C’est par un dimanche après-midi que l’on s’assoit dans un resto de Lebourgneuf, à Québec. J’ai donné rendez-vous au rappeur de Québec Slim Tony qui présente son nouveau projet, “Dame de coeur”, un EP de cinq chansons. Après le lancement d’un premier EP en 2021 et d’un album complet en 2023, on peut dire que l’artiste ne chôme pas. Pourquoi opter pour un EP, cette fois? “Pour ce EP, je ne voulais pas étirer trop la sauce! Je savais que ce que je voulais dire pouvait s’écrire en 4 ou 5 chansons, je n’en voulais pas plus. Je voulais que ce soit “punch” et ça tient dans ce que je présente”, dit-il. “Des fois, tu écoutes des albums qui sont simplement trop longs”.
Une nouvelle manière de collaborer
Le rappeur résume ainsi son propos à l’intérieur de cinq chansons à travers desquelles on sent une véritable évolution artistique. Il s’est d’ailleurs permis de faire quelques expériences musicales qui lui servent à merveille. “Je ne me suis pas trop déraciné de ce que j’étais, mais j’ai tenté de nouvelles choses. J’y suis allé avec des refrains plus accrocheurs, chantés. Par exemple, l’extrait “Hey girl” est chanté et je n’allais pas là avant!”, souligne-t-il, alors qu’il reçoit son café latté. Pour ce projet, il a fait équipe avec Marius Larue (Hubert Lenoir, P’tit Béliveau, Jérôme 50) à la réalisation et au mixage et à Pierre-Luc Darveau (Connaisseur Ticasso, Rymz, Farfadet) au matriçage. Le rappeur avoue avoir eu beaucoup de plaisir à tout créer en studio et de manière très organique. “Avant, quand je voyais mes collaborateurs, c’était en mode production. J’envoyais mes textes que je créais sur leurs “beats”. Mais là, avec Marius, on a tout fait à 100 % en studio. On modifiait des trucs en temps réel, j’ai adoré ça”, ajoute-t-il. Est-ce que cette méthode changeait quelque chose à son écriture, l’artiste avoue qu’il lui a fallu quelques ajustements, mais que cette façon de faire les choses lui a beaucoup plu. “Il y avait une forme de gêne ou de pudeur au départ. C’est important pour moi de bien connaître la personne avant de collaborer, au lieu d’envoyer simplement mes “vocals” par courriel. Avec Marius, il n’y avait aucun jugement, il m’a accueilli à bras ouverts”, dit-il.
Appréhender la sortie
Le rappeur originaire de Charlevoix ne s’en cache pas, la dernière année en fut une plus sombre, une année de chute, de prise de recul et de reconstruction personnelle. À la question “Cet album en est-il autobiographique?”, Slim Tony répond par l’affirmative. “J’appréhendais la sortie parce que c’est un projet très personnel”, souligne celui qui habite maintenant à Québec depuis plusieurs années.
“Personnel” est le bon mot, en effet. “Dame de coeur” nous fait naviguer dans les derniers mois de l’artiste. “Les temps changent, les amis aussi” / “Des relations en péril” / “J’ai tout mis dans la carte Inspire” / “Avec le sexe, je compense” / “J’pensais que j’allais finir en thérapie” / “L’industrie est tellement fake” / “Vends ton âme à un label”. Des lignes choc qui nous interpellent autant qu’elles nous font réfléchir. “Entre la sortie de mon premier album et la création de ce EP-là, j’ai vécu une peine d’amour et des problématiques personnelles par-dessus lesquelles j’ai dû passer. Je suis allé prendre soin de moi et il a fallu que je prenne un pas de recul”, dit-il. “Je n’avais pas vu ça venir et je suis tombé dans l’alcool. J’ai une personnalité très festive et je ne voyais pas ça comme un problème, mais avec cet événement, j’ai frappé un mur. Je me suis interrogé sur mes comportements et j’avais l’écriture comme manière d’exprimer tout ça”, alors qu’il ajoute que ce sont ses amis qui lui ont fait prendre conscience de son problème. “J’ai eu besoin de cette période pour quitter le personnage du “gars festif”. C’était un trait fort de ma personnalité, mais ce n’est pas cette personne que je voulais être”, conclut Slim Tony. Ce EP devient un exutoire, mais aussi une manière de retrouver son équilibre personnel. “Ça me faisait peur de sortir de cette manière, beaucoup de gens vont apprendre les problématiques que j’avais dans ce EP. Je suis prêt à ça, mon deuil est fait. Ça m’a fait du bien de l’extérioriser et de tourner la page”. L’artiste pense à la réalisation de l’album “Young Gun” durant laquelle il entrait souvent en studio intoxiqué. L’opus “Dame de coeur” est vrai, authentique et ça se ressent.
Un album organique
Le rappeur est heureux que je souligne à quel point le EP est conçu pour s’écouter du début à la fin. “Je suis vraiment content que tu dises ça! Dans la vie, j’adore écouter des albums de A à Z. Je ne voulais pas des chansons simplement pour remplir. Le EP dure quinze minutes et je suis très fier de ça”, souligne Slim Tony. La dernière chanson, “En vie” pourrait d’ailleurs aisément prendre un tournage orchestral et ce serait absolument magnifique. “Pourquoi pas sur une version deluxe!”, lance-t-il en riant. On note également une collaboration avec l’artiste Sensei H qui est devenue une amie proche et qui a contribué à élever son jeu d’un cran. “Je suis vraiment heureux de cette collaboration! On s’est connus en 2022 alors que je suivais un atelier d’écriture qu’elle donnait. Ça m’a beaucoup aidé et on s’est lié d’amitié. On est allés en studio et la chanson s’est réalisée d’un seul coup”, conclut le chanteur.
Ce nouveau projet est-il une façon de se rétablir ou de vouloir recommencer à nouveau? “Ce que j’avais à dire, je l’avais en dedans depuis tellement longtemps. Là, je me sens bien dans ma peau, je ne pourrais pas changer mon passé, mais je suis fier du chemin que j’ai fait” répond-il. Il a d’ailleurs quitté le monde professionnel de l’événementiel pour se concentrer sur sa musique… les deux pieds sur terre. Slim Tony s’inspire des Koriass et des Manu Militari qui ont été une étincelle dans son parcours artistique. En 2017, alors qu’il évolue aux États-Unis pour jouer au hockey sur un campus universitaire, il a commencé à écouter du rap québécois et ce fut une révélation pour lui. “Ça a été une façon pour moi de rester connecté à la langue française. Au Festif! De Baie-Saint-Paul, j’ai vu Koriass et je suis devenu un fan!”, lance-t-il. “C’était une manière pour moi d’être fièrement québécois là-bas”. Parce que de ses racines québécoises, il est très fier. Une autre inspiration pour ce projet? James Blunt! Cet artiste l’a marqué dans l’enfance, c’est un souvenir de famille. “Quand j’ai eu une peine d’amour, je suis retombé dans ses succès. C’était un réflexe!”.
Sur l’album “Young Gun”, Slim Tony faisait souvent référence à l’univers sportif. “Je n’ai jamais été le gars le plus talentueux, mais j’ai toujours été celui qui travaille le plus fort”, dit-il. “Je traite la musique comme un job! Je pense que ça prend une mentalité comme ça pour que ça marche”, alors qu’il lancera officiellement son album en 2025 au Studio Telus du Grand Théâtre de Québec. “J’étais à la recherche d’un endroit à Québec pour lancer le projet et ils m’ont contacté. J’étais vraiment content! Ce sera mon plus grand spectacle à ce jour et la première fois avec des musiciens sur scène. J’aurai un batteur, un bassiste et un DJ sur scène”, conclut l’artiste, avouant qu’il préfère sa musique sur scène.
Projeter ce qu’on n’est pas
Si Slim Tony se dévoile sous l’image d’un dur à cuire ou d’un “bad boy”, voilà que le personnage est à des années-lumière d’Antoine Lévesque. “Je ne suis vraiment pas comme ça dans la vie”, répond-il. “Même sur les réseaux sociaux, on n’y voit que Slim Tony et non Antoine Lévesque. Je dois dealer avec ça et c’est correct. Pour moi, les réseaux sociaux, c’est un outil marketing. Il n’y a rien de personnel dans ça. Ce que j’ai de privé, je veux que ça reste privé”, celui qui se décrit davantage comme un gars gêné et observateur. “Sur mon dérapage dans le passé, je suis le seul responsable. J’ai entaché des amitiés, je le sais, et c’est probablement fini pour toujours. Je veux passer à autre chose, tourner la page sur ce chapitre de ma vie”. Écrire lui aura permis d’extérioriser ce qui dormait au fond de lui. Gageons que ça fera son chemin dans la tête et le cœur de bon nombre d’auditeurs…
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