L’art d’avoir un plan

Arnaud Schaumann, gérant d’artistes

Un entretien avec Michaël Grégoire

Il est 13h un vendredi, je me connecte à notre lieu de rendez-vous commun, un Zoom, résultat d’une invitation qu’il a acceptée avec enthousiasme. J’avais souvent entendu parler de lui, notamment lors de son passage chez Musicor, mais c’était la première fois que je prenais le temps de discuter avec le gérant d’artistes Arnaud Schaumann. Une entrevue de 45 minutes dans laquelle il n’hésite pas à s’exprimer sur son parcours avec ouverture, honnêteté et un certain sourire dans la voix.

« J’avais environ 7 ans lorsque j’ai fait la rencontre tout à fait par hasard de Patricia Kaas, en France, elle qui était en pleine promotion de l’album qui l’a propulsée sur les palmarès. Sans le savoir, la sensation spéciale que j’ai vécue fut le début de ma fascination pour le monde des artistes et des médias. Je passais presque toutes mes vacances scolaires à flâner dans les studios de RTL TV, une station de télévision généraliste privée située à l’époque dans l’est de la France, à la limite du Luxembourg », mentionne-t-il. En effet, la station qui a plus tard été rachetée par le groupe de télévision Mediawan était devenue son camp de vacances. Il occupera, quelques années plus tard, un poste à la programmation musicale du groupe M6 à la suite d’un stage qu’il effectue à ses 20 ans. « Les mêmes animateurs de RTL TV qui ont connu le petit Arnaud ont eux aussi grandis, sont arrivés chez M6 et sont devenus mes collègues ! », lance-t-il en riant.

Le plan était clair

Au fil des ans, je me suis intéressé aux parcours (souvent atypiques) des gérants d’artistes et j’avais l’impression que ce métier se présentait un peu par hasard, comme une sorte d’alignement des planètes ou d’heureux hasards qui faisaient d’eux, un jour, les grands capitaines de la carrière d’un artiste. Arnaud Schaumann n’est pas de ceux-là. « Je savais pertinemment que c’est le métier que je voulais faire dans la vie. J’avais un plan et tout était clair pour moi. Je le répète souvent à Tom (l’artiste PETiTOM), mais avoir un plan est primordial pour l’avancement de ta carrière ».

Au fil des ans, je me suis intéressé aux parcours (souvent atypiques) des gérants d’artistes et j’avais l’impression que ce métier se présentait un peu par hasard, comme une sorte d’alignement des planètes ou d’heureux hasards qui faisaient d’eux, un jour, les grands capitaines de la carrière d’un artiste. Arnaud Schaumann n’est pas de ceux-là. « Je savais pertinemment que c’est le métier que je voulais faire dans la vie. J’avais un plan et tout était clair pour moi. Je le répète souvent à Tom (l’artiste PETiTOM), mais avoir un plan est primordial pour l’avancement de ta carrière ». Avouons que le hasard y joue parfois pour beaucoup et fait bien les choses, ce dernier ayant croisé la route de la grande patronne de Musicor qui l’incitera à s’établir à Montréal pour y occuper un poste de gestion chez Productions J. « Même si à ce moment, pour moi, devenir gérant n’était pas envisageable, je savais que je voulais réaliser tous mes rêves. Tous, un à un », dit-il avec la même assurance que lorsqu’il vante les talents de son jeune protégé. « C’est le Québec qui m’a permis de faire ça, passer du rôle de programmateur au sein d’un média à celui de producteur. En France, cela n’aurait jamais été possible ». Quelques années plus tard, PETiTOM se dévoile au rendez-vous télévisé La Voix et impressionne. On se souviendra du sideflip de l’artiste originaire de Québec qui deviendra viral sur les médias sociaux. « Je me dis, mais qui est ce gars? Les jours qui suivent, je fais des pieds et des mains pour le recevoir chez Musicor », ce qui ne cadre pas tout à fait avec les plans de la maison de disques à cette époque. Cette décision sera le déclic dont il avait besoin, tout juste à son retour d’un voyage d’affaires à New York et en pleine pandémie : il démissionne et propose un premier contrat de gérance à son nouveau poulain. « Si tu n’as pas de plan pour toi-même, ça ne marchera jamais. J’ai été tellement ébranlé lorsque mon poste a été aboli chez M6 que je me suis dit que si je ne décidais pas de faire les choses par moi-même, surtout dans cette industrie, quelqu’un va un jour décider que mon aventure s’arrête. Et là, je n’aurai plus rien. J’étais arrivé à un point dans ma vie où il fallait que je construise un projet personnel qui prenne de la valeur, à long terme », lance-t-il. Il venait de cocher un nouveau rêve sur sa liste : il était manager.

La place du gérant

Le milieu artistique évolue énormément et le rôle propre au gérant tend aussi à changer. Que devient aujourd’hui le rôle fondamental d’un gérant? « Je suis d’abord et avant tout présent dans la carrière de l’artiste pour lui expliquer quels sont ses droits », dit-il. En effet, il arrive régulièrement qu’un auteur-compositeur crée des projets, les enregistre et se lance alors qu’il n’a pas tout à fait (ou pas du tout!) conscience des droits qui lui reviennent. « Au début de ma collaboration avec PETiTOM, j’ai dû détricoter ce qu’il avait tricoté dans diverses ententes avec ses collaborateurs de l’époque. Quand un gars dit à mon artiste qu’il va le facturer pour enregistrer en studio, qu’il va ensuite s’accaparer les droits sur les bandes maîtresses, l’entièreté des éditions et que l’artiste, lui, doit tout de même payer son relationniste de presse et son pistage radio, c’est complètement ridicule. Pourtant, ça arrive plus souvent qu’on le croit… encore aujourd’hui ». Pour lui, un gérant est interchangeable et est de passage dans la vie d’un artiste. « La maison ne m’appartient pas, tout simplement. J’ai envie d’être à côté de PETiTOM pour l’accompagner et lui expliquer comment les choses fonctionnent. Je n’ai pas envie qu’il rejoigne ces artistes où il devient très compliqué de faire valoir ses droits. », mentionne-t-il à une époque où certains créateurs sont prêts à signer tout et n’importe quoi pour toucher à leur rêve.

Penser à l’international, dès le jour 1?

Cela est devenu une évidence, les médias sociaux jouent un rôle capital dans le rayonnement d’un artiste. Est-il aujourd’hui devenu incontournable pour son équipe et lui de réfléchir à la stratégie de mise en marché d’une chanson en songeant à l’impact international de ce titre dès sa sortie? « Je ne pense pas que ce soit nécessaire de réfléchir comme ça, tout dépend du plan qui est élaboré pour l’artiste au départ. Le reste, il faut laisser faire la magie en studio et en entendant les chansons on sait très vite si cela peut s’exporter ou non », dit Schaumann.

Pour lui, il n’y a pas d’urgence à réfléchir à la mise en marché d’un point de vue « born global » trop vite, mais il faut tout de même garder en tête que les réflexes d’affaires au Québec et en France sont loin d’être les mêmes. « En France, on voudra d’abord savoir combien tu as d’abonnés sur les médias sociaux, si tu as la capacité de rallier une communauté et si tu as déjà des deals avec des marques établies. Cela ne fonctionne pas nécessairement comme ça au Québec ». Ensuite, il y aussi le fait qu’en raison de la grandeur de son marché, l’équivalent d’un petit succès en France peut être un triomphe au Québec. « Si tu veux avoir du succès en France, il faut que tu y sois », ajoute-t-il. Il fait notamment référence à l’annonce publique qui vient de paraître dans les médias puisque PETiTOM vient de décrocher l’un des rôles principaux de la comédie musicale Molière, L’Opéra Urbain. Le jeune artiste a tout quitté pour aller vivre pleinement cette aventure européenne qui s’annonce prometteuse pour lui. Pour lui, la première question à se poser est d’abord si le titre qui naît en studio correspond à l’ADN de l’artiste et à son plan initial. Tout part de là, le reste suivra.

Mettre ses limites et savoir partir

« Je suis pratiquement dispo 24/7 pour mes artistes! En pleine nuit, tu vas pouvoir me joindre! En dehors de ça, les week-ends, ne me cherche pas, je suis disparu », répliquant à ma question sur les moments de pause que doit s’offrir un gérant, dans un univers où le verbe « relaxer » ne rime pas à grand-chose. Est-ce qu’il s’ennuie de son passé chez Musicor? Il est catégorique : pas du tout. « J’ai encore des liens avec tout le monde là-bas. Comme j’ai encore de bons liens avec mes anciens collègues chez M6. Quitter un emploi c’est un peu comme une relation de couple, il n’y a jamais une bonne manière d’annoncer ton départ et de quitter, il faut simplement le faire dans le respect de ceux qui restent », dit-il. C’est aussi le meilleur conseil qu’il souhaite offrir : ne jamais partir en mauvais termes. « Tu reverras ton stagiaire, tes collègues et tes patrons tout au long de ta carrière. Partir en mauvais termes ne sert à rien. Il y a bon nombre de personnes qui étaient stagiaires à une époque et qui sont aujourd’hui des directeurs. De toute façon, pour moi la vie est trop courte pour se fâcher », dit celui qui peut encore nommer de très nombreux rêves à réaliser. On lui en souhaite encore beaucoup…

Actualités

~ Arnaud Schaumann est président de l’agence Hyronik, basée à Montréal et à Paris et spécialisée en gérance d’artistes et en édition. www.hyronik.com

~ PETiTOM a récemment été vu dans le rendez-vous télévisuel Zénith sur les ondes de Radio-Canada et campera l’un des rôles principaux de la comédie musicale Molière, L’Opéra Urbain

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