« If you talk bad about country music, it’s like saying bad things about my momma”, a un jour lancé Dolly Parton. Cette citation est affichée bien en vue sur la page web de l’Agence Ranch, une boîte de gérance, de relations de presse, de création de contenu ainsi qu’une maison de disques spécialisée à la carte pour les artistes new country. Son ambition? Mener le country au-delà des stéréotypes et ses artistes à la rencontre d’une audience la plus large possible. L’Agence Ranch célébrera cette année ses cinq ans, une belle fierté pour sa présidente Joëlle Proulx.
Se lancer en affaires
“Le lancement de l’Agence Ranch s’est quand même fait vite! On voulait lancer ça en grand parce que le country n’était pas nécessairement à la mode comme il l’est aujourd’hui. On voulait que ça “look” quand on se lancerait. Les gens de notre entourage nous disaient qu’on était un peu folles, qu’il faudrait développer autre chose pour survivre, mais on s’est lancées quand même”, mentionne-t-elle. Cette dernière a fondé son entreprise avec sa partenaire d’affaires Vickye Bissonnette-Morin.
À cette époque, la carrière de l’auteur-compositeur-interprète Matt Lang débutait. Il avait fait paraître un premier EP l’année précédente et l’on ressentait déjà qu’une certaine vague était sur le point d’arriver. “Honnêtement, je ne me souviens pas de m’être lancée en affaires en me disant que le country deviendrait populaire comme c’est le cas aujourd’hui. Je l’ai réfléchi en pensant à ce que j’aime et ce que je voulais faire”, dit Joëlle Proulx, le sourire dans la voix à chaque fois qu’elle raconte le parcours des artistes avec lesquels elle collabore. “Même Matt Lang, au début, ce n’était pas évident. C’est normal, tout était nouveau!”
Sa rencontre avec le country
Joëlle Proulx n’a pas grandi dans l’univers du country. “Quand j’étais jeune, j’écoutais le disque de Shania Twain comme tout le monde et on faisait des chorégraphies au son de sa musique! (rires). À cet âge-là, on veut écouter ce que nos amies écoutent : les Spice Girls et les Backstreet Boys!”, dit-elle. Elle a toutefois un souvenir très clair de cette soirée où elle regarde les American Music Awards où LeAnn Rimes y interprète sur scène “How do I Live Without You” et se souvient de l’avoir écoutée des centaines de fois, par la suite. “Je suis une hypersensible et les chansons country sont venues me chercher. Je pense à “Tonight I Wanna Cry” de Keith Urban, c’est parfait pour une peine d’amour! (rires) Je trouve que les chansons country sont poignantes.”
Faire le tour du jardin
En quelques années, Joëlle Proulx a travaillé au sein de deux grandes boîtes : Productions J et Evenko. “Chez Productions J, j’ai eu mon premier mandat country quand Yoan a gagné La Voix. La réalité est qu’à cette époque, on ne savait pas trop comment démarcher un artiste country. Je ne connaissais pas ça, mais moi, ça me parlait! Je suis d’ailleurs allée pour la première fois à Nashville avec Yoan”, raconte celle qui a véritablement eu la piqûre lorsqu’elle a visité la capitale de l’État du Tennessee, haut-lieu de la musique country. Dans les grandes agences pour lesquelles elle travaillait, chaque département avait un rôle précis à jouer. L’entrepreneure, de son côté, avait envie de vivre de nouvelles expériences et, sur un coup de tête, a choisi Londres comme destination où s’installer. “Aujourd’hui, quand j’y repense, je n’en reviens même pas d’être partie sans connaître qui que ce soit là-bas, sans emploi, rien! Je me disais que j’avais travaillé pour les deux plus grandes boîtes de Montréal, qu’est-ce que je vais faire ensuite? Quand ce chapitre s’est terminé pour moi, je savais que je voulais continuer à évoluer en musique, mais sans savoir le rôle que je voulais y jouer. Je savais que j’avais besoin de plus”, dit-elle.
Joëlle Proulx est alors âgée de 29 ans et débarque à Londres où elle se trouvera un emploi dans une petite agence de relations de presse culturelle, mais dont les artistes sont impressionnants. “Nous étions 3 ou 4, mais les clients étaient Taylor Swift, Jennifer Lopez, John Legend, Britney Spears, etc. Je ne comprenais pas comment une aussi petite équipe pouvait travailler dans toute l’Europe”, ajoute l’entrepreneure. Cette expérience lui permet de comprendre comment on gère une entreprise, de quelle manière on négocie les contrats et ce qui amène la boîte à gagner de nouveaux mandats.”Mais encore là, à ce moment, jamais je n’aurais pensé que je me lancerais en affaires!” Elle restera à Londres pendant 14 mois.
C’est l’appel de Martin Véronneau, président de Local9, qui viendra changer le cours de son parcours. Parallèlement, Joëlle Proulx commence à réaliser qu’elle rate des moments familiaux importants et qu’elle ne peut pas revenir au pays aussi souvent qu’elle le souhaite. “Martin me dit qu’il a trouvé un nouveau projet, un gars qui s’appelle Mathieu Langevin et qu’il pensait que cela pourrait m’intéresser. Je me souviens j’étais sur quel coin de rue à Londres lorsque j’ai mis mes écouteurs pour entendre son matériel en français. Juste à entendre son timbre de voix, ça m’a donné l’élan pour démissionner, tout lâcher et revenir au Québec”, lance celle qui se dit motivée par les coups de cœur artistiques. Quelques semaines plus tard, elle débutera un nouveau défi au sein de l’agence Local9. “Martin a été extraordinaire pour moi, il a été et est toujours un mentor. Quand ça s’est concrétisé pour moi, l’idée de l’Agence Ranch, il était tellement content pour moi. Il était fier que je me sois trouvée”, ajoute-t-elle. C’est d’ailleurs sur le projet de Matt Lang qu’elle rencontre Vickye Bissonnette-Morin. “Nous sommes deux crinquées, on travaillait sur le même “beat”. Je lui ai parlé du projet et ça a déboulé ensuite. C’était, ça aussi, une décision de coeur.”
L’univers du country
“Aller au Gala de l’ADISQ, je trouve ça parfois difficile. On regarde beaucoup l’autre, mais pas d’un point de vue d’entraide. Dans le country, on est prêts à s’entraider, s’offrir mutuellement une première partie, une collaboration. Je trouve qu’on en a vraiment besoin dans ce milieu”, mentionne Joëlle Proulx. Cette dernière considère le country comme une grande famille. “Dans le country, je trouve que les artistes ont des valeurs semblables. Je sens qu’on est tissés serrés et c’est certain que si on se met à 15 artistes pour pousser un projet, on va aller plus loin. C’est la force du groupe qui permet ça”, dit-elle.
Joëlle Proulx mentionne également que les projets dans lesquels elle a le plus de plaisir sont ceux où l’artiste occupe une grande place décisionnelle. “J’aime ça travailler avec des artistes autoproducteurs organisés! C’est encore plus stimulant de faire de la promo pour un projet quand je suis impliquée dans différentes facettes de la carrière de l’artiste en question. Pas toujours besoin d’une grande équipe pour faire de grandes choses.”, dit-elle.
Choisir ses projets
Voilà un beau défi devant lequel se retrouve Joëlle Proulx, elle qui s’est installée dans les Laurentides, sans doute pour la quiétude que la région lui procure. “Ce n’est pas un job de 9 à 5, ça c’est certain! Tu n’as pas le choix d’aimer l’humain dans ce qu’il est avant de travailler avec lui. Tu dois avoir envie de travailler, parce qu’autrement, chaque texto ou courriel qui entre, ça va te déranger”, dit-elle. Comment résumer tout ça? Existe-t-il une forme de recette? “Je ne crois pas, faut seulement se connaître et se respecter dans ça. Mes artistes, je les aime et j’ai envie de les aider. Ils doivent te ressembler et partager des valeurs communes, au-delà de la musique”, ajoute-t-elle.
Et instaurer ses limites, dans la mesure où ce boulot n’a jamais de fin, est-ce possible? J’aime poser cette question à la nouvelle génération de professionnel(les) de l’industrie et la réponse est souvent la même. “C’est vraiment quelque chose que je dois apprendre à faire parce que ça n’arrête jamais. C’est certain que l’équipe grandit et que je commence à déléguer des tâches. Il y a de l’espoir! ”, dit-elle avec le sourire. “Partir en vacances, je suis incapable de faire ça! J’apporte toujours mon ordinateur. On peut tout faire à partir de son téléphone portable. J’aime mon job et j’ai hâte à chaque matin d’aller prendre mes courriels. Fondamentalement, mon travail est aussi ma passion et mon conjoint fait de la musique. Oui, je dois apprendre à diminuer mes heures pour pouvoir faire autre chose, mais je ne vois pas mes horaires d’un mauvais œil”, mentionne Joëlle Proulx. Elle m’explique ce que j’ai le goût de retenir pour les années à venir : on devrait gérer notre niveau de bonheur au quotidien selon le sentiment que l’on ressent lorsqu’on reçoit un courriel, un appel ou un texto (dans son cas) d’un artiste. Si cette communication la dérange, elle prendra des mesures pour changer les choses et faire des choix, toujours dans le but de rester heureuse de se lever le matin. “Matt Lang peut me téléphoner neuf fois par jour et ça me fait toujours plaisir! Ce “feeling” me permet de déterminer mon niveau de bonheur dans un projet. Dans les grandes boîtes précédentes, on me disait qu’être amie avec son artiste n’est pas possible. Sincèrement, si tu n’es pas capable de quitter le 9 à 5 et d’aller prendre de la bière avec ton artiste un jeudi soir, ça ne fonctionnera pas pour moi”, dit-elle. Pour elle, créer des liens humains à l’extérieur du boulot lui permet aussi de représenter l’artiste au mieux. L’agence collabore également avec de nombreux artistes dont Brittany Kennell, Blue Ridge Band, Travis Cormier, Ken Presse, Fred Dionne et Reney Ray.
La gérance, aujourd’hui
Est-ce que le rôle d’un gérant a aujourd’hui évolué? Est-ce que l’artiste a parfois du mal à saisir l’étendue de ce rôle ou a-t-il tendance à le confondre avec celui d’un attaché de presse, d’un agent de promotion radio ou de tous les chapeaux qu’englobe une maison de disques? “Le rôle a évolué, c’est certain”, lance Joëlle Proulx. “De mon côté, on porte tellement de chapeaux pour nos artistes que le rôle devient beaucoup plus day-to-day qu’il l’était avant. Par exemple, Matt Lang avait une gérance à Toronto, mais j’étais reconnue comme celle qui gère le quotidien”, mentionnant la gestion des réseaux sociaux, des statistiques sur les plateformes, des entrevues, de l’agenda de l’artiste, etc. Pour elle, l’idée est aussi de bâtir des partenariats qui te feront évoluer longtemps dans ce milieu. “Il faut que tu sois capable d’aller développer des ententes et des projets à long terme, mais tu dois aussi être disponible pour gérer des petits problèmes au quotidien. J’ai créé ma petite famille professionnelle et je la garde tissée serrée, au Québec et au Canada”, dit-elle. Apprendre à dresser ses limites fait partie de sa liste d’objectifs, même si elle a la conviction d’avoir fait le meilleur choix de carrière. Que lui souhaiter, sinon que de poursuivre sur cette belle lancée? “Des vacances en juin!”, lance-t-elle en riant. Et on lui souhaite!
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