Le feu de la création avec Alfa Rococo

“Fais-moi rêver” est leur 5e album en carrière
Sur la photo : Alfa Rococo | Crédit : Geneviève Charbonneau

Une entrevue avec Michaël Grégoire

Le duo Alfa Rococo a 20 ans. Six années se sont écoulées depuis le lancement de leur dernier album. Justine Laberge et David Bussières dévoilent aujourd’hui  “Fais-moi rêver”, un album résolument festif et dansant. Les artistes proposent un son qui leur ressemble, abordant des thèmes très actuels tels que l’éco-anxiété, la résilience face aux aléas de la vie ou le sujet universel de l’amour. Deux décennies plus tard, le duo a très bien vieilli. “L’évolution se fait un peu tout seul, mais en même temps, on essaie de ne pas se répéter dans notre manière de créer. Pour cet album, notre façon d’évoluer a vraiment été de rencontrer d’autres créateurs et d’ouvrir nos horizons”, mentionne David Bussières.

On aborde les six années de silence avant de proposer ce nouvel album. “On a quand même sorti des extraits, mais c’est une période sans album complet”, mentionne David Bussières, soulignant que les spectacles n’ont jamais cessé. “On a eu des enfants! (rires) Quand on a sorti le dernier album, on avait un enfant de 2 ans et demi et un bébé de 5 mois. Même quand j’étais enceinte, on n’a jamais arrêté”, ajoute Justine Laberge. En 2019, le duo retrouve le plaisir de créer et se dit qu’il n’attendra pas encore longtemps avant de sortir un nouvel album. Le destin en a décidé autrement, la pandémie est venue brasser les cartes. “On a décidé de faire la chose la plus noble qui soit : passer du temps avec nos enfants”, mentionne David. Il n’en demeure pas moins que la pandémie a changé les plans qu’ils avaient au départ. “Ça nous a freinés dans l’élan qu’on avait. Les gens qu’on rencontre, les voyages qu’on fait, l’air du temps nous inspirent beaucoup. Mais là, on s’est demandé ce qu’on avait à dire”. Pendant ce temps, le groupe est tout de même monté sur scène fréquemment, en formule duo.

Collaborer sans se dénaturer

C’est avec le temps que l’idée est venue afin de repartir la machine : collaborer avec des ami(e)s de longue date. Rapidement, se sont alignés des artistes tels Alexandre Désilets, Laurence Nerbonne, Imposs et le multi-instrumentiste DRMS. “Ce sont des amis qu’on connaît depuis longtemps! Ce sont tous des artistes avec qui on a dit qu’on devrait faire quelque chose ensemble, un jour ou l’autre. On dit tout le temps ça, mais là on l’a fait pour vrai! C’était le temps”, dit David Bussières. Ce dernier raconte être entré en studio sans se fixer de contrainte. “Avec Étienne (DRMS), par exemple, je suis entré au studio et j’ai accordé ma guitare. Les accords que ça donnait, il aimait ça. On est parti de ces accords pour créer la chanson”, ajoute-t-il. Le tout s’est produit de la même manière avec l’auteur-compositeur-interprète Alexandre Désilets ou le roi du hip-hop Imposs. Un processus de création fluide et amical, rappelle-t-il.

Y a-t-il un risque de perdre “l’essence” du duo lorsqu’il fait le choix de collaborer avec d’autres talents? “On n’avait pas peur de ça, on était rendus là. On avait le goût d’explorer autre chose”, lance Justine, qui mentionne toutefois qu’elle avait certaines craintes au départ sur la manière dont le processus se ferait. “Même si ce sont des gens qu’on aime, c’est différent et j’ai l’impression qu’il faut se mettre à nu. Je me demandais si je serais capable de livrer mes idées sans être gênée ou mal à l’aise”, dit-elle. Pour son comparse, la collaboration était pratiquement le concept de ce nouvel opus. “Au début, le nom de travail de l’album était Nouveaux horizons. C’était le moteur créatif. En cours de route, on a composé “Fais-moi rêver”. Il y a tellement un marasme ambiant, en ce moment, qu’on a besoin de se retrouver dans le rêve et dans l’imaginaire pour s’évader du chaos. Il y a beaucoup de lumière dans cet album”, souligne-t-il, avouant avoir lâché prise sur certaines choses pour simplement s’amuser. En effet, de bons amis ne sont pas nécessairement de bons colocs, mais dans le cas présent, l’expérience en aura valu la peine.

Sur la photo : Alfa Rococo | Crédit : Geneviève Charbonneau

Vie privée ou vie professionnelle?

En couple, sur scène et dans la vie, depuis 20 ans, Justine Laberge et David Bussières n’ont aucune difficulté à jongler avec le boulot et la vie de famille. En fait, ce quotidien fait plutôt partie de leur ADN. “Les chansons sont tout le temps en train de mijoter dans notre tête!”, lance le chanteur, mentionnant qu’il peut très bien avoir un éclat créatif alors qu’il est en train de cuisiner une omelette en plein milieu de la cuisine animée. “Il y a des instruments partout dans la maison. Il n’y a rien de plus triste que de perdre une bonne idée. Il faut l’attraper quand elle passe, peu importe ce qu’on est en train de faire!”, dit-il.

Le duo a récemment organisé une séance d’écoute avec des amis au Café Lézard, à Montréal. Là encore, l’événement se voulait sans artifice, simple et authentique. À la manière dont les chansons se sont créées. “On a organisé un party d’écoute avec des amis et on a fait écouter des petits bouts de maquettes”, raconte David Bussières. “Sur une maquette, on entend notre enfant qui raconte une histoire à sa sœur. L’écoute a l’air bordélique, mais c’est comme ça que ça arrive. Tu grattes la guitare pendant que les enfants jouent ensemble et c’est là que te vient une idée”, renchérit sa douce moitié. Pour eux, c’est l’essentiel de la création : on ne peut forcer ce processus. C’est un élan qui vient et qui repart et auquel l’artiste doit rester attentif. “Je pense à un moment où l’on avait une musique et un texte, mais pas grand chose de plus. On passe 6 ou 7 heures au café à écrire, mais il n’en sort rien. On s’en va ensuite faire l’épicerie en se disant que demain sera un autre jour. En mettant le pied à l’extérieur du supermarché, ça nous frappe : on vient de trouver un refrain, une mélodie, tout est là”, dit David. “C’est comme aller à la pêche, il faut que tu mettes ta canne à l’eau! Il n’y a pas de recette dans le processus de création”.

Petit clin d’œil sympathique, vestige de cette période de création : Dans la chanson “Voler”, les artistes ont laissé à la fin un petit bout chanté très simplement, en studio, capté lors de la première prise de son.

“Je me dis qu’au fond, j’ai pas besoin de grand chose
Juste un peu d’horizon, avant que fanent les roses”

Une nouvelle équipe

Le duo a choisi de faire confiance à Hubert Lavallée à la gérance, ce dernier étant directeur artistique et général du Festival Colline. “J’ai toujours une liste dans mon bureau avec ce que je souhaite dans le futur. Au cours des dernières années, j’ai écrit que je voulais juste m’entourer de bonnes personnes qui aiment notre travail et qui ont la même vision que nous”, raconte Justine Laberge. 

Le groupe Alfa Rococo, qui fait paraître ce nouvel album sous l’étiquette Coyote Records, a fait appel à Johannie Michaud aux relations de presse et à Nat Corbeil au pistage radio. C’est finalement l’Agence BAM qui assurera le booking du groupe. “Au fil du temps, on commence à savoir ce qu’on veut et ce qu’on ne veut plus. Ça nous donne l’élan nécessaire. Tout seul, on ne peut pas y arriver”, ajoute-t-elle. “C’est important pour nous de s’assurer davantage que la création reste au centre de ce qu’on fait”, conclut David Bussières.

Pour Alfa Rococo, le pouvoir de la musique ne cessera jamais de les émouvoir et de les impressionner. “On voit l’impact que la musique a sur les gens. C’est incroyable de se faire dire par de nouveaux arrivants qu’ils ont appris le français en écoutant nos chansons! Ça nous a remis en mouvement et donné envie de s’entourer. C’est tellement motivant, ça fait du bien”, soulignent les deux acolytes.

Une fascination pour l’émergence de l’idée

Je sens que nous pourrions parler pendant des heures de créativité, un sujet qui anime énormément le duo. Pour David Bussières, la naissance d’une idée est ce qui l’intéresse le plus dans la création. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le groupe a convié ses amis pour l’écoute de l’album. “On a décidé de prendre 4 ou 5 chansons, de faire écouter les maquettes au tout début, puis le résultat final. On voulait montrer l’émergence de l’idée et tout le travail de prendre soin de cette idée pour qu’elle devienne quelque chose. À la fin, on interprétait un extrait de la chanson finalisée. Ce sont des choses que tu n’entends jamais d’habitude!”, dit David. Les artistes me confient que cette présentation originale fut très bien accueillie. “Quand je fais du dessin, je ne montre pas mes croquis à tout le monde. Mais on l’a fait! Il faudrait valoriser un peu plus le processus de création. Il y a du travail et ça ne se fait pas en claquant des doigts”, ajoute Justine.

De l’émergence d’une idée, à la construction de cette vision, il y a tout un univers à explorer et c’est ce que nous dévoile “Fais-moi rêver”. C’est un rendez-vous pour la tournée de spectacles qui se poursuivra au cours des prochains mois.
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