Jimmi Francoeur : Photographe intemporel (Partie 2)

Face à face avec Jimmi Francoeur

Un entretien avec Michaël Grégoire

Pour lire la première partie de l’entrevue, cliquez ici.

L’évolution de la diversité

Qu’en est-il de la diversité dans l’univers de la photo? On fait notamment référence aux couvertures de magazines, un monde dans lequel Jimmi Francoeur a développé une expertise depuis plusieurs années. “Je sens que nous avons connu une belle évolution en ce qui a trait à la diversité. On accepte beaucoup plus les photos moins retouchées et des images plus naturelles. La nouvelle génération est plus ouverte à la diversité en général, je le constate de plus en plus”, mentionne-t-il. Jimmi Francoeur ajoute que la musique influence la mode et vice-versa. Il se dit surtout heureux de voir que cette ouverture des mentalités sur la diversité des genres pourra permettre à la nouvelle génération de prendre sa place, à sa manière. “Je suis surtout content pour mon garçon de quatre ans qui, lui, s’ouvre aussi à plein de possibilités”.

S’entourer d’une équipe

Jimmi Francoeur est représenté par l’agence SOMA à Montréal et par l’agence Undivided à Toronto. On entend souvent des artistes en début de carrière être à la recherche d’une équipe pour les représenter. Comment cela s’articule dans le monde de la photographie? “D’abord, ce sont les agences qui viennent vers les artistes. Souvent, un agent va t’approcher parce que tu combles un manque dans son organisation et que tu atteins une certaine popularité. Si tu as du succès et que tu fais des productions qui ont besoin d’être “produites”, tu ne peux pas faire ça seul et tu as besoin d’une équipe de production”. L’artiste m’explique qu’à un certain niveau dans ta carrière, les projets grandissent, le budget augmente et les difficultés techniques apparaissent. Par exemple, une séance photo d’envergure pourrait nécessiter de demander les autorisations pour bloquer une rue, monopoliser l’espace d’un édifice à bureaux, créer des effets spéciaux dans un lieu public, etc. À un certain moment, le photographe a besoin d’une équipe pour réaliser toutes ces démarches. C’est là que l’agence entre en jeu. “Ça ne te garantit pas le succès du projet, mais ça te donne un grand coup de main. Quand je produis des projets avec SOMA à Montréal, le client est en confiance parce qu’il sait que la production s’est occupée de tous les petits détails. À un certain niveau, tu n’as pas le choix d’être représenté”, mentionne-t-il.

Par où commencer?

C’est aussi une question qu’on lui pose souvent, celui qui se décrit d’abord comme un “self-made man” qui a eu la chance de côtoyer des ami(e)s artistes, musiciens, photographes, graphistes, avant de plonger tête première dans ce milieu professionnel. “Construis tes réseaux sociaux autant que possible. Mais pose-toi la question: Qu’est-ce que tu veux faire comme travail? On m’a déjà répondu “je veux shooter pour Nike”. Je te réponds de commencer par aller “shooter” dans le gym au coin de ta rue, d’aller “shooter” comme pour un client comme Sports Experts et, après ça, si ça fonctionne et que tu captes l’attention du public, peut-être qu’une agence t’ouvrira les portes d’un géant comme Nike ou Adidas. Ne brûle pas d’étapes”, soulignant que c’est l’erreur que peuvent faire les artistes qui souhaitent se lancer trop vite dans plusieurs projets d’envergure avant d’avoir la certitude d’être bien ancrés et d’avoir la meilleure équipe pour eux. Ensuite, il souligne aussi l’importance de ne pas oublier ses premières amours qui t’ont fait aimer ce métier. “Fais des projets personnels qui te permettent de garder ta “flamme” allumée et de continuer à aimer ce que tu fais. J’ai suivi énormément d’artistes et de groupes de musique dans ma carrière, mais c’est ce que j’adore. Je reviens souvent à ça quand on me le propose”, dit-il. “Quand j’ai commencé, les gens m’appelaient pas mal pour n’importe quoi. Aujourd’hui, après 15 ans, j’ai l’impression que j’ai ma couleur, ma signature et que les gens le savent. Si tu veux “shooter” pour du magazine, présente sur tes réseaux sociaux des “shootings” qui ressemblent à des magazines.” Jimmi Francoeur m’explique que les artistes qui viennent vers lui pour se faire prendre en photo ont déjà vécu d’autres expériences ailleurs et veulent prendre une autre direction. Une voie peut-être plus mode, plus jeune et une dynamique nouvelle à explorer. En bref, ils cherchent désormais la signature “Jimmi Francoeur” qui se ressent dans son travail. La clé? Se faire voir, notamment sur les plateformes sociales. “La représentation de ton travail sur les réseaux sociaux est super importante. Les artistes qui n’investissent pas suffisamment sur leur promotion et leurs visuels, ce sera difficile de percer. Quand tu commences ta carrière, au début, ce sont des amis qui te font confiance, mais un jour tu sors de ton cercle et là, tu sens que tu touches à quelque chose. Je ne me verrais pas déménager à Paris ou Londres pour aller encore plus loin, parce que j’aime ma vie ici. Je connais des gens qui ont choisi de faire le saut vers l’Europe et c’est correct. Je suis heureux ici avec ma petite famille.” Francoeur explique qu’il investit un nombre d’heures considérable dans les réseaux sociaux, chaque semaine, puisque de montrer ton travail reste une part importante de la promotion d’un photographe.

Un milieu tissé serré

Récemment, nous étions sous le choc d’apprendre le décès du photographe montréalais Félix Renaud, reconnu pour ses clichés complètement éclatés de Clay & Friends, FouKi, Koriass, Marjo et des centaines d’autres. “Nous sommes quand même un milieu qui s’aime et qui s’aide. Récemment, j’ai perdu un collègue, Félix Renaud, et ça m’a attristé pas mal. On se parlait beaucoup lui et moi, on échangeait sur les réseaux sociaux. Notre travail était vraiment à l’opposé. J’adore ce qu’il fait, c’est du “multi layers”, c’est de la mise en scène, pour moi c’était vraiment un artiste. Parfois des gens m’écrivaient pour avoir des photos plus “flyées” et je les ai refilés à Félix. Je trouve qu’à Montréal, nous sommes une belle communauté, on aime beaucoup le travail des uns et des autres et c’est un petit milieu”, souligne Jimmi Francoeur, visiblement attristé. Il souligne également que la communauté artistique de Montréal a ce “petit quelque chose” de très spécial où l’entraide et la passion sont les maîtres-mots. “Si tu as un projet à Montréal, les gens vont embarquer et j’ai l’impression que c’est spécifique à Montréal. Si tu veux faire un documentaire demain matin, tu vas trouver plein de professionnels disponibles pour venir t’aider et sans nécessairement que tu doives payer des frais… simplement parce qu’ils adorent autant que toi le métier qu’ils font. Quand je vais travailler ailleurs, je constate à quel point les gens sont admiratifs de notre travail et de notre créativité à Montréal”, ajoute-t-il. Le photographe souligne le talent des artistes tels Shayne Laverdière, Alexis Belhumeur et William Arcand.

Ce qu’il aime

Quand il fait un petit retour en arrière, l’artiste me parle notamment de ce qu’il a fait en publicité. “À chaque fois, le projet est encore plus grand”, dit-il. Jimmi Francoeur se souvient notamment de son projet avec P.K. Subban alors qu’il venait de commencer dans la réalisation. “C’était un “short film” d’une minute et, vite, j’ai senti que ça m’a dépassé. J’avais un fort sentiment d’imposteur. J’ai commencé à faire de la publicité, mais quand tu arrives sur des productions de plus grande envergure, les gens t’ouvrent les portes et ça peut aller vite”, ajoute-t-il. Jimmi Francoeur se souvient entre autres d’une publicité avec Jonathan Drouin pour McDonald’s, d’une autre avec l’athlète olympique Tessa Virtue pour Nivea et de projets avec les marques Simons, Penningtons, Reitmans et Call it Spring, pour ne nommer que celles-là.

Est-ce que le fait de devenir papa a changé le regard qu’il porte sur son travail? “100 %. Je me rends compte avec l’âge que j’ai un “let go” beaucoup plus facile. J’ai moins envie de me battre qu’avant. J’ai juste hâte de revenir à la maison et de regarder un film avec mon fils”, lance-t-il. “Je vais moins me battre pour un contrat. Souvent, quand tu fais de la publicité, tu te retrouves entre l’agence et le client et, au final, tu retrouves ta signature à peut-être 40 % de ce que tu avais imaginé au départ. La coloration, ta proposition visuelle, certaines suggestions où le client a peur de choquer, etc. Finalement, je me demande pourquoi le client m’a engagé! Avant, je me battais énormément pour mes idées, mais avec le temps, je comprends que ce n’est pas mon film et c’est bien correct comme ça.” L’artiste ajoute qu’il voit son garçon grandir vite, peut-être un peu trop vite pour lui. Il voudrait bien ralentir le temps, un peu. “Mon métier me cause moins de crises d’anxiété! (rires)”

Pour l’avenir

À titre de gérant d’artistes, j’ai personnellement eu l’occasion de collaborer avec Jimmi Francoeur. Avec le temps, on a toujours gardé contact, il est devenu un ami et un professionnel pour qui j’ai beaucoup d’admiration. Surtout parce que son approche est particulièrement humaine, à l’écoute et parce que j’ai pu constater que tout réside dans la connexion qu’il crée avec le client qu’il a devant lui. Alors, qu’est-ce qu’on lui souhaite pour les années à venir? “D’être encore pertinent et de m’amuser. J’espère garder cet équilibre, rester pertinent et intéressé par ce métier et le milieu artistique comme je le suis en ce moment… mais tout aussi heureux de rentrer chez moi.

Pour aller plus loin, découvrez Jimmi Francoeur.

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