Un face à face avec Michaël Grégoire
Le parcours de l’auteur-compositeur-interprète Frédérick Baron, qui se définit maintenant davantage à titre de parolier, est absolument fascinant. Dans sa tête, ses objectifs artistiques étaient très clairs, bien qu’il ne semblait pas destiné à ce métier. Il ne vient pas d’une famille “artistique”, il ne connaissait personne dans l’industrie musicale et, malgré tout, il a pris ses valises pour atterrir au Québec. Je me suis entretenu avec celui que j’ai eu la chance de connaître en 2007 et qui, depuis, est un ami. C’était la première fois où nous prenions le temps d’explorer en détails les débuts de sa carrière.
“Quand je suis arrivé au Québec, mon objectif à l’époque était de faire une carrière d’auteur-compositeur-interprète. J’ai commencé à le faire tranquillement, je faisais d’abord des reprises et j’ai ensuite intégré mes compositions”, mentionne-t-il en début d’entrevue. L’étincelle s’est créée lorsque Monique Giroux, animatrice reconnue sur les ondes d’ICI Musique, l’a repéré alors qu’il donnait un spectacle. “Elle m’a invité dans l’une des émissions qu’elle présentait devant public. J’avais interprété du Juliette Gréco et j’avais eu de très belles critiques dans la presse”. En parallèle, Frédérick Baron devait tout de même travailler pour gagner sa vie, alors jeune arrivant sur l’île de Montréal.
“J’ai été engagé par l’éditrice Diane Pinet (Éditions Bloc-Notes) en tant qu’assistant. De son côté, elle avait dans son catalogue l’auteur-compositeur-interprète d’origine italienne Vincenzo Thoma. Il avait déjà des succès pour Lara Fabian, Roch Voisine, pour ne nommer que ceux-là, et on s’est liés d’amitié”, ajoute-t-il. Vincenzo Thoma aimait son style d’écriture et lui a demandé de collaborer à titre de parolier. “Personnellement, je ne savais pas encore écrire sur de la musique!”
Un premier projet
Le premier album sur lequel Frédérick Baron est invité à écrire est celui de l’autrice-compositrice-interprète Ima. La collaboration se déroule à merveille et l’album voit le jour en septembre 2002. Le parolier raconte avec fierté avoir écrit six chansons pour elle, soit la moitié de l’album. L’histoire ne s’arrête pas là puisque Mario Pelchat, qui avait également contribué au projet en écrivant une chanson, a remarqué le talent de Baron. “Il m’appelle le jour de mon mariage pour me dire, je me souviendrai toujours de cette expression québécoise, qu’il est tombé en bas de sa chaise en lisant mes textes”, dit-il. Mario Pelchat poursuit en mentionnant qu’il souhaite absolument travailler avec lui. Leur première collaboration est un méga succès puisque la chanson “Une force en toi” sur le premier album de Marie-Élaine Thibert devient un “hit” radio et génère des ventes de 300 000 copies. Quelques mois plus tard arrivaient les invitations de Marc Dupré, de Bruno Pelletier et de l’auteur-compositeur Rick Allison. “En deux ans, j’étais sur une douzaine d’albums. Ça a été fulgurant!”
Est-ce toujours un hasard?
Ce n’est pas la première fois que j’aborde le sujet avec un(e) invité(e) dans le cadre d’un face à face. J’ai l’impression, à entendre le parcours des professionnels du milieu artistique, que bien des événements sont nés d’une sorte de concours de circonstances. Être à la bonne place au bon moment, comme on dit. Pour Frédérick Baron, le hasard n’a pas eu beaucoup de poids dans son parcours. Pour lui, bien que cela puisse paraître un peu ésotérique, c’était écrit. Il était clair pour lui qu’il pourrait faire de sa passion pour les mots son métier.
“Il y a deux choses. D’abord, avant de quitter la France, je me suis promis que je travaillerais avec Céline Dion et avec Lara Fabian. Je ne savais pas comment, mais j’avais cette intuition. Je viens d’une petite ville de province, je ne connaissais personne dans le show-business, donc tout le monde se “foutait un peu de ma gueule” quand je suis arrivé au Québec”, mentionne Frédérick Baron qui sentait, sans avoir de certitude, que le chemin était tracé pour lui. “Cela dit, je pense que la vie te pousse à faire les bonnes rencontres et met sur ton chemin les personnes avec lesquelles tu vas réussir”, ajoute-t-il.
Est-ce que devenir parolier, pour lui, représentait une obligation de mettre sa carrière d’interprète en veilleuse? “Au début, j’avais de la résistance parce que je ne voulais pas qu’on oublie l’interprète. Lorsque je me suis mis à faire de la tournée, j’ai réalisé que je n’aimais pas ce mode de vie. Et finalement, la vie a fait de moi un auteur et a tout mis en place pour me ramener au parolier. J’ai mis 8 ans à l’accepter. Je pense vraiment qu’on a une prédestination à ce qu’on doit être et ce qu’on doit faire. Je crois énormément aux synchronicités de la vie”, dit-il, visiblement en paix avec ce pan de son histoire. À ce sujet, la vie lui a plutôt donné raison puisque les collaborations n’ont fait que se multiplier. “Ce que j’ai vécu, pour moi, était hallucinant. Grâce à ma collaboration avec Marc Dupré, j’ai eu la chance de co-écrire avec Céline Dion les paroles de la chanson ‘’Entre deux mondes’’, puis j’ai rencontré George Perris en Grèce qui m’a mené jusqu’à Lara Fabian, c’est fou les détours que prend la vie!” Frédérick Baron a réalisé ses deux rêves en seulement quelques années.
Traverser le temps
On reconnaît davantage Frédérick Baron pour ses collaborations de ce que l’on peut décrire comme de la “grande chanson”, à première vue. Ces œuvres traversent le temps et lui ont permis un rayonnement sur le plan international. Un parolier doit-il justement explorer plusieurs univers pour rester à la page? “J’avais fait une entrevue à la SOCAN, il y a quelques années, et le journaliste me disait que j’étais un parolier caméléon. On se souvient peut-être davantage de ce que j’ai écrit pour Mario Pelchat, Marc Dupré, Ginette Reno, Bruno Pelletier, mais j’ai eu de très belles collaborations avec des Alexandre Desilets, Catherine Durand, Renée Martel, Catherine Major, Sylvie Paquette, des artistes qui passent du folk à l’électro, à la chanson française, etc.”, répond l’auteur. “Dans la tête de beaucoup de gens, j’écris du “pop adulte”, mais on voit moins ces autres facettes où j’ai écrit pour plusieurs artistes pour lesquels mon style ne semble pas être évident, à première vue. Par exemple, j’adore le country! Avec mon projet de comédie musicale à venir, on est dans le folk”, ajoute Baron.
Devenir quelqu’un d’autre
Avouez qu’on l’imagine, le parolier tourmenté dans la pénombre avec une coupe de vin et une chandelle, à écrire des chansons torturées pour exprimer sa douleur! Tant de clichés, mais la question demeure tout de même intéressante : comment un parolier peut-il en arriver à jouer un rôle et véritablement en arriver à se glisser dans la peau de l’artiste à qui offrir un texte? “Au moment où je me mets devant mon ordinateur, je ne suis plus moi. Je suis cet artiste-là. Je vais aller lire ou écouter des entrevues réalisées auparavant par cette personne, je vais écouter les albums précédents pour éviter la répétition, mais je me vois comme étant cette personne”, dit-il. “J’essaie de faire une connexion spirituelle avec l’artiste, si on veut. Tu vas me trouver très ésotérique, mais pour moi, l’art n’est pas de notre dimension, ce n’est pas dans le “concret”, c’est ailleurs. En général, j’imagine qu’il y a quelque chose qui me connecte et je deviens l’artiste”, ajoutant que, pour lui, la plus belle chanson qu’il a écrite en carrière est Après toi, le déluge pour Bruno Pelletier, une collaboration avec Catherine Major. Et la coupe de vin et la chandelle, elles? “J’écris essentiellement le soir ou la nuit. Ça peut arriver que tu doives écrire en journée, mais idéalement vers 17 h pour que je me sente complètement libre de ma journée pour écrire. Je cherche des mots, je peux passer des heures sans qu’il se passe quoi que ce soit. Je ne sais pas pour les autres paroliers, mais c’est comme ça que je le vis.”