Une découverte patrimoniale d’une portée exceptionnelle vient de remettre en lumière l’un des lieux les plus marquants de l’histoire culturelle québécoise. Au cœur du centre-ville de Montréal, une murale que l’on croyait disparue à jamais a été mise au jour dans l’ancienne boîte de chansonniers Chez Bozo, révélant les empreintes de mains et les signatures de près d’une centaine de figures marquantes de la chanson québécoise et française des années 1950.
Située à l’étage du 1208, rue Crescent, à proximité de l’ancien édifice de Radio-Canada sur le boulevard Dorchester, cette murale se trouvait dans ce qui est reconnu comme la toute première boîte de chansonniers du Québec. Fondé en 1959, Chez Bozo s’est rapidement imposé comme un creuset artistique où se sont forgées les bases de l’identité musicale moderne du Québec.
Un lieu fondateur de la chanson d’ici
À la fin des années 1950, Chez Bozo devient un espace d’avant-garde où se croisent poètes, musiciens et interprètes. Parmi ses fondateurs figurent des noms devenus emblématiques : Claude Léveillée, Jean-Pierre Ferland, Clémence Desrochers, Raymond Lévesque et Hervé Brousseau, accompagnés notamment par le pianiste André Gagnon.
Le cabaret accueille rapidement des artistes appelés à devenir des piliers de la francophonie : Félix Leclerc, Alys Robi, Édith Piaf, Yves Montand, Pauline Julien et Guy Béart, parmi tant d’autres.

Une redécouverte fruit de recherches patientes
C’est à la suite de longues recherches dans les archives nationales et d’investigations sur le terrain qu’Alexandre Leclerc, aussi connu sous le nom de scène Bernhari, a retracé l’existence de cette murale mythique. Avec son complice Maxime Le Flaguais, il a confirmé que l’œuvre, que l’on croyait détruite depuis des décennies, se trouvait toujours derrière les murs du lieu historique. Conscients de la valeur patrimoniale de cette découverte, les deux initiateurs ont rapidement entrepris des démarches afin d’en assurer la protection officielle.
Un geste fort du gouvernement
Devant l’importance de la trouvaille, le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a signé le 26 novembre 2025 un avis d’intention de classement patrimonial.
« La redécouverte de ce mur d’honneur nous permet de prendre conscience de l’immense contribution qu’a eue la boîte à chansons Chez Bozo pour le Québec. Ce cabaret est un lieu mythique et un témoin exceptionnel de la richesse de la scène artistique montréalaise de l’époque », a déclaré le ministre.
Vers une renaissance vivante du patrimoine
Au-delà de la conservation, Alexandre Leclerc et Maxime Le Flaguais annoncent désormais la réouverture de Chez Bozo dès le début de l’an prochain. Rebaptisé La Maison des Bozos, le lieu accueillera de nouveaux spectacles tout en intégrant un espace muséal immersif. Les visiteurs pourront y découvrir la Murale d’honneur des Bozos, ainsi que divers artéfacts et objets d’époque, directement au cœur de la salle historique.
Pour soutenir ce projet à long terme, les deux porteurs se sont entourés d’une équipe chevronnée et ont fondé un organisme à but non lucratif, HARFANG, dédié à la protection et à la mise en valeur du patrimoine musical québécois.
« Redonner vie à Chez Bozo, c’est remettre en lumière l’héritage de celles et ceux qui ont façonné notre culture moderne », expliquent-ils, évoquant un projet à la fois mémoriel, créatif et tourné vers les générations futures.
Plus de soixante-cinq ans après son ouverture, Chez Bozo s’apprête ainsi à redevenir ce qu’il a toujours été : un lieu de transmission, de création et de rencontres, où l’histoire musicale du Québec continue de s’écrire au présent.
