lors d’une entrevue que l’artiste d’expérience nous a partagé des paroles inspirantes sur son dernier album et sur son aventure comme coach à La Voix. 

Vous l’avez remarqué, le chiffre quatorze résonne dans l’univers de ce nouvel album. Nous pourrions peut-être penser que l’explication s’arrête aux faits, mais ce chiffre est particulièrement significatif sur le parcours de France D’Amour, et c’est ce qu’elle explique : “À 14 ans, j’ai eu ma première guitare, à 14 ans j’ai commencé à écrire mes premières chansons, à 14 ans j’ai eu mes premiers amours… Et là, 14e album, on sort ça le 14 mars… 

Quatorze albums. Les gens de l’industrie le savent, créer un album est un processus long et complexe. Un seul album peut nécessiter plusieurs années de travail avant de voir le jour. Prenant en compte qu’aujourd’hui spécialement, gagner sa vie dans l’industrie est une tâche très difficile, la persévérance et le travail acharné est nécessaire. C’est ce que France partage : “Je suis extrêmement fière d’avoir fait 14 albums. Je trouve qu’en 2024, c’est fou. On le sait très bien qu’en ce moment, il n’y a plus vraiment de magasins de musique, donc pour faire de la musique, il faut vraiment que tu aimes ça! Il faut vraiment que tu tripes, et que ce soit vrai et sincère. Le fait est que dans les premières années, avec tes premiers albums, tu essayes de dire au monde entier que t’as une crédibilité, mais tant qu’on n’a pas la preuve, on n’a pas la preuve. Donc, 14 albums plus tard, après avoir passé au travers de toutes ces années-là, tous ces changements dans le milieu de la musique, d’être encore là et d’avoir encore la passion d’écrire des chansons, je trouvais que c’était un statement.” 

Quatorze albums représentent aussi de nombreuses années d’expériences, de travail et de développement. Du développement au niveau de sa carrière, oui, mais également au niveau personnel, pour France D’Amour en tant que femme, en tant qu’être humain. Chaque album représente une partie de son histoire. Que ce soit par leurs styles, leurs airs ou leurs paroles, on peut facilement les situer dans le temps. Comment est-ce que la musique de France a suivi son évolution? “Je suis vraiment dans la tradition avec mes chansons à la guitare. Mais là, je pose mes textes sur des beats, j’ai même rappé une couple de phrases! J’aime être à niveau avec mes contemporains. Je ne suis pas très nostalgique, à part dans ma chanson Quatorze, mais en général justement, j’aime créer un auto-portrait de ce que je vis en ce moment. Donc oui, “la fille” a évolué. Elle part de la petite fille qui joue de la guitare. Je suis aussi la première fille en guitare jazz à Lionel-Groulx. Il n’y avait pas beaucoup de filles qui faisaient du rock… Je voulais composer comme on composait dans les années 20, donc le challenge est toujours là de me remettre en question. Je suis vraiment dans l’expérimentation sonore, et toujours dans l’apprentissage. 

Elle a également laissé sa marque dans le temps : “Donc, il y a une évolution à travers mes albums. J’aime dire, j’aime constater qu’en regardant mes 14 albums, qu’on voit vraiment différentes époques musicales. C’est comme une carte du temps de comment la musique était en 90, jusqu’en 2024.” 

Collaborations 

France D’Amour a su s’entourer de nouveaux artistes pour la création de cet album, tout en gardant très précieusement certains de ses collaborateurs de longues dates, dont son fidèle guitariste Jason Lang. Parmi ses nouveaux collaborateurs se trouvent l’auteur-interprète Racine, avec qui France a particulièrement connecté. “Il y a vraiment une amitié sincère qui se développe entre moi et Racine. C’est un gars absolument charmant.” C’est grâce à lui que la chanteuse en est venue à faire un duo avec le rappeur Doug St-Louis : “Il y a un clic musical qui se passe avec Doug. Je découvre un autre genre de talent, très différent de ceux avec qui j’ai fait de la musique auparavant. On a des discussions à ne plus finir! Et puis là je me dis “Hey on essaie tu d’en faire une ensemble?” parce qu’il y avait vraiment une amitié qui se développait. Donc la première chanson qu’on a fait je crois, c’est justement “Je sais ce que je sais”.  J’ai tellement trippé, et c’était réciproque. Doug m’a vraiment amené quelque part, et moi je l’ai amené quelque part aussi. Vraiment tripant! 

Pour l’occasion de ce 14e album, France D’Amour a accordé une attention particulière à ses textes. C’est très humblement qu’elle m’en partage certains qui lui procurent un certain sentiment de fierté : “Il y pleins de textes qui ressortent… Mais je suis très fière de “Les SI n’aiment pas les rêves” c’est sûr qu’avec le clin d’oeil avec “les si n’aiment pas les rais”, je l’aime ben cette phrase-là! J’adore aussi “Les haters”, je trouve que j’ai réussi à écrire un texte sans aller dans la haine. À la fin, il y a comme une empathie envers ces gens-là. Finalement, j’aime beaucoup le texte de “Ça fait mal”. Écrire sur le sport c’était pas naturel! C’est toujours un combat entre moi et le sport, je me dis tout le temps qu’il faut que je le fasse parce que c’est bon pour la santé, mais en même temps ça me fait chier!” qu’elle conclut en riant. 

La Voix

Cette année, France D’Amour marquait sa première saison en tant que coach à La Voix. L’image humaine et enjouée que nous avons pu voir dans nos écrans reflétait très bien la réalité : France est une amoureuse des jeux. Le combo avec la musique lui a offert une expérience inoubliable : “C’était fabuleux comme expérience! J’aime les chanteurs, les chanteuses, d’abord, mais j’aime jouer, aussi. Pour moi, tout est un jeu, ça me donne une drive. L’esprit de jeu enlève une couche de morosité à la dureté de la vie. À un moment donné, quand tu regardes ça d’un angle théâtral, tu ries de la vie! Donc, j’ai vraiment pris au sérieux le fait de jouer, qu’elle ajoute en riant. “Moi, j’allais au bat pour mes chanteurs et mes chanteuses, j’aurais voulu être coaché comme j’ai coaché. C’est-à-dire que j’y croyais, j’en dormais pas la nuit. France est prête à tout pour la victoire, compétitive mais très loin d’être égocentrique : “Gagner pour toi, c’est quelque chose, mais gagner pour quelqu’un d’autre, c’est un double plaisir. De vouloir pour quelqu’un d’autre, c’est extraordinaire comme adrénaline. Je suis même frustrée, moi, je voulais que mes deux filles gagnent, que mes deux filles soient en finale. J’étais très gourmande pour elles! Donc j’ai vraiment, vraiment trouvé ça trippant.” 

Ceux qui ont suivi cette 10e saison de l’émission ont pu assister à la victoire de Maude Cyr-Deschênes de l’équipe de France D’Amour. Cette dernière est particulièrement fière de son artiste, mais aussi de la manière dont s’est déroulé son parcours. Personne ne se méfiait de la jeune artiste, qui avait tout dans sa poche pour venir surpasser ses adversaires en cette soirée de finale : “Ce qui me fait rire, ben c’est le rire de la winner, c’est que personne n’a vu venir Maude. C’est l’underdog. Personne ne s’est méfié de cette fille-là. Personne ne l’a vu venir, pis moi, c’était l’as dans ma manche. Moi, je savais que c’était une vraie. Elle est jeune, oui, mais elle est dans le théâtre, elle est musicienne, elle est au cégep en chant, c’est vraiment sa vie pour de vrai! Donc moi je savais qu’elle avait une profondeur. Au début, les gens se disaient “C’est cute, elle chante bien!” mais non, méfie-toi de l’eau qui dort! 

En conclusion, le parcours de France D’Amour, marqué par la sortie de son 14ème album, reflète non seulement une incroyable longévité dans une industrie en perpétuelle évolution, mais aussi une passion indéfectible pour la musique. À travers ses collaborations et ses expériences, elle a su évoluer tout en restant fidèle à elle-même, explorant de nouveaux horizons tout en gardant enracinées ses racines musicales. Son rôle de coach à La Voix a dévoilé une autre facette de sa personnalité, celle d’une compétitrice passionnée et dévouée à ses protégés. La victoire de Maude Cyr-Deschênes, sous sa tutelle, illustre parfaitement sa capacité à reconnaître et à nourrir le talent authentique. À travers les époques, les albums et les expériences, France D’Amour demeure une figure emblématique de la scène musicale québécoise, inspirant par sa persévérance, sa créativité et sa sincérité. 

Elle sera en spectacle à Québec le 10 mai prochain au Centre d’Art La Chapelle et le 24 mai au Théâtre du petit Champlain. Ne manquez pas ça!

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