“J’ai choisi de saisir ma chance”

Face à face avec Yann Perreau
Crédit : Steven Grondin

Une discussion avec Michaël Grégoire

Après une résidence de deux ans en France, Yann Perreau est de retour au Québec afin de présenter son 6e album en carrière, “Perro del amor”. Un album sur lequel l’artiste a pris le temps de jongler avec ses influences et avec les couleurs musicales, et a exploré une foule d’avenues dont le Trip-hop, le crooner, le jazz, la ballade, le blues et le rock’n’roll.

Nous nous sommes donné rendez-vous au Il Teatro, sur Place d’Youville, l’endroit tout désigné pour jaser de création devant une bonne bouffe. L’auteur-compositeur-interprète était là, visiblement heureux de se prêter au jeu de cette journée d’entrevues. On débute avec un terme qui revient souvent, ces derniers jours, lorsque l’on parle de son album : surréaliste. En bref, un album surréaliste pour un parcours qui l’est tout autant. “C’est comme s’il y avait soudainement une douceur et des possibilités en moi. C’est vrai que je tourne beaucoup autour de l’éclectisme, de la liberté et des sujets qui ne sont pas toujours évidents. Je ne suis pas du genre à établir des concepts précis, j’ai toujours été très instinctif. J’ai même fait ma première chanson rock’n’roll à trois accords!”, lance-t-il, comme si cette sortie était une bouffée d’air frais. La pochette est d’ailleurs une œuvre originale, celle de François Escalmel qui, à l’écoute de sa première maquette, réalise cette œuvre dont le visuel est particulièrement réussi. “Il avait fait la pochette de mon album “Un serpent sous les fleurs” et on a renouvelé notre collaboration. Je le connaissais mieux, cette fois, et c’est sa pochette qui m’a inspiré le reste de l’album”, ajoute Yann Perreau.

Surréaliste

Le terme “surréaliste” se prête tout aussi bien au cheminement personnel de l’artiste qui se confie avec honnêteté. Il raconte son confinement, son “bannissement”, sa remise en question, son introspection et tout ce qu’il a personnellement eu à affronter, tout en restant père de famille, en demeurant digne, jusqu’à la naissance de cet album. La chanson “Le bleu du noir”, qui émeut sur ce disque, a d’ailleurs été écrite pour la mort de sa fille. “Avec ce que j’ai vécu, le public s’imaginait peut-être que j’allais revenir avec un album plus introspectif, mais j’avais déjà commencé certaines chansons et j’ai eu envie de les mettre sur papier. Il y a des choses que j’ai écrites avant ma dénonciation et j’ai l’impression que j’ai écrit des choses qui ont été presque prémonitoires”, dit-il.

Ce parcours introspectif a-t-il teinté son écriture? Personnellement, j’avoue qu’à la première écoute, je me demandais si l’artiste perdrait cet éclectisme auquel il nous a habitués depuis le début de sa carrière. “J’ai décidé de ne pas trop réfléchir à ce que les gens auraient envie d’entendre ou pas. J’ai choisi d’arrêter de me taper sur la tête et de me laisser aller. On est beaucoup comme ça, dans le milieu, on ne veut pas déplaire. J’ai décidé de m’amuser et de ne pas me limiter à penser à ce qu’on aurait besoin d’entendre”, souligne celui qui a créé cet album avec trois réalisateurs, au fil des ans. Le projet a d’abord débuté avec Gabriel Gratton et Guillaume Chartrain, avant de se finaliser à Toronto et Paris avec Gus Van Go que l’on reconnaît notamment pour ses collaborations avec Les Cowboys Fringants et Les Trois Accords. C’est un fait, Yann Perreau n’a rien perdu de ce style “Western romance” qu’on lui connaît!

Attendre 2 920 jours

C’est long, huit ans avant de produire du nouveau matériel. La dernière tournée de Yann Perreau s’était terminée en novembre 2019 et la pré-production avait débuté au début de l’année 2020, quelques mois avant sa dénonciation et la pandémie. “J’ai eu le temps de bien faire les choses, de “remixer”, et faire plein de petits “moves” de production qui font la différence. Il y a une chanson où j’ai ajouté du saxophone à la dernière seconde et on dirait que ça prenait ça!”, dit-il. L’artiste fait maintenant tout, tout seul, ou presque. Il a lancé son propre label avec une grande amie, Audrey Simard, avec qui il chante sur l’album une reprise de Jacques Higelin. “Elle m’aide énormément au niveau de la gestion, des réseaux sociaux, etc. Avec trois enfants, je n’arriverais pas!

Le voyage à Paris du chanteur, en famille, n’était pas prévu, mais il a l’impression que ce fut un bon moment de se reposer, de prendre le temps de vivre en famille et de se poser les bonnes questions. “Ce qui est arrivé était nécessaire. J’ai pris un grand choc, ma mère est décédée. Je me sens aujourd’hui à la bonne place et au bon moment. Je me sens prêt à faire face à la réalité, aux questions et à démontrer que j’ai évolué”, ajoute Yann Perreau. Il ne cache pas qu’il a une tache à son dossier. “Un gros accident de parcours”, dit-il. “Je reconnais aujourd’hui le privilège que c’est d’être un chanteur populaire. À travers mon histoire et celle d’autres artistes, je pense que tout le monde s’est ressaisi”, soulignant que ces événements ont fait de lui un meilleur père pour ses enfants. “Quand on m’a dénoncé, j’ai lancé la serviette et je suis allé m’occuper des miens. Je reviens avec modestie, pour ceux et celles qui voudront me tendre la main”, conclut l’artiste.

Revenir, tout en émotions

C’est l’animatrice et productrice France Beaudoin qui lui lancera l’invitation en premier. Elle rencontrera sa conjointe par hasard, en marge des Jeux olympiques où Yann Perreau devait faire une performance. Elle lui ouvrira la porte à venir interpréter une chanson pour France Castel. Le “timing” était bon puisque la famille Perreau était en train de planifier revenir vivre à Montréal. “J’avais déjà fait “Le cœur est un oiseau” et ils m’ont proposé “Ailleurs” de Marjo. Pour moi, je ne pouvais pas souhaiter mieux. Le processus s’est fait avec beaucoup de bienveillance. Ça m’a tellement ému, des regards complices et de compassion à mon égard”, dit-il. Le chanteur raconte qu’il a pratiquement senti que les paroles de cette chanson étaient écrites pour lui.

“Amène-moi là où ça sent l’amour
Refaire mon lit, le mien s’est détruit
Amène-moi là où ça meurt le jour, ailleurs c’est trop loin”

France Castel a décrit Yann Perreau, ce soir-là, comme l’artiste “qu’elle souhaitait revoir à la télévision”. Il n’en fallait pas plus pour enflammer le web de la plus belle des manières. Le retour de Yann Perreau était confirmé. Les étoiles se sont alignées. “Pour moi, ça a été une belle porte ouverte et j’ai choisi de saisir ma chance”, dit-il, soulignant qu’il sera toujours reconnaissant de cette main tendue.

Sur scène

Yann Perreau n’y va pas dans la retenue lorsqu’il s’agit de faire un lancement d’album. Il s’est récemment arrêté à Montréal, le 7 novembre dernier, et sera sur scène le 13 novembre à Québec, le 14 novembre à Trois-Rivières, en plus de prévoir deux soirs à Joliette, sa ville natale. “Je suis “old school” sur les lancements! J’aime ça, je trouve que ça met un peu d’aura autour d’une sortie, on se rencontre, ça fait du bien”, dit-il. La tournée se dessine de belle façon aussi, lui qui s’est entouré de Mike Brossard au booking de spectacles. Il ajoute être fier d’avoir été approché par une belle équipe de professionnels pour soutenir ce nouveau projet, à plusieurs niveaux. 

L’album regroupe plusieurs coups de cœur qu’on vous invite à découvrir. Je vous parlerai toutefois de cette dernière pièce, une reprise de Jacques Higelin dont nous parlions plus haut, “Je ne peux plus dire je t’aime”, en duo avec sa complice Audrey Simard. Prenez deux minutes de votre journée, vous me remercierez plus tard. Parce que j’ai tellement l’impression que ce monde a besoin d’amour. Ça fait du bien de se rappeler que parfois, la simple présence fidèle et sans jugement d’un ami -un vrai- fait toute la différence quand l’univers semble s’écrouler.

Pour suivre les actualités de Yann Perreau et découvrir “Perro del amor”, cliquez ici

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