Une discussion avec Michaël Grégoire
Il est 17 h, un jeudi soir. J’ai donné rendez-vous à celui qui a été reconnu comme la « révélation francophone de l’année » de WKND 91,9 à Québec. Une journée entre la pluie et la neige, une journée qui nous rappelle avec force que l’hiver s’en vient. En entrant à l’Anti Bar & Spectacles où il se produira quatre heures plus tard, Fred Dionne est tout sourire et bien prêt à faire voyager le public. Une entrevue où l’artiste se raconte en toute authenticité, avec générosité et une bière à la main. Personnellement, cet échange m’a permis de découvrir un gars de cœur et un artiste dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Fred Dionne ne cache pas sa joie de faire sa rentrée à Québec, un nouveau territoire à explorer. « J’avais fait ma rentrée montréalaise l’année dernière et je n’avais pas encore eu l’occasion de venir présenter mon album ici. Je me suis dit qu’il serait temps que je vienne présenter ça! Je viens de gagner « révélation francophone de l’année » avec WKND, j’ai plein d’amis ici, je suis venu faire la première partie des 2Frères et de Matt Lang récemment, je me suis dit que c’était le bon moment de venir présenter mon matériel », souligne Fred Dionne. La station WKND présente d’ailleurs la soirée qui réunit sur scène deux artistes en pleine évolution, Andie Therio et Raphaël Dénommé. L’artiste avait une certaine crainte à savoir s’il arriverait à bien vendre ses billets à Québec et, visiblement, c’est mission accomplie. Une « tape dans le dos » qu’il prend avec fierté.
« Ça fait déjà neuf ans que je gagne ma vie avec la musique », dit-il. Fred Dionne parcourt le Québec avec un trio, Les Jacks, un projet folk qui lui tient particulièrement à cœur. « Je me disais tout le temps que je finirais par travailler sur mes propres chansons et la pandémie m’a permis ça », mentionne-t-il. L’auteur-compositeur mentionne qu’il a accumulé de nombreuses chansons dans un tiroir, avec les années, en se disant qu’il finirait un jour par en faire quelque chose. Son album autoproduit « Highways », paru en 2022, caractérise bien l’artiste que j’ai devant moi : simple, attachant et assez visionnaire. « Ce sont des chansons qui ont été écrites à différents moments de ma vie puisque j’ai passé beaucoup de temps sur la route. Pour la musique, mais aussi pour le fun. C’est pour ça que j’ai donné ce nom-là à cet album. « Highways » est la dernière chanson que j’ai mise sur papier suite à mon voyage au Colorado et j’ai l’impression que tout s’est attaché à partir de là », lance-t-il.
À l’écoute de son album, il me semble évident que Fred Dionne est un véritable nomade qui se plaît à voir du pays et qui a pas mal de difficulté à rester en place. « Autant j’aime être partout à la fois, autant je suis un gars cartésien et les deux pieds sur terre », dit-il. Un juste milieu entre ces deux intérêts, le voyage et la musique, qui lui permet de créer, mais qui le ramène aussi à l’essentiel. Fred Dionne se partage entre le gars qui souhaite penser à son avenir et prévoir (autant que possible) les prochaines étapes de sa carrière et, en même temps, fait ce qu’il peut pour prendre l’air et éviter de s’enraciner quand la vie lui semble trop confortable.
Un gars de gang… et ça se voit
Il n’en fallait pas plus pour qu’il parle avec enthousiasme des gens qui l’entourent. Je lui lance un « parle-moi de ton équipe », entre deux gorgées de bière. « Il y a ma copine Joëlle Proulx (Agence Ranch) qui m’assiste dans mes choix professionnels et s’occupe aussi de mes relations de presse. Faut dire qu’elle me donne un sacré coup de pouce à la maison (« avec la vaisselle! », lance-t-elle en riant), mais c’est l’fun d’avoir quelqu’un que je peux consulter au quotidien. Ça aide! Il y a Catherine G. Bouchard, cofondatrice des Disques Far West, qui m’appuie au booking avec Phil G. Smith. Il y a aussi Simon Robitaille chez Taxi Promo. C’est un peu Simon qui nous a permis de sortir nos chansons en radio avec Les Jacks, il nous a donné confiance en ce qu’on faisait. J’ai étudié en batterie, à la base. En 2016, je me suis retrouvé dans un spectacle que Simon produisait et je lui disais que j’avais un band. De fil en aiguille, il m’a proposé de faire du pistage radio avec lui. Il nous a donné un gros coup de pouce pour nous faire comprendre comment ça fonctionne dans l’industrie », mentionne Fred Dionne, qui tient mordicus à préserver son indépendance lorsqu’on aborde le sujet des maisons de disques. L’artiste tient à mentionner l’importance que ses musiciens ont dans sa vie. « Étienne Joly est mon réalisateur et directeur musical, c’est un super guitariste et ça fait longtemps qu’on travaille ensemble. Mon prochain album en décembre sera notre cinquième projet ensemble. Le reste du band est composé de Dave Larocque, Francis Veillette et Alain Lafrance. » L’influence d’Hugo Perreault fut également forte pour Fred Dionne, à la prise de son et au mix de ses projets, mais il le considère comme la carte cachée de ses projets. « Hugo est le membre fondateur du groupe Okoumé, il a travaillé avec Vincent Vallières, Laurence Jalbert, Richard Séguin, Paul Daraîche et plusieurs autres. C’est un gars tellement efficace, Hugo a toujours réponse à mes questions », dit-il. Une confiance et une chimie établies sur les années pour celui qui est visiblement très fidèle à ses collaborateurs.
L’indépendance à tout prix?
À quel moment un artiste doit s’entourer, administrativement, au cours de sa carrière? « Ça dépend parce que, pour Les Jacks, on a vraiment tout fait tout seuls et on a beaucoup appris de ça. Mais à ce stade-ci, pour mon projet personnel, je me suis entouré dès le début parce que je voulais que ça fasse un « boom » dès le départ. Je voulais des radios, du PR, je voulais sentir qu’il y aurait de quoi quand je serais prêt ». Et l’univers country, comment le perçoit-il? Fred Dionne a récemment mentionné sur les ondes de Radio-Canada qu’il jetait un œil à ce qui se faisait aux États-Unis et qu’il s’en inspirait, avec son projet « Grande Ourse », pour recréer cette énergie… en français. J’ai l’impression, pour ma part, que le country a toujours existé, mais différemment. La nouvelle génération est en train d’en faire quelque chose qui semble déjà dépasser nos frontières. « C’est vraiment trippant de voir ça, on est vraiment une belle gang! Ce qui est l’fun est que nous sommes tous de vrais chums. Nous sommes des amis et on vit tous les mêmes affaires, on peut se fier l’un sur l’autre, il y a un bel esprit de communauté » dit-il. Francis DeGrandpré, Vince Lemire, Andie Therio et Fred Dionne ont pratiquement fait paraître leurs albums en même temps. Est-ce que cette si grande synergie de groupe est propre au country? J’ai le sentiment que oui, cette proximité est magnifique et particulièrement rare dans d’autres milieux. Le projet Grande Ourse, paru sous l’étiquette Disques Far West, est définitivement le symbole de cette amitié. « Ça a commencé à St-Tite dans une soirée qui s’est terminée à 5 heures du matin! », lance-t-il en riant. Ce projet prendra vie sur scène, le 1er mars prochain, au Club Soda à Montréal. Est-ce que réunir tout ce beau monde fut une opération impossible pour le label? « Aucune idée, demande ça à Catherine, c’est elle qui a géré la logistique derrière tout ça! (rires) Mais j’avoue que ça a dû être compliqué de gérer sept horaires en même temps », dit-il. Avec raison!
C’est quoi la prochaine étape?
Fred Dionne me mentionne qu’il a tendance à ne pas attendre la fin d’un projet avant de demander à son équipe, « c’est quoi la prochaine étape? ». Je l’ai pris au mot : avec quel artiste rêve-t-il d’une collaboration dans les douze prochains mois? « C’est une bonne question parce que j’ai eu l’occasion de faire de super belles collaboration avec « Grande Ourse ». Il y a un an, je t’aurais dit Guillaume Lafond, Brittany Kennel, Raphaël Denommé… mais j’ai la chance de tous les croiser cette année! Mais ce projet-là m’a vraiment donné le goût d’écrire avec d’autre monde », dit-il. Fred Dionne prévoit la sortie prochaine d’un album acoustique et « live ». Il est également en train de prévoir une collaboration avec Geneviève Racette qui devrait, semble-t-il, nous surprendre.
J’étais intéressé d’avoir le regard d’un auteur-compositeur autoproducteur sur l’industrie, telle qu’on la connaît. Récemment, à quelques heures du Gala de l’ADISQ, une lettre ouverte de 150 signataires était publiée dans Le Devoir. « Le tapis rouge de l’asservissement », lisait-on. « J’en jasais avec Raphaël Dénommé dans l’auto cette semaine, en allant jouer au hockey, et je pense qu’il y a des bons et des moins bons côtés à être autoproducteur de son matériel. Au début, faut donner un coup quand on enregistre l’album, il y a énormément de frais, faut budgéter son affaire. J’étais 100 % certain que je serais autoproducteur », mentionne Fred Dionne. « Je me suis monté un budget, j’ai décidé de foncer et je n’ai pas obtenu de subvention pour faire l’album. Je l’ai fait et, un an plus tard, j’ai eu une subvention de commercialisation qui m’a beaucoup aidé. Un an plus tard, je commence à avoir des retours de ça. Ça va m’aider à payer le deuxième ». L’artiste mentionne le stress et les nombreux frais afférents au lancement d’un album. « C’est sûr que lorsqu’on arrive au Gala, tu n’as pas de label, t’es indépendant, il n’y a personne qui va voter pour toi à l’ADISQ pour te nommer », dit-il.
Une inspiration récente dans le métier? « Je trouve ça inspirant de voir des artistes comme Francis Degrandpré, qui a bûché super fort pour se rendre là, récolter de si belles récompenses. Il y a deux ou trois ans, personne ne le connaissait. Aujourd’hui, il remplit des salles partout. C’est un bel exemple pour moi. Je me dis que quand tu bûches et que tu ne lâches pas, tout est encore possible », raconte Fred Dionne.
Survol de son récent album
« Je suis en cavale, c’est ce qui me tient en vie » est la toute première ligne de texte de son album Highways. Cet esprit nomade ou cette envie de ne pas se sentir « attaché » est-il ce qui le caractérise? « Rester chez nous plus qu’une journée de temps, pour vrai, je tourne en rond. Je me pars des projets, je fabrique un bar en bois pour le spectacle de Grande Ourse, etc. Bref, il faut que ça bouge. Ça me prend toujours des projets! Je me considère comme un vrai passionné de musique. Gaz au fond, comme dirait Matt Lang! », lance-t-il.
Des projets, on lui en souhaite beaucoup. Fred Dionne gagne à être connu et sa virée à Québec fut un succès. Nous sommes arrivés au fond de notre canette de bière, mais on en aurait volontiers pris une deuxième.
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Image de couverture : Sunnie Heers